« La joie est le passage de l'homme d'une moindre à une plus grande perfection » Spinoza
Dans leur Nouvelle histoire de l'humanité, David Graeber et David Wengrow développent une thèse fascinante. Selon eux, les idéaux (Liberté, égalité, fraternité) du siècle des Lumières, qui a débouché sur la Révolution, sont le produit d'une réflexion qui a commencé au XVIe siècle, lorsque les premiers récits des missionnaires et officiers envoyés dans le Nouveau monde pour civiliser les sauvages ont commencé à arriver en France. Ils ont immédiatement fait l'objet d'un grand intérêt car pour la première fois, les Européens se voyaient à travers le regard d'une autre civilisation. Et l'image que ces sauvages leur renvoyait n'était pas, mais pas du tout flatteuse. Leur vanité, basée essentiellement sur un sentiment de supériorité morale et technologique, s'est trouvée fortement mise à l'épreuve quand ils ont pris conscience que, s'ils méprisaient les Indiens pour leur mode de vie et leurs croyances arriérées, ces derniers les méprisaient encore plus pour leur manque de moralité, leur égoïsme, leur bêtise et surtout leur avidité sans limites.
Voilà ce qu'écrit par exemple le père Pierre Biard en 1608, à propos des Micmacs :
« Ils s'estiment meilleurs. « Car, disent-ils, vous ne cessez de vous entre-battre et quereller l'un l'autre ; nous vivons en paix. Vous êtes envieux les uns des autres, et vous vous détractez l'un l'autre ordinairement ; vous êtes larrons et trompeurs ; vous êtes convoiteux, sans générosité ni miséricorde ; Quant à nous, si nous avons un morceau de pain, nous le partageons entre nous ». Telles et semblables choses disent-ils communément ».
Davies, Thomas (c. 1737-1812), Vue près de la pointe Levy en face de Québec avec un campement indien, prise en 1788, aquarelle sur mine de plomb sur papier vergé, 35,1 x 52,5 cm, Musée des beaux-arts du Canada.
Ces critiques irritaient profondément les Européens, mais rien ne les contrariait davantage que la totale liberté dont jouissaient les Indiens, et qu'ils vivaient, eux qui ne connaissaient que les rapports de domination/soumission, comme une insulte personnelle.
Le père Lallemant [illustration à gauche] écrivait au sujet des Wendats (Hurons) en 1644 :
« Je ne crois pas qu'il y ait peuples sur la Terre plus libres que ceux-ci et moins capables de voir leurs volontés contraintes à quelque puissance que ce soit : en sorte que les pères n'ont aucun pouvoir sur leurs enfants, les capitaines sur leurs sujets et les lois du pays sur les uns et les autres, qu'autant qu'il plaît à un chacun de s'y soumettre ; n'y ayant aucun châtiment dont on punisse les coupables et aucun criminel qui ne soit assuré que ni sa vie, ni ses biens ne seront en danger… »
Source : thewendathuronproject.scriptmania.com
A propos de châtiment, les Hurons avaient un système qui marchait beaucoup mieux que notre justice à deux vitesses et nos prisons qui mériteraient d'être plutôt appelées centre de perfectionnement des criminels. Lorsqu'un meurtre était commis, le meurtrier lui-même n'était pas puni, mais toute sa famille au sens large était invitée à donner à la famille de la victime le plus de cadeaux possibles en dédommagement. Ils n'y étaient pas contraints et certains se défilaient, mais comme cela se faisait devant toute la tribu, il y avait toujours assez de cadeaux…
Kandiaronk – L'argent, démon des démons et tyran des Français
Les Indiens, dans leur grande sagesse, n'avaient pas seulement identifié les symptômes de la maladie de notre société soi-disant chrétienne, ils en avaient percé la cause profonde : le mien et le tien, autrement dit la propriété, et pas seulement la richesse qu'elle procure mais le pouvoir indécent que donne cette richesse illégitime dans notre société.
Le baron de la Hontan rapporte ses entretiens avec Kandiaronk, un chef Huron d'une intelligence et d'une éloquence rares, dans un ouvrage intitulé Dialogues avec un sauvage paru en 1703 :
« Plus je réfléchis à la vie des Européens, moins je trouve de bonheur et de sagesse parmi eux. (…) Je ne trouve rien dans leurs actions qui ne soit au-dessous de l'homme, et je regarde comme impossible qu'il en soit autrement, à moins que vous ne vouliez vous réduire à vivre sans le Mien et le Tien comme nous faisons. Je dis que ce que vous appelez argent est le démon des démons, le tyran des Français ; la source des maux ; la perte des âmes et le sépulcre des vivants. Vouloir vivre dans le pays de l'argent et conserver son âme, c'est vouloir se jeter au fond du lac pour conserver la vie ; or ni l'un ni l'autre ne se peuvent. Cet argent est le père de la luxure, de l'impudicité, de l'artifice, de l'intrigue, du mensonge, de la trahison, de la mauvaise foi et généralement de tous les maux qui sont au monde. Le père vend ses enfants, les maris vendent leurs femmes, les femmes trahissent leur mari, les frères se tuent, les amis se trahissent et tout pour de l'argent. Dis-moi, je t'en prie, si après cela nous avons tort de ne vouloir ni manier ni même voir ce maudit argent. »
L'institutionnalisation de la propriété privée des moyens de production garantit que les riches s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent
Il faudra attendre Marx pour se voir expliquer la source de la richesse illégitime de la bourgeoisie, ou classe capitaliste, qui possède les moyens de production, ce qui lui permet d'exploiter les classes laborieuses qui n'ont que leur force de travail à vendre.
C'est ce que dénonce le cinéaste suédois Bo Windeberdg dans les deux films de lui que je viens de voir. Windeberg, qui venait d'un milieu modeste, était contemporain d'Ingman Bergmanet la notoriété de ce dernier a malheureusement occulté son œuvre davantage axée sur la vie quotidienne des classes populaires. Dans Le Quartier du Corbeau, il montre la vie d'une famille pauvre pendant la crise de 1936, et dans Adalen 31, il décrit un mouvement de grève de 1931. Les deux films montrent clairement que non seulement rien n'a été fait pour contrer le pouvoir de l'argent depuis que les Amérindiens l'ont dénoncé au XVIe siècle, mais que la bourgeoisie possédante européenne a réussi à institutionnaliser sa confiscation de toutes les richesses. Ainsi elle peut légalement, et même avec l'aide de l'Etat, de la justice, de la police et de l'armée, réduire à la misère et à l'esclavage tout le reste de la population, sous couvert de « liberté, égalité, fraternité » !
Les deux films, tous deux très beaux, profonds et émouvants, mais très très tristes, finissent tout de même sur une note d'espoir. Le jeune héros du Quartier du Corbeau dont le père est alcoolique et la sa mère se débat pour maintenir un semblant de vie de famille (les femmes sont sublimes dans les deux films), réussit à s'arracher à l'emprise de son milieu, où il est en train de sombrer dans le désespoir et la déchéance ; et le jeune héros de Adalen 31 se découvre une conscience politique après qu'il a tout perdu dans la grève : sa petite amie, la fille du patron, que sa propre mère a obligée à avorter du bébé qu'elle portait, et son père et son meilleur ami, tous deux assassinés par l'armée appelée par la bourgeoisie possédante pour mater les grévistes. C'est lui qui secoue le premier sa tristesse et qui ramène la joie dans la maison endeuillée. Le film se termine par l'annonce que ces meurtres ont amené au pouvoir les sociaux-démocrates qui ont construit un état social pour le plus grand bonheur des Suédois. Je ne sais pas si Bo Windeberdg, qui est mort en 1997, serait encore de cet avis aujourd'hui mais il aurait sans doute été fier que la Suède ne tombe pas dans l'hystérie collective du Covid et ne force pas les Suédois à arrêter toutes leurs activités pour s'enfermer chez eux en s'injectant un produit inconnu tous les trois mois.
Christelle Néant – La France prépare une nouvelle loi « bâillon »
Le 10 juin 2025, le projet de loi n°1535 visant à interdire et sanctionner les contenus et discours anti-républicains en France, a été déposé à l'assemblée nationale. Ce projet de loi rappelle furieusement la loi du 10 juin 1794 qui instituait un tribunal révolutionnaire pour « punir les ennemis du peuple », c'est-à-dire « ceux qui cherchent à anéantir la liberté publique » ou « ceux qui auront provoqué le rétablissement de la royauté, ou cherché à avilir ou à dissoudre la Convention nationale et le gouvernement révolutionnaire et républicain »,
Or quand on sait que cette loi a ouvert la voie à la Terreur, une dictature sanglante qui a fait des dizaines de milliers de morts en France, il y a tout à craindre, et notamment une dérive dangereuse vers une censure décomplexée en France. C'est-à-dire une violation totale de ces mêmes principes républicains que ce projet de loi prétend protéger…
France : Le projet de loi contre les contenus «anti-républicains», une nouvelle loi «bâillon» ?
Zarah Sultana – Maintenant il faut choisir entre socialisme ou barbarisme
L'ancienne députée travailliste Zarah Sultana a officiellement mis fin à son association avec le parti dirigé par Keir Starmer pour fonder un nouveau parti avec Jeremy Corbyn. Comme l'explique le journaliste britannique, Rifat Jawaid, les sondeurs prédisent déjà une forte surprise lors des prochaines élections, Corbyn venant contrecarrer les calculs politiques de Starmer.
L'annonce de sa démission du Parti travailliste de Zarah Sultana est particulièrement intéressante parce qu'elle résume bien les raisons de l'énorme rejet populaire de la plupart des dirigeants européens, dont notre Macronapoléon national :
« J'ai passé 14 ans au parti travailliste et je le quitte aujourd'hui. Je vais fonder un nouveau parti avec Jeremy Corbyn et des députés et militants indépendants. Le Parlement est en ruines mais le problème est plus profond. 50 familles anglaises possèdent autant que la moitié de la population. La pauvreté s'accroit. Les inégalités ont atteint un niveau indécent et le système à deux partis ne nous offre que déclin et fausses promesses. Il y a un an, j'ai été suspendue par le parti pour avoir voté en faveur de la suppression du plafond de l'aide aux parents de deux enfants et sortir 400 000 enfants de la pauvreté. S'il fallait le refaire, je le referais. J'ai voté contre la diminution des aides pour le fuel d'hiver des retraités. S'il fallait le refaire, je le referais. Maintenant le gouvernement veut s'attaquer aux handicapés. Leur seul problème c'est le montant de la coupe. Un escroc soutenu par un milliardaire est en tête des sondages parce que les Travaillistes n'ont rien fait pour améliorer la vie des gens. Tout l'Establishment politique, de Farage à Starmer, traite de terroristes les personnes courageuses qui veulent arrêter le génocide à Gaza. Mais la vérité, c'est que ce gouvernement participe au génocide, tandis que le peuple britannique s'y oppose. Nous ne le supporterons pas plus longtemps. Notre île n'est pas peuplée d'étrangers, mais de gens qui souffrent. Nous avons besoin de maisons et d'argent pour vivre. Nous ne voulons plus nous faire rançonner, mois après mois, par une petite élite qui nage dans le fric. Nous voulons que l'argent aille aux services publics et pas à des guerres éternelles. En 2029 le choix sera clair : socialisme ou barbarisme. Les milliardaires ont déjà 3 partis qui se battent pour eux. Il est temps que tous les autres en aient un aussi. Rejoignez-nous ! C'est maintenant ou jamais ! »
George Kuzmanovic – Au sommet des Brics, Lula demande à la France de rendre les 150 millions de francs-or qu'elle a extorqués à Haïti en 1825
En direct de Rio, George Kuzmanovic et son acolyte Pedro de Fréquence populaire rapportent les annonces fracassantes de Dilma Rousseff, présidente de la nouvelle banque de développement des BRICS et du président du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva, dans son discours inaugural du 10e sommet de la nouvelle banque de développement qui précède de deux jours le sommet des BRICS.
Dilma Rousseff a annoncé la création d'un réseau de communication qui reliera exclusivement les pays des BRICS entre eux, et l'entrée de l'Algérie dans la nouvelle banque de développement des BRICS. Lula, quant à lui, s'est montré très offensif. Il s'en est pris à la France qu'il a accusée d'être responsable de la grande misère d'Haïti, car l'île, le premier pays à acquérir son indépendance, a été forcée de payer un lourd tribut pour dédommager les colons français. Lula a demandé à la France de réparer cette injustice en rendant l'argent. Il a aussi dénoncé le bellicisme de l'OTAN dont les dépenses militaires représentent plus de 70 % des dépenses militaires mondiales, alors que 700 millions de personnes dans le monde souffrent de la faim. Il a aussi critiqué les politiques d'austérité qui n'ont comme résultat que d'appauvrir les peuples. Il a dit que les problèmes humains ne sont pas économiques mais exclusivement politiques. Il a qualifié l'ONU d'insignifiante, car elle a été capable de créer l'Etat d'Israël, mais s'avère incapable de créer l'Etat de Palestine. Il a conclu que le monde souffrait d'une pénurie de grands leaders surtout dans le camp occidental.
La ministre des finances de l'Inde a parlé des pays de l'Union africaine et affirmé qu'ils avaient vocation à entrer dans les BRICS.
Slobodan Despot – il n'y a pas de dignité sans liberté, en particulier d'expression
Sur Toscin, Slovoda Despot fête le succès de son site d'information alternative qu'il vient de couronner par un numéro spécial, 500 semaines de quête de sens, autrement dit 10 ans d'archives compilées avec la participation des lecteurs. Il souligne que nous vivons une période d'obscurantisme débilocrate et que beaucoup de francophone de par le monde se sentent isolés, non pas physiquement mais intellectuellement parce qu'ils ne partagent pas le point de vue des 99 % qui d'ailleurs, quand il atteint de telles proportions totalitaires comme c'est le cas actuellement pour l'injection Covid, le climat, les éoliennes, le gayisme, etc, est forcément manipulé. Ils finissent par se retrouver sur des sites comme Antipresse, dont la lutte est une lutte pour la dignité humaine. Ces gens-là n'ont pas droit à la parole, sont ostracisés et diffamés. Notre mission, souligne Slovada Despot, est de maintenir/rétablir leur confiance dans leur propre jugement, pour qu'ils ne se laissent pas manipuler par les escrocs qui nous gouvernent.
Le système a compris que certains outils qu'il a créés, comme l'Internet, se retournent contre lui, donc il y a une course de vitesse. Est-ce que l'humanité va s'émanciper plus vite que le système ne parviendra à censurer ces nouveaux moyens d'expression ?
Xavier Louis de Izarra – Dans un monde malade être sain d'esprit te rend suspect
Aujourd'hui, il faut un coach pour respirer, une appli pour dormir, et un diplôme pour câliner son gosse. Tu prépares une soupe ? T'es un marginal. Tu veux vivre à ton rythme ? On te prend pour un fou. Cette vidéo, c'est pas un délire… C'est juste une radiographie du monde moderne…
Et pour finir en beauté, en gaieté et en virtuosité, les ballets Igor Moiseyev
Dominique Muselet
Montreuil, le 6 juillet 2025
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Dominique Muselet auteure et traductrice, Paris, France. Elle est associée de recherche au Centre de recherche sur la Mondialisation.
La source originale de cet article est Mondialisation.ca
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