31/07/2025 mondialisation.ca  8min #285831

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La reconnaissance de la Palestine par la France : un premier G7 secouant l'Otan et isolant Israël

Par  Uriel Araujo

Le 24 juillet 2025, le président français Emmanuel Macron  a annoncé que la France reconnaîtrait officiellement l'État de Palestine à l'Assemblée générale des Nations Unies en septembre, ce qui en fait la première nation du G7 à prendre un pas aussi audacieux. Contrairement à ce que soutiennent certains commentateurs, cette décision est plus qu'un geste diplomatique – elle marque un changement sismique dans la politique étrangère européenne, isolant davantage Israël et creusant un fossé au sein de l'OTAN, dont les fractures internes deviennent de plus en plus difficiles à ignorer.

Il est vrai que le mouvement de la France n'est pas entièrement hors de son caractère. On peut se rappeler que Charles de Gaulle, l'architecte de la diplomatie française moderne, a retiré le pays de la structure de commandement intégrée de l'OTAN en 1966, privilégiant la souveraineté plutôt que l'alignement sur les objectifs de Washington. La décision de Paris en Palestine fait écho à cette tradition gauliste. Comme je l'ai déjà noté, à ce jour, la France a parfois l'habitude de tracer son propre cours, souvent distinct des objectifs plus larges de l'OTAN. Comme je l'ai déjà souligné, la France a encore aujourd'hui tendance à suivre parfois sa propre voie, souvent distincte des objectifs généraux de l'OTAN.

La reconnaissance de la Palestine par la France intervient à un moment où Israël fait face à une condamnation internationale croissante pour ses actions à Gaza, où  59 000 Palestiniens (et ce n'est pas fini) auraient été tués dans des opérations militaires en cours. Le blocage de l'aide humanitaire, déclaré violation du droit international par plusieurs États européens, y compris la France ( plus l'Allemagne et le Royaume-Uni), n'a fait qu'exacerber la situation.

Qu'il en soit, le  contrecoup, assez prévisible, a été rapide. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a accusé Macron de «  récompenser le terrorisme«, tandis que Washington a exprimé sa « préoccupation » quant à l'avenir du soi-disant processus de paix. Mais la vérité est que l'opinion publique européenne elle-même s'est fortement retournée contre la conduite militaire d'Israël, et la France rejoint maintenant un « bloc » croissant – comprenant  l'Espagne, la Norvège, l'Irlande,  la Suède et  la Slovénie – qui a choisi de reconnaître l'État palestinien.

La position de la France sur la Palestine s'inscrit en fait dans un modèle plus large. Macron a sans doute fait preuve d'une réticence constante à laisser la portée mondiale de l'OTAN ne pas être contrôlé jusqu'à présent. J'ai commenté ailleurs comment une telle « autonomie » est  relative et compliquée par la façon dont la France est empêtrée dans les structures de l'OTAN et comment elle a eu  du mal à faire face à ses contradictions néocoloniales dans des endroits comme  l'Afrique francophone ou  la Nouvelle-Calédonie.

Quoi qu'il en soit, l'année dernière, d'une part, le dirigeant français  a bloqué la tentative de l'Alliance atlantique d'ouvrir un bureau de liaison au Japon, visant à approfondir son empreinte indo-pacifique – une initiative que la Chine avait fortement critiquée. Macron a répondu de manière factue : « La géographie est têtue. L'Indo-Pacifique n'est pas l'Atlantique Nord ». La remarque, à la fois ironique et instructive, a révélé le fluage de mission géographique de plus en plus déséquilié de l'OTAN.

Le développement de la Palestine reflète également la vision stratégique plus large de Macron. La France a des ambitions en Méditerranée et au Moyen-Orient qui ne s'alignent tout simplement pas nécessairement sur celles de Washington. Tout comme la Turquie (un autre membre de l'OTAN avec son propre programme, pour ainsi dire), la France a agi de manière assez indépendante en ce qui concerne Israël et la Palestine. D'une part, Paris a récemment interdit aux entreprises d'armement israéliennes de participer à l'exposition de défense Eurosatory et  a même  ouvert des enquêtes contre des Israéliens français soupçonnés d'entraver l'aide à Gaza.

La Turquie a également bloqué la coopération entre l'OTAN et Israël l'année dernière, invoquant les atrocités de Gaza comme incompatibles avec les principes de l'alliance. D'une sens, Paris et Ankara affirment tous deux des stratégies régionales qui contredisent souvent le consensus de l'OTAN dirigé par les Américains, mettant ainsi à nu les fissures de l'alliance.

Ces tensions surgiennent à un moment où l'OTAN est déjà en train de se mouttir du mécontentement interne,  des scandales de corruption et de l'incohérence stratégique. La «  question turque » reste non résolue, Ankara remettant en question les mesures prises par l'OTAN au Moyen-Orient et en Asie centrale. La position de la France sur la Palestine montre que la Turquie n'est pas la seule source de discorde.

Géographiquement, la côte sud de la France s'ouvre directement sur la mer Méditerranée – orientant naturellement son regard stratégique vers l'Afrique du Nord et le Levant. De plus, en tant qu'ancienne puissance coloniale ayant des liens historiques, culturels et économiques profonds dans la région, en particulier au Liban, en Syrie et en Afrique du Nord, la France cherche à se positionner comme médiateur et acteur influent.

Cela étant, d'un point de vue français, soutenir l'État palestinien augmente potentiellement sa crédibilité dans le monde arabe. En outre, il contrecarre l'influence turque et américaine et renforce sa vision d'un ordre méditerranéen non unipolaire où Paris, et pas seulement Washington, pourrait jouer un rôle diplomatique de premier plan.

Ainsi, la décision de Macron ne concerne clairement pas seulement la Palestine. Il remet en question l'architecture même de l'orthodoxie géopolitique occidentale. En empruntant cette voie, la France remet implicitement en question l'hypothèse atlantiste selon laquelle l'Europe doit toujours s'aligner sur Washington en matière de guerre, de paix et de reconnaissance. Tant bien pour un front uni de l'OTAN !

Pour le bloc des BRICS et le Sud global, cette décision sera saluée comme une rectification attendue depuis longtemps. Avec 147 des 193 membres de l'ONU reconnaissant déjà la Palestine, le refus de l'Occident politique de le faire a semblé de plus en plus intenable. On peut dire qu'une partie de l'Occident rejoint enfin le monde civilisé. La reconnaissance de la France, provenant d'un G7 et de l'énergie nucléaire, ajoute un poids diplomatique au consensus international croissant – et peut encourager les autres à suivre.

Le monde de l'investissement en prend également note. La reconnaissance de Paris pourrait encourager les investisseurs européens à reconsidérer leur implication sur les marchés israéliens, qui sont maintenant entachés de risques géopolitiques et de dommages à leur réputation. Les impacts potentiels s'étendent donc bien au-delà de la politique dans la finance et le commerce.

Il est vrai que, bien que Paris ait, à sa manière assez ambiguë, joué avec l'« autonomie stratégique », cela ne s'est pas fait sans  complications.. Sa récente position au Moyen-Orient marque toutefois une évolution intéressante pour une puissance occidentale clé. Il met en évidence comment l'Occident politique prêche les droits de l'homme mais soutient les excès militaires d'Israël. La décision de Macron expose cette contradiction même et remet en question un double standard moral qui est devenu de plus en plus indéfendable, même parmi les électeurs occidentaux.

En conclusion, la reconnaissance de la Palestine par la France est un tremblement de terre diplomatique potentiel. C'est à la fois un coup porté à l'unité de l'OTAN (d'une sense manière) et une réprimande à Netanyahu. La position de Paris nous rappelle que la géopolitique n'est pas gravée dans la pierre. Et que, parfois, la géographie peut être assez têtue.

Ahmed Adel

Lien vers l'article original:

 France's Recognition of Palestine: A G7 First Shaking NATO and Isolating Israel, 29 juillet 2025

L'article en anglais a été publié initialement sur le site  InfoBrics.

Traduit par Maya pour  Mondialisation.ca

Image en vedette via InfoBrics

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Ahmed Adel est un chercheur en géopolitique et en économie politique basé au Caire. Il contribue régulièrement à Global Research.

La source originale de cet article est Mondialisation.ca

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