Xavier Azalbert, France-Soir
Les éditos de l'été 2025 : l'escroquerie du taux de réussite au baccalauréat
France-Soir, Pixabay
« Un philosophe, c'est un mec que quand il a fini la réponse à ta question, tu comprends même plus ta question. »
Oui. Sans doute est-ce ceci que Coluche aurait répondu au baccalauréat, à l'épreuve de philosophie.

Au fait ! Cette année, le taux de réussite au baccalauréat a été de 91,8 %, selon le ministère de l'Éducation nationale, en légère hausse par rapport aux 91,4 % de 2024. Impressionnant, non ? Sauf que, quand 96,4 % des candidats en voie générale décrochent le précieux sésame, on se demande si l'examen teste encore autre chose que la capacité à cocher son nom sur une feuille.
Sachant que les politiciens nous mentent sur absolument tous les sujets, et qu'Élisabeth Borne, l'actuelle ministre de l'Éducation nationale, a eu l'honnêteté de dire, lors de sa prise de fonction, qu'elle n'y connaît pas grand-chose dans ce domaine (« Je ne suis pas une spécialiste »), j'ai eu l'idée de commenter par une boutade à la Coluche ce taux de réussite au bac 2025. Un taux extraordinaire pour un examen qui, pour correspondre à son niveau de difficulté actuel, devrait plutôt intervenir, de nos jours, non pas en clôture des années de lycée, mais à la fin du primaire.
En effet, sous l'ère Macron, le niveau de difficulté du baccalauréat est au mieux équivalent à celui du certificat d'études de jadis, qu'on passait à la fin du CM2. En 1985, seuls 29 % des jeunes d'une génération obtenaient le baccalauréat, contre près de 80 % en 2019, selon l'INSEE. Cette explosion, portée par l'objectif de Jean-Pierre Chevènement de faire grimper le taux à 80 %, a-t-elle vraiment élevé le niveau ?
À l'époque, le certificat d'études imposait une règle impitoyable : cinq fautes d'orthographe, et c'était zéro, même en maths ! Si cette règle existait encore, 95 % des candidats au bac 2025 n'auraient aucune chance. D'ailleurs, l'INSEE révèle que 7 % des 16-25 ans sont en situation d'illettrisme, incapables de comprendre un texte simple ou de rédiger correctement. Et pourtant, 91,8 % décrochent le bac ! Comment expliquer ce paradoxe, sinon par un examen qui ne demande plus grand-chose, si ce n'est de savoir tenir un stylo ?
Depuis la réforme de 2019, le bac repose à 40 % sur du contrôle continu, ce qui a mécaniquement boosté les taux de réussite. Avec 60 % seulement des notes venant des épreuves finales, pas étonnant que 91,8 % des candidats repartent avec le diplôme. Fini le stress des salles d'examen, place à la moyenne lissée sur l'année
Bravo : mais bon… Il faut dire que cette année, l'épreuve de culture générale a consisté en une seule question, la même pour toutes les sections :
« Voici six mots : Facebook - YouTube - Instagram - TikTok - Snapchat - Dictionnaire. Lequel désigne un machin, bidule, truc totalement inutile pour réussir socialement dans la vie et pour s'exprimer correctement en français ? »
Comme les professeurs, formés dans un système qu'on pourrait qualifier de « décérébration institutionnalisée », jugent le dictionnaire obsolète, la « bonne » réponse était : le dictionnaire. Des rumeurs sur les réseaux sociaux suggèrent même que les correcteurs reçoivent des consignes pour noter généreusement : une copie, même médiocre, traitant vaguement le sujet pourrait valoir 10/20. Pas étonnant que le dictionnaire soit jugé inutile !
Et, pourtant, 8 % des candidats, selon certaines estimations, ne savent ni lire ni écrire. Presque la moitié des illettrés savent écrire leur nom avec moins de cinq 'photeux'. Pas mal, quand 91,8 % des candidats décrochent le bac ! Pendant ce temps, sur TikTok, les jeunes apprennent à danser en 15 secondes, mais conjuguer un verbe au subjonctif ? Ça, c'est une épreuve digne d'un grand chelem face à une IA comme ChatGPT.
Alors, comment redonner du lustre à ce baccalauréat délavé ? Peut-être en réintroduisant une dictée impitoyable, où cinq fautes d'orthographe vaudraient un zéro. Ou en demandant aux candidats de lire un livre – un vrai, pas un post TikTok – avant l'examen. Si 78,8 % d'une génération sont bacheliers, selon la DEPP, il est temps de s'assurer que ce diplôme signifie encore quelque chose.
J'espère que je n'ai pas fait de « photeux dors tôt Graf » dans cet édito « cahier de vacances », où, pour de rire, je me suis un peu moqué d'eux.
