04/08/2025 reseauinternational.net  22min #286252

La spoliation de l'Algérie par le vol de ses richesses matérielles et immatérielles

par Chems Eddine Chitour

«Il faut relever ce peuple, il faut cesser de le parquer dans son Coran, (...) il faut lui inspirer, dans ses enfants du moins, d'autres sentiments, d'autres principes, il faut que la France lui donne, je me trompe, lui laisse donner l'Évangile, ou qu'elle le chasse dans les déserts, loin du monde civilisé...» ~ Cardinal Lavigerie 1

«ll y avait, dans un coin du monde, une merveille du monde ; cette merveille s'appelait le Palais d'été. Cette merveille a disparu. Un jour, deux bandits sont entrés dans le Palais d'été. L'un a pillé, l'autre a incendié. Tous les trésors de toutes nos cathédrales réunies n'égaleraient pas ce splendide et formidable musée de l'Orient. L'un des deux vainqueurs a empli ses poches, ce que voyant, l'autre a empli ses coffres ; Telle est l'histoire des deux bandits. Nous, Européens, nous sommes les civilisés, et pour nous, les Chinois sont les barbares. Voilà ce que la civilisation a fait à la barbarie. (...) J'espère qu'un jour viendra où la France, délivrée et nettoyée, renverra ce butin à la Chine spoliée». ~ Victor Hugo 2

Résumé

Dans cette contribution et toujours dans le cadre du devoir d'inventaire, nous allons nous intéresser aux spoliations des richesses de l'Algérie et à leur coût actualisé. Pierre Péan a retrouvé les immenses trésors de la Régence d'Alger et l'or entassé dans les caves de la Casbah. Où sont passées ces sommes colossales ? Un haut vol par des pilleurs sous la conduite d'un maréchal de Bourmont. Au XIXe siècle, dans un contexte d'expansion coloniale effrénée, la France a non seulement asservi le peuple algérien, mais elle a également pillé ses trésors culturels. On dit que le maréchal Clauzel voulut, en vain, démonter l'arc de Triomphe de Djemila et l'envoyer à Paris enrichir le patrimoine. Ce fait est symptomatique de tout le butin que renferment les musées de France et de Navarre qu'il faudra bien, un jour, restituer Les grandes collections muséales françaises, regorgent d'artefacts volés dans des sites archéologiques algériens.

«Dès 1934, des exemples de pillages par des ethnologues au service du colonialisme sont connus. Où sont passées (...) les objets volés aux Aurès et en Kabylie (outils, armes, bijoux, ossements, plantes...) par des ethnologues célèbres au service du colonialisme. Le 4 juillet 2020, la France avait restitué à l'Algérie les crânes de 24 combattants algériens. Mais un recensement datant d'avril 2018 avait révélé que le musée de l'Homme à Paris détenait 536 crânes d'Algériens. L'historienne Malika Rahal : «Les morceaux de corps rentrent à la maison après leur long, très long séjour dans des cartons du musée de l'Homme, à Paris». Jacques Chirac a remis le sceau du dey d'Alger au président Bouteflika lors de sa visite officielle à Alger». Michel Leiris, anticolonialiste rapporte que «50 000 objets volés lors de la mission ethnographique». «Ce cambriolage culturel est pourtant interdit par le tribunal de Nuremberg qui précise : «Que les pillages des biens culturels sont des crimes de guerre». On ne peut gommer cette injustice historique. À nous de nous réapproprier notre culture et de récupérer nos biens culturels». 3

«La France, nation héritière de cette histoire coloniale, se trouve face à un impératif moral : celui de reconnaître non seulement le vol historique, mais aussi les ravages que cette appropriation a causés à l'identité culturelle des Algériens. La restitution des objets culturels et humains représenterait une reconnaissance formelle de la part de la France de ses responsabilités historiques. En 2006, l'Algérie avait demandé la restitution des têtes de statues trouvées à Cherchell et des copies de gravures d'Henri Lhote. Peine perdue, ces objets, ainsi que les registres des musées nationaux pris après l'indépendance, sont restés en France malgré les demandes renouvelées». 4

La dette du blé non remboursée

«Le non remboursement de la dette du prêt pour le blé qui sauve la révolution française bref historique coût actualiser est le droit permet de la réclamer l'expédition militaire française de 1830 et à la colonisation de l'Algérie, qui effaça de fait la dette par la violence. il est essentiel de rétablir la vérité sur les dettes oubliées de l'Histoire». 5

«La Régence d'Alger avait développé des relations commerciales avec la France. Ainsi de 1710 à 1830, soit en 120 ans, l'Algérie exporta plus de 2 193 000 charges de blé vers Marseille ; Le «prêt pour le blé qui sauve la Révolution française» renvoie à un épisode méconnu mais historiquement important : l'envoi de cargaisons de blé depuis l'Algérie ottomane, en particulier depuis la Régence d'Alger, à la France révolutionnaire en crise alimentaire à la fin du XVIIIe siècle. À la fin des années 1780 et au début des années 1790, la France fait face à des disettes catastrophiques. La Révolution française éclate en 1789. La Régence d'Alger (était alors un fournisseur traditionnel de blé à la France. Entre 1793 et 1797, la Régence d'Alger, envoya plusieurs cargaisons de blé, céréales et produits alimentaires, livrés à crédit et sans conditions humiliantes. Ce geste, dicté par des relations commerciales anciennes permit d'éviter la famine dans plusieurs régions françaises. Ce soutien a été apporté à une France alors isolée sur la scène internationale, et en guerre contre de nombreuses puissances européennes. La France promet de rembourser, mais les paiements sont irréguliers et plusieurs cargaisons ne sont jamais payées». 5

Selon les archives et les historiens comme Charles-Robert Ageron : La France devait au Dey environ 24 millions de francs (dettes cumulées sur le blé livré à crédit entre 1793 et 1815). Soit environ 7 tonnes d'or Avec la valeur actuelle de l'or (2025) ≈ 107,4 $/g, (juillet 2025) soit : =750 millions de $ US. Sans compter les intérêts accumulés sur plus de 190 ans, les montants seraient de 5,2 milliards US$ pour des intérêts très bas de 1% et 39,2 milliards de US $ 2% d'intérêts. La France n'a pas remboursé la dette mais ce fut le prétexte pour envahir l'Algérie et le début d'un clavaire de 132 ans.

Vol du trésor de l'Algérie situé à la Casbah

Les causes de l'invasion de l'Algérie n'ont pas été rapportées entièrement. En fait, le roi Charles X s'engage dans une conquête pour la prise d'Alger. L'armée d'Afrique au nom de la chrétienté et de l'Occident est venue punir «les barbaresques». La conquête de l'Algérie est-elle justifiée seulement par le désir de venger l'affront fait à un diplomate ? Non, répond Pierre Pean, auteur de Main basse sur Alger. Et si cette conquête avait été menée dans le but de faire main basse sur les immenses trésors de la Régence d'Alger afin de constituer les fonds secrets de Charles X pour corrompre et retourner le corps électoral ? La chasse au trésor est lancée. Charles X entend utiliser le trésor pour «corrompre les consciences afin de disposer d'une majorité absolue qui accepterait le retour à la monarchie absolue». 6

Le matin même du 5 juillet 1830, le dey Hussein, quittent le palais de la Casbah. Le trésor d'Alger tombe entre les mains des Français. Il y avait là des pièces d'or et d'argent, des pierres, des bijoux, des diamants et des armes. Une partie, soit 43 millions de francs, a été versée dans les caisses de l'État, 5 autres millions sont revenus au corps expéditionnaire. Le reste ? «La plus grande partie du trésor de la Régence et des pillages opérés dans la Casbah, dans la ville et dans les environs d'Alger a donc, abouti dans les poches des militaires, de fonctionnaires des Finances, de banquiers, de négociants et d'aventuriers mais aussi dans celles du roi des Français». 7

«Selon les archives françaises de l'époque, le butin saisi s'élevait à environ : 250 millions de francs-or d'or et d'argent sous diverses formes (lingots, pièces, bijoux Une autre partie aurait disparu mystérieusement, selon certains historiens - une accusation de détournement a visé Bourmont lui-même. Selon les estimations (basées sur des archives militaires, diplomatiques, et des rapports internes de l'époque), le trésor total récupéré ou détourné par les officiers français, y compris les bijoux, les métaux précieux et les sommes extorquées, se situerait entre 250 et 509 millions de francs-or de 1830, Péan parle de «l'un des plus grands pillages de l'histoire coloniale» commis sous le couvert d'une opération militaire». 6

De fait, écrit Aimé Dupuy, Bourmont, «gentilhomme de grand chemin», avait, dit Emerit, été choisi comme chef de l'expédition parce qu'on était sûr qu'il savait opportunément fermer ses «yeux de gazelle». Car un ordre secret aurait été donné de réserver 100 millions pour la cassette du roi. Et Emerit de juger «assez soutenable» l'affirmation de l'historien Michaud écrivant en 1849 : «Tout le monde sait que la conquête de ces trésors fut un des principaux motifs de l'expédition d'Alger, où il s'agissait beaucoup plus de s'emparer d'une aussi riche proie que de venger un coup d'éventail». 8

Estimation de Pierre Péan à partir des deux estimations 250 à 509 millions de francs-or

Le trésor de la Casbah a fait l'objet de nombreuses hypothèses. Il y a d'abord celle de l'envahisseur qui pour minimiser le vol avance 43 millions de francs-or qui ont servi pour l'essentiel à payer les sommes engagées pour l'invasion d'Alger. Plusieurs hypothèses plus crédibles comme celle du Consul d'Angleterre et même du khaznadji (le trésorier du dey) avance plus de 500 millions de francs or.

Dans son ouvre bien documenté «Main basse sur le trésor d'Alger», Pierre Pean, retiens pour sa part, deux chiffres : 250 millions de Francs-or = 72,5 tonnes d'or. Le deuxième chiffre de 509 M F-or = ~147,6 tonnes d'or La conversion en dollars de 2025 : avec un prix de l'or au 25 juillet 2025 de 107,47 $US /gramme permet d'évaluer la valeur actuelle du trésor : Pour 72,5 tonnes d'or (hypothèse basse cela correspond à 107,47 x 72,500.000 =7,5 milliards de $US. Pour 147,6 tonnes x 107.49 = 16, milliards de $. Ces chiffres ne tiennent pas compte de la valeur historique ou artistique des bijoux, manuscrits, pierres précieuses, etc., qui pourrait multiplier la valeur aux enchères. Un calcul des intérêts depuis 1830 même approximatif amène à une estimation robuste de la valeur actuelle du trésor de la Casbah avec un taux d'intérêt le plus bas soit 2% sur 195 ans, cela ferait depuis 1830. Pour 250 M francs-or (~7.5 Md $) cela ferait 300 milliards $ et pour 509 M francs-or (~16 Md $) cela ferait 600 milliards $. ! Ces chiffres illustrent l'ampleur de la spoliation coloniale. Dans son ouvrage il nous apprend que le maréchal de Bourmont, l'envahisseur en chef, qui a reçu les clés d'Alger, des mains du dey fut aussi celui qui organisa le hold up. Rares sont les personnes qui ont été contre la curée.

Les mosquées détruites lors de l'invasion coloniale : La destruction de l'identité spirituelle

Tout commence par un parjure, celui du maréchal de Bourmont qui «promettait aux habitants d'Alger, qu'il ne toucherait pas aux biens matériels et spirituels des habitants d'Alger». L'application inverse n'a pas tardé : Deux mois après l'invasion sauvage, tous les biens des mosquées et des fondations pieuses qui permettaient, par leur financement, de maintenir un système éducatif, étaient rattachés à l'administration militaire. Un célèbre rapport du député Alexis de Tocqueville rapportant la disparition de l'éducation écrit dans un rapport à l'assemblée française : «Autour de nous les lumières se sont éteintes». Ce fut le début de l'abrutissement du peuple en le rendant, graduellement analphabète. Souvenons qu'à la veille de Révolution en 1954, à peine 10% des enfants étaient analphabétisés.

Ainsi, après le vol, «matériel» la colonisation se met en place : il s'agit de rayer l'identité cultuelle de l'Algérie. Les mosquées, étaient des centres de savoir (avec leurs médersas), des points d'ancrage spirituel. Les fondations pieuses furent les premières à être rattachées les biens des fondations pieuses à l'administration (septembre 2030) Ce fut une des armes de la politique coloniale d'effacement du tissu social indigène.

La christianisation à marche forcée des Algérien(ne)s est mise en œuvre : «L'appellation par Lavigerie de «Beit Allah» Lavigerie créa un amalgame pour attirer les Indigènes par analogie avec la mosquée, Beit Allah. Le port même du vêtement est bien choisi, il se rapproche de celui des imams (burnous, chéchia rouge, et gandoura), les prêches se font en arabe et en berbère». 9

Le prosélytisme était, donc, pour le cardinal une nécessité. Ainsi il érigea un monastère à Maison Carrée (Alger) sur un lit de boulets de canon de la bataille de Staoueli. Ce monastère était appelé «la maison mère». C'était là ou l'aventure des missionnaires français avait commencé et c'est à partir de ce monastère que tous les missionnaires prenaient le départ vers toutes les villes d'Algérie et les pays d'Afrique. C'était une vaste terre de 722 hectares appartenant à une famille appelée «Ould Adda», chassée par l'armée française de ses propres terres.

Ce vaste domaine était offert à la société des missionnaires. Le monastère «Lavigerie» sera démoli, le quartier s'appelant Mohammedia, sera le lieu de la construction de la Plus Grande mosquée d'Afrique inaugurée officiellement en 2020. Aidé par le pape Leon XIII et ayant ses entrées «politiques» avec Napoleon III, il fut téméraire dans son sacerdoce, celui de débarrasser l'Algérie, de sa guange islamique et lui faire retrouver le substrat chrétien. Il créa l'ordre des Pères Blancs, et des Sœurs blanches pour ce. Il tenta en vain de ramener des Arabes chrétiens du Liban et des Irlandais. Ils ne purent pas s'adapter.

Parallèlement, pour favoriser l'immigration pour mettre en place une colonisation de peuplement, le pouvoir colonial procéda à l'aliénation d'un grand nombre de maisons qu'elle mit à la disposition des immigrants (Alsaciens Lorrains, Espagnols Italiens, Maltais). «Le premier soin des Français lorsqu'ils eurent pris procession d'Alger, fut nous dit A. Devoulx : «de tailler un peu de place aux vivants, aux détriments des morts. Il y avait donc, dès le départ, une volonté délibérée de changer la topographie de la ville pour effacer tout ce qui pouvait rappeler l'ancienne civilisation. Des dizaines de mosquées ont été aliénées, certaines détruites, d'autres converties. «Pendant plusieurs années, on put voir dispersés çà et là, des amas d'ossements tirés brusquement de leurs tombes et jetés au vent avec une certaine brutalité. Au point de vue historique, L'histoire doit regretter l'anéantissement complet d'un cimetière réservé aux pachas vers la fin du XVIe siècle»». 10

L'un des sanguinaires, que l'histoire retiendra, le duc de Rovigo donne l'ordre d'occuper la mosquée Ketchaoua le 17 décembre 1831. Quatre mille musulmans environ se barricadent dans l'édifice. L'entrée des soldats par la force fait beaucoup de victimes et de blessés. Dès 1832, la mosquée devient le premier lieu de culte chrétien. Par la bulle Singulari divinae du 10 août 1838, le pape Grégoire XVI élève l'église au rang de cathédrale. 130 ans plus tard l'appel à la prière sa fait entendre, de nouveau, l'édifice revient à sa vocation initiale de mosquée.

«Toutes les mosquées de la Place des martyrs furent démolies à l'exception des deux actuelles. Il y avait à Alger en 1830, 169 mosquées et salles de prières, trente ans après il n'en restait plus que 22 soit la disparition de 70-90% des lieux de culte islamiques à Alger au cours des trois premières décennies de la colonisation. Les zaouias ont été, démantelées, les terres affectées aux militaires ou à la colonisation urbaine. De même dès 1837, la moitié de la vieille ville de Constantine, Casbah, mosquées et zaouias, fut rasée pour édifier une ville fortifiée européenne. Plus de 50% du tissu religieux et historique de la Casbah sont partis en fumée. De même, à Tlemcen plusieurs mosquées sont reconverties ou démolies. De plus, en 1873, la prestigieuse médersa Tachfinia (fondée en 1320) fut détruite». 11

Évaluation chiffrée et historique des profanations architecturales symboliques perpétrées pendant la colonisation française

En rappelant que l'enseignement dispensé par les zaouïas a été supprimé par le général Berthezène qui rattacha leur gestion des zaouias à l'administration, ce fut aussi, une autre façon de roblématiser l'identité cultuel des Algériens. Ainsi, Le coût mémoriel fut important. Il y a eu une perte architecturale irréversible : mosquées de l'époque Zianide, Hafside, ottomane ou almohade ont été irrémédiablement perdues.

Les pièces archéologiques les canons les ouvrages documents archives diplomatiques volées par la France 132 ans en Algérie sont un dossier toujours ouvert. Il s'agit, d'abord des effets de l'émir Abdelkader, deux épées, un pistolet, sa tente de commandement, son bâton de commandement, l'original de traités signés avec la France, ses éperons, son caftan, des manuscrits, etc., volés par le fils du roi Louis-Philippe, lors de la prise de la Smala. D'autres objets historiques concernent les chefs de la résistance algérienne. S'y ajoutent la clé de la ville de Laghouat et les étendards des résistants de cette cité conquise en 1852.

On trouve les 16 canons d'Alger pris en 1830 et exposés aux Invalides à Paris. Enfin, l'Algérie réclame également la restitution du canon géant (7 mètres de long 12 tonnes) Baba Merzoug, fabriqué en 1542. Le burnous, le caftan, de l'émir a été donné en 1897 au musée de l'Armée par le fils d'Abdelkader, le prince Khaled ben el-Hachemi ces demandes de restitution posent nombre de problèmes juridiques à la partie française. On peut citer sans être exhaustif, le Coran personnel de Messali Hadj et son manuscrit original se trouvent au Musée d'Angoulême, parmi environ 300 pièces archéologiques volées acquises vers 1934. 12

Pièces archéologiques et objets d'art spoliés, transportés en France

Durant la colonisation, de nombreuses pièces archéologiques romaines, berbères, islamiques ont été envoyées en France. Exemples : mosaïques, statues romaines, poteries antiques, bijoux berbères. Beaucoup sont aujourd'hui exposées dans des musées français comme : Le Musée du Louvre, le Musée de l'Armée, le Musée des Antiquités les troupes françaises ont saisi plusieurs canons ottomans et autres armes anciennes. Ces canons décoratifs datent de l'époque ottomane (XVIIe - XVIIIe siècles). Certains sont exposés aux Invalides à Paris ou sur des places publiques. Le canon d'Alger (Baba Merzoug), pris en 1830, exposé à Brest. S'y ajoutent armes traditionnelles (sabres, fusils, arcs).

Parmi les objets archéologiques et œuvres exceptionnelles exposés en France : citons, sans être exhaustif, les peintures orientalistes : Plusieurs objets archéologiques (mosaïques, fragments romains, pièces numides) sont physiquement transportés en France : Environ quelques centaines de mosaïques et fragments - selon certains experts, 50% à 70% du mobilier archéologique romain d'Afrique du Nord a été déplacé. Le cas de Skikda, où des ruines romaines furent démantelées pour servir dans des constructions coloniales. Pour l'archéologie romaine et numide : ~60% des mosaïques et statues connues hors d'Algérie seraient aujourd'hui en France. Pour les objets islamiques et berbères plusieurs centaines sont dans les musées nationaux.

Le retour des œuvres d'art et objets archéologiques pillés est une nécessité civilisationnelle. Une reconnaissance pleine et entière de ces actes comme un volet de la réparation historique. Il est important d'en faire une évaluation chiffrée de la consistance même si certaines pièces n'ont pas de prix. L'Estimation totale archéologie et art antique : 500 fragments de mosaïques romaines Statues et bustes 200-300 800 pièces Bijoux berbères anciens 1000 pièces objets islamiques (XIIe-XVIe s.).

Documents diplomatiques avant 1830 - liste et importance symbolique

Dès la prise d'Alger en 1830, les Français ont saisi les archives beylicales, comprenant : Registres fiscaux, documents administratifs ottomans, correspondances diplomatiques des deys. Des lettres, traités et correspondances de l'Émir Abdelkader ont été saisies pendant la guerre contre la résistance algérienne. Ces documents sont, aujourd'hui, conservés aux Archives nationales françaises. L'Algérie réclame depuis les années 1970 la restitution complète des archives. De nombreuses pièces ont une valeur symbolique infiniment plus élevée que leur équivalent monétaire.

Parmi les documents diplomatiques citons sans être exhaustif, : des milliers d'archives, d'actes, mémoires et rapports pré-1830, avec une valeur historique, juridique et souveraine inestimable. Parmi les Traités : capitulation de 1830 Convention franco-algérienne de 5 juillet 1830. Enfin, les archives ottomanes conservées (16 000‑20 000 documents) couvrant les XVIe-XIXe siècles (bayt-al-mâl, correspondances du sultan). Ces documents étaient le fondement de la souveraineté algérienne, couvrant diplomatie, commerce, impôts, relations avec l'Europe et l'Empire ottoman. Au sein des Archives diplomatiques françaises, plusieurs fonds concernent l'Algérie :

800 Registres et traités ottomans appartenant à la bibliothèque beylicale. Estimation globale manuscrits & ouvrages rares

8000 Archives beylicales. 2000 lettres Correspondances d'Abdelkader Lalla Fatma Nsoumer Boubaghla

1500 à 3000 Manuscrits arabes (corans, traités scientifiques, poésie)

5000 à 10 000 Livres anciens (avant 1830)

Après l'invasion, l'armée et même les militaires hauts gradés particuliers ont saisi les archives beylicales qui furent la trame de l'existence de la Nation et de ses rapports avec les autres nations. Des lettres, traités et correspondances de l'Émir Abdelkader ont été saisies. Ces documents sont aujourd'hui conservés aux Archives nationales françaises. Des manuscrits arabes (corans enluminés, traités scientifiques, religieux ou littéraires) ont été prélevés dans des mosquées, zaouïas ou bibliothèques privées. Livres anciens saisis dans les médersas, zaouïas ou bibliothèques familiales. Travaux linguistiques et ethnographiques. L'Algérie est dans son droit, de revendiquer officiellement : La restitution des archives, pour reconstituer son histoire administrative et culturelle, mais plus largement tout ce qui lui a été volé.

Part moyenne des recettes dévolues à l'Algérie pour les visites des musées en France

Bien qu'elle n'ait aucune chance d'être réalisée un jour, cette simulation au titres des dommages matériels et spirituels, subis par les Algériens, peut nous renseigner sur la profondeur d'une faute, que, non seulement le colonisateur renie, mais fort de il reste toujours imbu du droit de dicter la norme du bien et du mal au point de ne pas assumer, même au bout de mille ans sa faute. Même si on le rassure que le peuple algérien met sa dignité et son honneur au-dessus des contingences matérielles. Ce n'est pas la pompe à finance de la Shoah ou appelée aussi «l'industrie de l'holocauste» décrite par Norman Finkielstein universitaire israélien dont les parents sont, morts, en déportation et qui dénonce courageusement, la politique israélienne qui fait par exemple qu'un pays européen expie ad vitam aeternam une faute qui est celle de toute l'Europe chrétienne depuis 2000 ans. Il ne faut pas oublier que les juifs étaient appelés les déicides.

Dans le même esprit du devoir d'inventaire, nous avons pensé à une simulation pécuniaire, pour déduire par proportionnalité la part des touristes qui visitent les musées de France. Il est admis que sans les collections des départements d'archéologie et d'art islamique, le Louvre perdrait, non seulement, des pièces historiques rares mais aussi une partie non négligeable de son attrait international. Ces collections enrichissent l'offre, contribuent à l'image universelle du Louvre et soutiennent des événements qui attirent des publics divers., €174 M de billetterie, €200 M de budget total. Sans ces pièces, la renommée du Louvre - et ses recettes - seraient, notablement, amoindries.

Dans celte simulation nous cherchons, seulement, à évaluer la dette symbolique annuelle que représenterait l'exploitation des trésors archéologiques, manuscrits, armes, restes humains, objets d'art algériens conservés dans les musées français depuis 1962. Les collections algériennes ne représentent pas la majorité, mais une part culturelle essentielle, notamment pour les départements arts de l'islam, antiquités romaines d'Afrique, et les expositions temporaires. On peut estimer à environ 0,5 à 2% de la fréquentation effective de musées comme le Louvre, et 5 à 10% pour d'autres plus ciblés (Musée de l'Homme, Quai Branly, etc.). Pour le Louvre : il y a eu 8,9 Millions de visiteurs en 2023 → 1% = 89 000 visiteurs concernés par des œuvres liées à l'Algérie. Recettes billetterie 2023 : 174 M € 1% = 1,74 M €/an (Louvre seul).

La simulation des parts des revenus annuels de la visite des musées sur amène à une dette symbolique annuelle : reviendrait 2 à 4 millions €/an Le montant moyen annuel estimé (2024 valeur constante). Sur 62 ans (1962-2024) aboutirait à 124 à 248 millions €. Cela ne tient pas compte : des expositions itinérantes, des droits de reproduction, du prestige diplomatique tiré de ces pièces, ni de la valeur culturelle et mémorielle pour le peuple algérien. La restitution morale, la justice historique contribuent à la nécessité d'un geste fort de réconciliation culturelle.

Dans le même ordre, bien que la souffrance humaine soit inestimable, ou peut tracer un ordre de grandeur en faisant appel à une approche globale par pertes humaines et une approche par pillage de richesses. Si on compare avec les réparations allemandes à Israël (1953) : 3 milliards de DM pour 6 millions de victimes ≈ 6000 $ par victime. Transposé à l'Algérie : 6 millions de morts tout au long de 132 ans × 6000 $ = 36 milliards $.

Conclusion

L'invasion de l'armée d'Afrique fut dit-on «une expédition rentable». N'oublions pas que le premier but que l'on a fait miroiter aux envahisseurs, fut l'or, l'argent les rubis. Ce n'est qu'après qu'il y eut progressivement l'intention de tenter de «remplacer le peuple algérien par une colonisation de peuplement nouvelle pour cela il faut de l'espace. La loi Warnier dépossèdera les Algériens de leurs terres ; Il a fallu naturellement pour les besoins du pouvoir colonial, créer des routes avec une main d'œuvre, pratiquement gratuite des Algériens, qui participent à la démolition de leur bien. Quoi de plus simple, en éventrant des cimetières, en démolissant les dizaines de mosquées d'Alger ?

Graduellement on s'intéressa à l'archéologie, mais aussi aux documents. Ce fut un massif pillage archéologique : ~60% des pièces exceptionnelles (mosaïques, statues) seraient, désormais, en France, notamment au Louvre, aux Invalides et au musée d'Orsay. La colonisation a tenté d'éradiquer l'identité culturelle et cultuelle de l'Algérie en vain. Elle a alors mis en œuvre une politique d'analphabétisation qui fait, qu'à peine 10% d'enfants étaient scolarisés à la veille de 1954. La meilleure preuve ? L'invasion a commencé par l'incendie des bibliothèques de Sidi Hammouda à Constantine ne 1837, puis ce fut le tour de la Bibliothèque du Cheikh El Haddad, qui sera volée en 1871‑1872. Ce sera enfin, l'incendie de la bibliothèque de l'Université d'Alger le 5 juin 1962 ; 600 000 volumes partirent en fumée.

C'est un fait, les biens culturels ont été sont le résultat de spoliations, pillages, vols et butins de guerre, pour enrichir des collections occidentales On se rappelle comment le président Mandela a fait plier la France pour la restitution de la «Venus Hottentote», une femme qui avait une difformité physique et qui quitta «le musée» pour être enterrée, pieusement, dans sa terre natale.

Pourtant, la protection des biens culturels trouve son fondement juridique dans les textes et lois suivants : En vertu de la l'UNESCO du 24 avril 1972, les «biens culturels» sont sous protection : les biens culturels comprennent tout ce qui a une signification historique, artistique ou religieuse, Le devoir d'inventaire permet de situer la dimension du gap mémoriel. Il y a des solutions notamment dans une réflexion sur la dette scientifique de 132 ans d'aliénation qui n'ont pas permis à l'Algérie de participer, en son temps, aux révolutions scientifiques.

La douleur algérienne est un traumatisme civilisationnel. L'évaluer, c'est reconnaître l'humiliation, la dépossession et la négation d'un peuple, et exiger des réparations à la mesure de l'offense. Ces destructions portent la marque d'un génocide culturel voire cultuel, avec des impacts irréversibles sur la mémoire et l'identité algérienne.

 Professeur Chems Eddine Chitour

Article de référence : Chems Eddine Chitour, «Spoliation des richesses matérielles et immatérielles : Le Devoir d'inventaire», paru dans le journal El Moudjahid du 2 aout 2025

  1. C. Lavigerie : Lettre pastorale du 6 avril (1868).
  2. Victor Hugo -  monde-diplomatique.fr
  3.  elwatan-dz.com
  4. « Quels biens la France a-t-elle volés à l'Algérie pendant la colonisation ?», TRT Global, 29 mai 2024.
  5.  chatgpt.com
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  7. INFO_20666_20Alger_20tr_C3_A9sor.pdf
  8.  monde-diplomatique.fr
  9. M.T. Ouali, «L'enseignement des missionnaires en Algérie», p.97. Edits Dahlab. Alger. (1997)
  10. Diego de Haëdo, «De la captivité à Alger». Revue Africaine. Vol. 39, 54,199,321, (1895)
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