24/07/2025 ssofidelis.substack.com  6min #285186

Cinq cents pour cent

Par Lorenzo Maria Pacini, le 22 juillet 2025

Quelle image l'Amérique projette-t-elle d'elle-même ? Une fois de plus, celle du ridicule.

Ne riez pas

Permettez-moi de vous conter une bonne blague :  un républicain de Caroline du Sud a déclaré vouloir imposer des droits de douane supplémentaires de 500 % (oui, vous avez bien lu) sur les produits importés de Russie, impactant ainsi significativement la Chine. Cette mesure est censée faire peser une terrible menace sur Moscou pour Trump, qui brandit le spectre de nouveaux droits de douane contre la Russie de Poutine afin de faire pression pour la paix en Ukraine.

Bon, séchons maintenant nos larmes (de rire) et retournons aux choses sérieuses. Comment ne pas commenter de telles déclarations ?

Commençons par notre le commencement : Trump et ses acolytes devraient sans doute consulter un psychiatre, lequel leur prescrirait sûrement l'un de ces merveilleux remèdes si populaires en Amérique, histoire de mettre un terme à leurs délires.

Seuls les États-Unis pensent que la Russie et la Chine se soucient d'eux. Seuls les Américains s'imaginent que le monde tourne autour d'eux pour croire que les puissances dominantes peuvent être intimidées par quelques sanctions commerciales.

Ces sanctions touchent notamment le peuple américain, qui ne peut se passer des produits importés, et certainement pas les entreprises russes ou chinoises, qui continueront à vendre, même à des prix plus élevés et avec de meilleures marges bénéficiaires, éliminant ainsi une partie de la concurrence.

Seul un illuminé (ou un homme politique) pourrait vraiment penser qu'une telle mesure est bonne pour l'économie de son pays... à moins qu'il n'ait l'intention de démanteler systématiquement tout le système monétaire de son pays. Si oui, alors bravo, Donald.

Bon, et alors ?

Trump a promis d'imposer des droits de douane supplémentaires de 100 % si Poutine ne met pas fin à la guerre dans les 50 jours. Le projet de loi de Lindsey Graham, présenté en collaboration avec le sénateur démocrate du Connecticut Richard Blumenthal, confère au président le pouvoir d'imposer des droits de douane bien plus élevés s'il le juge approprié.

Les achats massifs de pétrole par la Chine ont été un soutien essentiel pour l'économie russe, affectée par les sanctions imposées depuis la guerre en Ukraine.

Lors d'une conférence de presse, Lin Jian, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a rappelé mardi 15 juillet que la position de Pékin sur le conflit ukrainien reste cohérente et transparente : la fin des hostilités ne peut passer que par le dialogue et une solution négociée. La Chine s'oppose fermement à toute sanction unilatérale non justifiée et au recours à la compétence extraterritoriale. Une guerre commerciale ne profite à personne, et le recours à la coercition et à la pression ne résout rien.

L'Amérique ne semble pas avoir compris cet avertissement, comme en témoigne l'annonce, il y a quelques jours, par le sénateur Graham, lors d'une émission télévisée en direct, que lui et son collègue Blumenthal ont recueilli le soutien de 85 sénateurs sur les 100 membres du Sénat pour le projet de loi présenté. Selon lui, cette proposition législative fournirait à Trump un "outil puissant" pour frapper durement l'économie russe et sanctionner les pays contribuant activement à la machine de guerre du Kremlin.

La Chine, l'Inde et le Brésil continuent d'importer du pétrole, des produits pétroliers et d'autres marchandises en provenance de Russie. Ce sont précisément ces fonds qui permettraient à Poutine de soutenir le conflit, selon certains sénateurs républicains. Le texte proposé accorderait à Donald Trump une marge de manœuvre maximale pour imposer des droits de douane secondaires, des sanctions allant de 0 à 500 % aux pays qui commercent avec Moscou et soutiendraient ainsi indirectement son agression militaire.

Outre ces nouvelles sanctions, Trump a également promis d'envoyer davantage de batteries de missiles Patriot en Ukraine afin d'améliorer sa défense aérienne. Il a souligné que les alliés européens prendraient en charge les coûts liés à la fourniture d'armes américaines de haute technologie, afin d'accroître la pression sur Poutine pour le pousser au cessez-le-feu. Parallèlement, la Russie a intensifié ses frappes aériennes contre les villes ukrainiennes, via drones et missiles, tout en déployant des troupes le long de la frontière et en progressant dans les régions orientales du pays. L'engagement militaire continu et croissant de Moscou irrite Trump, qui tente de négocier un accord diplomatique pour mettre fin aux hostilités, et l'a incité à critiquer directement le président russe.

Mais, plus fou encore, cette proposition a également été approuvée par la Commission européenne lorsque Ursula von der Leyen a rencontré Graham à Berlin, en juin dernier. Le discours visant à "briser l'échine de la Russie" continue de résonner dans les arcanes du pouvoir occidental, mais personne ne semble encore avoir réalisé qu'il s'agit d'un mensonge colossal. Les sanctions désastreuses qui ont réduit l'Europe à la portion congrue ne suffisent plus et de nouveaux droits de douane seraient désormais indispensables. Leur efficacité psychologique n'est qu'un lointain souvenir. En résumé, le pire est à venir.

Trump a déjà massivement eu recours à ces taxes pour faire avancer son programme de politique étrangère, comme lors de son premier mandat, mais leur mise en œuvre a été variable. Les droits de douane de 145 % imposés à la Chine en avril n'ont tenu qu'un mois avant d'être considérablement réduits pour ouvrir la voie à des négociations commerciales toujours en cours. Actuellement, le projet de loi contient des dispositions grâce auxquelles Trump pourrait suspendre l'application des droits de douane, sauf déclaration officielle annonçant la Russie refuse de négocier ou violerait (d'avance) tout accord de paix futur.

Techniquement, il est peu probable que le Sénat et la Chambre des représentants votent le projet de loi Graham-Blumenthal avant la pause estivale jusqu'au 1er septembre. Or, si le 2 septembre est la date limite de la prolongation de 50 jours accordée par Trump sur les sanctions, le Congrès devra se pencher de toute urgence sur le budget afin de l'approuver avant le 1er octobre et éviter de paralyser les activités du gouvernement. La tactique politique américaine typique consiste à "reporter les questions épineuses à des temps meilleurs", en comptant sur un changement d'agenda ou en espérant que l'urgence de la question se dissipera, en tentant de préserver sa marge de manœuvre et d'éviter une escalade immédiate des relations avec les principaux partenaires commerciaux de la Russie, comme la Chine et l'Inde.

Ceux qui pensent que les sanctions seront appliquées dans 50 jours parce que Trump l'a promis se trompent lourdement. Loin de là. Trump n'a-t-il pas prétendu vouloir mettre fin à la guerre en Ukraine en 24 heures ? A-t-il tenu parole ?

Savourons le reste du show. Pendant ce temps, la Chine et la Russie devraient voir leur PIB augmenter à nouveau en 2025, et envisagent l'année 2026 avec optimisme et sérénité.

Quelle image l'Amérique projette-t-elle d'elle-même ? Comme toujours, celle du ridicule. Plutôt que de s'attaquer au déclin interne et aux problèmes sociaux dont souffre le pays, le gouvernement américain tente en vain de bluffer le monde à grands coups de déclarations grandiloquentes. 500 % est un taux intenable à tous points de vue. Seul un cow-boy américain pouvait faire une déclaration aussi outrancière.

Traduit par  Spirit of Free Speech

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