04/08/2025 francesoir.fr  7min #286243

 La meilleure défense c'est l'attaque : le « Dati Show » ou l'art de l'inversion accusatoire - partie 1

La meilleure défense c'est l'attaque - « Dati show », une République Exemplaire... en parole (partie 2)

Xavier Azalbert, France-Soir

La meilleure défense c'est l'attaque - "Dati show", une République Exemplaire… en parole (partie 2)

DR, France-Soir, IA

Reprenons où nous nous étions arrêtés : [o8xnwE-n9Wo?si=G1I1mP7EwpnFqStB]|l'interview de Rachida Dati sur LCI:video], où elle déploie son « Dati Show » pour contrer les accusations de corruption et trafic d'influence qui la mènent en correctionnelle. Face à Thomas Misrachi, qui l'interroge sur son avenir ministériel, elle riposte avec une véhémence calculée : « J'suis condamnée, Monsieur ? »

Cette question rhétorique, suivie d'un « Et bin voilà ! » (1), illustre sa stratégie : nier les faits, crier au complot, et transformer sa défense en spectacle médiatique. Mais derrière cette posture, les fissures sont visibles. En 2025, cette affaire ne concerne pas seulement Dati : elle révèle les failles d'une République qui promettait l'exemplarité mais protège ses élites.

Analyse de l'interview

Dans [o8xnwE-n9Wo]*|cet échange:video], Dati excelle dans l'inversion accusatoire, ce qui pourrait confirmer l'adage populaire « les escrocs en font toujours trop ». À Misrachi, qui évoque son maintien au gouvernement, elle rétorque : « Est-ce que je suis condamnée ? ». Cette esquive, doublée d'une victimisation outrée, vise à détourner l'attention des faits : des prestations fictives présumées et un recel de délits pour lesquels elle risque jusqu'à 10 ans de prison. Elle va plus loin, dénonçant une pièce manquante dans son dossier et l'absence de partie civile (ni le Parlement européen, ni Renault-Nissan ne se sont constitués). « Il n'y a pas de victime dans ce dossier ! », s'exclame-t-elle, comme si cela annulait les charges. Pourtant, les magistrats, dont Jean-François Bohnert, affirment que la procédure a suivi la loi à la lettre . Dati, ex-Garde des Sceaux, devrait le savoir : l'absence de partie civile n'efface pas les délits, et ses invectives contre la justice – qu'elle accuse d'arbitraire – frôlent l'outrage, un délit qui, pour un citoyen ordinaire, mènerait à une garde à vue immédiate.

Argumentation juridique

Dati brandit l'argument d'une pièce « disparue » pour discréditer la procédure. Mais cet argument est fragile. La loi de procédure pénale, qu'elle a contribué à durcir sous Sarkozy, ne rend pas une procédure caduque pour une pièce manquante, sauf si celle-ci est jugée indispensable à sa régularité. Prenons l'affaire Nordhal Lelandais : un dossier entier a « disparu » dans des incendies successifs – locaux de la gendarmerie, bureau du juge d'instruction, placard de la Chambre de l'instruction, et même la copie de la Cour de cassation. Pourtant, la justice a poursuivi « de mémoire », sur la base des souvenirs des magistrats ayant juré la fidélité des pièces reconstituées. Si une telle aberration procédurale n'a pas stoppé l'affaire Lelandais, comment Dati peut-elle sérieusement prétendre qu'une pièce manquante invalide son renvoi ? Sa défense, qui évoque un « dysfonctionnement » du parquet, est contredite par les magistrats, qui insistent sur le respect strict des règles . En s'indignant, Dati révèle surtout son inconfort face à une justice qu'elle ne peut contrôler.

Justice à deux vitesses

Cette indignation révèle un privilège criant. Un citoyen lambda, s'il osait accuser publiquement des magistrats comme Dati le fait, serait poursuivi pour outrage. Pas elle. Mieux : elle monopolise les plateaux télévisés pour se défendre, une liberté interdite aux justiciables ordinaires, souvent soumis à une interdiction de s'exprimer publiquement. Ce deux poids, deux mesures est dénoncé par un internaute [MjS6Xpa8w3M]|sous une vidéo de son interview:video] : « Si tous ces politiques corrompus mettaient autant d'énergie à défendre leur pays que leurs carrières, la France serait le meilleur pays du monde ». Ce commentaire, brut, mais lucide, pointe l'hypocrisie d'une élite qui se protège au détriment de l'intérêt général. Dati, soutenue par Gérald Darmanin et Emmanuel Macron, incarne ce système où les puissants échappent aux règles qu'ils imposent aux autres.

Contradictions en Macronie

En 2017, candidat à l'Élysée, Emmanuel Macron promettait une République « exemplaire ». Face à David Pujadas, il était catégorique : « Un ministre doit quitter le gouvernement lorsqu'il est mis en examen » ( 20 avril 2017). Huit ans plus tard, cette promesse est un mirage, et s'est muée en un pragmatisme troublant, révélant une justice à deux vitesses où les puissants semblent intouchables. L'affaire Dati n'est que le dernier épisode d'une série de scandales qui érodent la crédibilité du macronisme.

François Bayrou, mis en examen en 2017 pour détournement de fonds, démissionne, mais reste en poste en 2024 malgré un renvoi en correctionnelle. Gérald Darmanin, accusé de viol en 2017 (classé sans suite parce que le parquet a considéré que les faits étaient prescrits pour 4 jours, un traitement particulier pour un ministre qui arrive au bon moment et qui a interpel é plus d'un spécialiste), traverse tous les gouvernements. Richard Ferrand, visé pour un montage financier en 2017, quitte le gouvernement mais prend la présidence du groupe LREM. Damien Abad, accusé de viol en 2022, est écarté après un mois. Alain Griset, condamné pour abus de confiance en 2021, attend sa condamnation pour partir. Olivier Dussopt, jugé pour favoritisme en 2023, reste jusqu'à janvier 2024. Éric Dupont-Moretti, mis en examen pour prise illégale d'intérêts en 2021, est relaxé en 2023 pour absence de « volonté » d'enfreindre la loi, malgré sa « conscience » des faits, et quitte le gouvernement en 2024, officiellement blanchi.

En 2025, Dupont Moretti semble avoir pris la défense de la première dame dans le cadre de l'affaire en diffamation qui l'oppose à la journaliste Candace Owens. Dans l'affaire opposant Brigitte Macron Trogneux et son présumé frère Jean-Michel Trogneux e ; l'identité de ce dernier  n'a été prouvée en première instance que par une carte d'électeur, et en appel par une carte d'identité… périmée depuis le 1er avril 2022. Un citoyen ordinaire présenterait-il un document invalide sans risquer une amende ? Impensable. Pourtant, dans l'entourage macroniste, tout semble permis, révélant une élite qui joue avec les règles quand celles-ci ne servent pas ses intérêts. La plainte en diffamation contre Candace Owens est loin d'être un simple dossier judiciaire, et elle ébranle la Macronie dans ses fondations les plus opaques. Elle risque de prendre une tournure différente via la procédure de « discovery » – une phase où les parties, contraintes par la justice, devront dévoiler documents et témoignages. Ce mécanisme, implacable, pourrait exposer les coulisses d'un système où les protections politiques priment sur le respect de la loi.

Ce patchwork de traitements révèle un pragmatisme opportuniste. Macron, qui dénonçait en 2017 les « démêlés » judiciaires comme incompatibles avec la dignité publique, protège désormais ses alliés stratégiques, dont Dati, qu'il maintient au gouvernement malgré son renvoi : « Un renvoi n'est pas une condamnation ». Cette indulgence fragilise la confiance en la démocratie.

L'affaire Dati, miroir des contradictions macronistes, montre une République où l'exemplarité n'est qu'un slogan, et où les élites s'abritent derrière une justice qu'elles dénoncent lorsqu'elle les rattrape.

1) réponse complète de Rachida Dati : « Et bin voilà. Et donc. Et donc voilà. Quand une pièce disparaît d'un dossier, hein ? On n'est quand même pas dans l'arbitraire ? Vous avez vu le dossier de Marseille, où y' a des saisies qui avaient disparu. Et d'ailleurs, heu, le Garde des Sceaux a ordonné une inspection. Et dans « ce dossier » (comprenez « le sien »), il y a deux types de citoyens ? Deux types de loi ? Et bien non ! Voilà. Dans ce dossier, il manque une pièce, des personnes qui ont attesté de mon travail ; tous les cadres directeurs ont d' mandé à être entendus : refus de la justice ! Et d'autre part, je rappelle que le Parlement européen n'est pas constitué partie civile dans ce dossier. Comme Renault-Nissan. Il n'y a pas de victime dans ce dossier. Donc je suis. Je s' rai renvoyée, sans victime dans ce dossier ? Non mais y' a quelqu' chose qui ne va pas bien ! »

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