19/08/2025 ssofidelis.substack.com  5min #287738

 «Un grand jour à la Maison Blanche» : Trump accueille Zelensky et ses partenaires européens

Le patron qui ne l'était pas

Photo de famille Photo © Alexander Drago Reuters

Par  Biljana Vankovska, le 19 août 2025

À peine avions-nous eu le temps de digérer cette rencontre en Alaska que Trump nous a propulsés dans un nouveau tourbillon présenté comme une course effrénée vers un "plan de paix définitif".

Mon scepticisme, déjà bien présent après l'Alaska, n'a fait que croître. Le slogan "Sur la voie de la paix", affiché derrière les deux dirigeants, n'a trompé personne sauf peut-être les plus crédules. Quelques observateurs sérieux, comme Jan Oberg de la Transnational Foundation for Peace & Future Research, ont souligné ce que les médias mainstream ont ignoré : il ne s'agissait pas d'un sommet entre promoteurs de la paix, mais entre commandants militaires. Il n'a pas été question de paix véritable et constructive. Le lieu même de la rencontre, une base militaire, en disait long. Et lorsque Trump a salué le président russe, il n'a pas pu s'empêcher de faire la démonstration de la puissance militaire américaine en faisant rugir des avions de chasse au-dessus de leurs têtes.

Les analystes, eux, ont préféré s'attarder sur des détails insignifiants : les plaisanteries, le langage corporel, le sweat à capuche de Lavrov évoquant l'URSS, le déjeuner annulé. Beaucoup de bruit pour rien. Le seul fait significatif - même si Trump ne veut pas l'admettre (préférant rejeter la faute sur Biden) - est que les représentants de deux camps opposés dans une guerre par procuration se sont assis face à face. Ce n'est pas rien, en ces temps troublés. Mais le véritable enjeu de ce qui a été convenu - si tant est qu'il y ait quelque chose - n'a pas été résolu. Les Nations unies et leurs mécanismes de maintien de la paix étaient notablement absents des discussions. La discussion est plutôt passée par des canaux personnels et des conciliabules entre Occidentaux.

La séquence des appels téléphoniques, puis de la réunion à la Maison Blanche, était censée annoncer des "progrès", prouvant que Poutine avait adhéré au plan de Trump. Pourtant, le 19 août à 10 heures, heure de Paris, les dirigeants occidentaux eux-mêmes, dont la cote de popularité est en chute libre, semblent encore ignorer ce qui a été convenu. Leur insistance sur la nécessité d'acheter des armes, de moderniser l'armée ukrainienne ou de déployer des troupes en tant que futures "forces de maintien de la paix" n'apportait rien de nouveau. Rien de ce qu'ils ont dit n'a laissé présager une prise de conscience des réalités, à savoir le rôle de l'Occident en tant qu'instigateur et partie prenante de la guerre.

La situation est encore plus absurde. Ils continuent de scander "la paix par la force", comme si cette formule orwellienne était parole d'évangile. Trump, lui, se frotte joyeusement les mains devant un nouveau contrat d'armement juteux conclu avec Zelensky, un homme qui, en plus d'engraisser ses comptes offshore, a ruiné et vendu les derniers territoires ukrainiens encore hors du contrôle russe.

Et puis survient la farce suprême : les "garanties de sécurité". Personne ne sait ce que recouvre cette expression, qui pourrait les fournir de manière crédible, ni si Moscou a bougé d'un pouce par rapport aux objectifs qu'elle s'est fixés en 2022. Le Kremlin, sagesse oblige, reste silencieux ou se contente de déclarations laconiques et polies. En quoi la poignée de dirigeants européens humiliés, aux réputations et aux budgets exsangues, aux armées en lambeaux, changerait-elle la donne ? Il suffit d'observer leurs visages sur la photo de famille pour voir un tableau pathétique de dirigeants sans envergure prétendant être puissants, chacun soupçonnant l'autre d'être la marionnette d'un tiers. L'ironie, c'est qu'aucun d'entre eux n'est le maître chez soi. Trump pas plus que les autres. Oui, il peut toujours réorganiser le mobilier de la Maison Blanche, mais les véritables leviers du pouvoir américain lui échappent. Il n'est lui-même qu'une marionnette, manipulée par des mains invisibles que seuls les esprits rationnels peuvent percevoir.

Il est incapable de prendre la seule décision qui compte : le retrait total des États-Unis de la guerre qu'ils ont contribué à déclencher, reconnaître leur rôle, mettre fin aux livraisons d'armes (y compris celles déjà payées), obtenir un accord au Conseil de sécurité pour déployer de véritables forces de maintien de la paix en Ukraine et exercer une pression sur l'OTAN pour qu'elle cesse de brandir l'article 5, qui ne servira qu'à déclencher une guerre mondiale. Trump est aussi imprévisible qu'impuissant. Sa poignée de main avec Zelensky pour 100 milliards de dollars de « garanties de sécurité » ressemble moins à la diplomatie qu'à un racket mafieux.

La "voix" la plus forte dans le Bureau ovale est restée muette : l'immense carte de l'Ukraine étalée avec ses lignes de division territoriale. Cette carte révélait tout : soit ces gens ne comprennent rien, soit ils simulent l'ignorance. Ils s'accrochent à des considérations territoriales, ignorant les causes profondes du conflit, sur lesquelles Moscou insiste pourtant depuis le début.

Pour faire avancer la paix, des mesures concrètes sont nécessaires : une résolution du Conseil de sécurité, l'envoi de casques bleus provenant d'États non impliqués (certainement pas de l'OTAN) et une relance de l'OSCE, même si celle-ci est en train de sombrer dans des abîmes d'irrélevance. Mais Moscou a retenu la leçon de Minsk et ne se laissera pas duper par un éventuel Minsk 3.0. Une nouvelle conception de la sécurité européenne, voire mondiale, pourrait pourtant émerger en Ukraine. Elle ne sera toutefois pas le fait des hommes incapables et dépourvus d'imagination qu'on a vus jouer la comédie du pouvoir dans le Bureau ovale.

Traduit par  Spirit of Free Speech

 ssofidelis.substack.com