Ilyes BELLAGHA
Nous savons tout de l'injustice, du pillage des ressources et des crimes du capitalisme. Mais que faisons-nous de ce savoir ? Ce texte dénonce la paralysie organisée par le système et appelle à retrouver une intelligence créatrice, qui construit, agit et libère au lieu de se contempler
Le piège du « savoir sans agir »
Nous vivons une époque saturée d'images, d'analyses, de statistiques. Jamais l'humanité n'a autant compris le monde... et jamais elle n'a aussi peu agi pour le changer.
Nous savons tout du réchauffement climatique, des inégalités, des guerres orchestrées par les puissants. Et pourtant, l'action reste timide, fragmentée.
Cette paralysie n'est pas un accident : elle est organisée. Le capitalisme a compris qu'un peuple lucide mais inactif est un peuple vaincu. On nous gave d'analyses critiques comme on gave des oies, pour que notre lucidité devienne un ornement, non une arme.
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Le fétichisme du regard critique
Ce que j'appelle « l'intégrisme du savoir » frappe autant les intellectuels que les militants. On préfère rester spectateur plutôt que de descendre dans l'arène et risquer la défaite.
On se rassure : « mieux vaut ne pas agir que se tromper ». C'est oublier que toutes les victoires sociales - du droit de grève à l'abolition de l'esclavage - sont nées de tentatives imparfaites, souvent coûteuses.
L'intelligence comme force de construction
Pour la gauche, l'intelligence ne peut pas se limiter à analyser : elle doit construire. Cela veut dire :
Transformer la colère en programme politique.
Transformer la critique en organisation.
Transformer la lucidité en solidarité active.
L'intelligence devient alors un chantier : on s'y salit les mains, on casse des pierres, on apprend des échecs. Elle cesse d'être un miroir pour redevenir une forge.
Sortir du piège
La vraie rationalité est créative : elle ne tue pas l'utopie, elle la structure. Elle ne se contente pas de démolir l'ordre établi ; elle invente des formes nouvelles, plus justes, plus humaines.
Aujourd'hui, le choix est clair :
Continuer à disséquer un monde qui s'effondre.
Ou redevenir les bâtisseurs d'un monde nouveau.
Voulons-nous rester les archivistes du désastre... ou les architectes de la libération ?