07/09/2025 reseauinternational.net  24min #289745

Et surtout, n'oubliez pas les petits

par Moralès Kajar

C'est, en substance, l'appel lancé par l'éditorialiste collaborateur Robert Brasillach dans le quotidien antisémite dont il était rédacteur en chef pendant l'Occupation. Que le temps en ait transformé la formulation exacte est sans importance. On peine à enlaidir ce qui est déjà répugnant.

«L'archevêque de Toulouse proteste contre les mesures prises envers les juifs apatrides en zone non occupée et accuse le gouvernement du Maréchal de suivre des inspirations étrangères ! Il parle de brutalités et de séparations que nous sommes tous prêts à ne pas approuver, car il faut se séparer des juifs et ne pas garder de petits, l'humanité est ici d'accord avec la sagesse». ~ Robert Brasillach, in «Les sept Internationales contre la Patrie», Je suis partout,  25 septembre 1942

Ces mots, qui auraient pu après la guerre résonner comme l'essence de la collaboration vichyste antisémite et qui, entre autres choses, valurent à son auteur d'être fusillé à la Libération, trouvent aujourd'hui, 80 ans plus tard, un écho étrange dans les atrocités commises à Gaza. Jamais depuis, une armée nationale n'avait avec tant de zèle appliqué une politique d'extermination dont les cibles privilégiées sont les enfants, n'avait mené, même, une véritable guerre à l'enfance comme Israël le fait aujourd'hui.

Et si tant est qu'il puisse y avoir des maux encore pires que celui-là, ce serait le silence, l'indifférence, le déni, le détachement d'une communauté internationale qui n'a de communauté que le nom, qui n'a de commun que ces maux-là. Et l'on penserait alors toucher le fond de l'abominable. Il n'en serait rien car pour dissimuler de telles ignominies, ignobles justement parce que s'en garder est d'une simplicité enfantine, elle use des hypocrisies les plus honteuses, là s'indignant de broutilles sans importance et même fabriquées de toutes pièces, comme ce refus de laisser entrer des jeunes israéliens dans un parc de loisirs, ici condamnant la Russie pour kidnapping ou trafic d'enfants ukrainiens quand il s'agit en fait de leur éloignement des zones de guerre. En attendant, qu'ils soient nourrissons en bas-âge ou marmots en âge d'aller à l'école, les enfants gazaouis peuvent crever. En mondovision et en 4K, de faim ou sous les bombes, peu importe.

Ne nous reste que comprendre.

Comprendre autant ce qui se passe que ce qui ne se passe pas.

Pour cela, on commencera d'abord par rappeler  les paroles d'Aleyet Shaked, ministre de la Justice israélienne, en 2014 :

Mais le ver était dans le fruit depuis plus longtemps que ça. Depuis bien plus longtempsJusqu'au deuxième siècle, l'Ancien Testament était appelé la Bible Juive ou Bible hébraïque. 1

«L'Éternel parla à Moïse sur la montagne de Sinaï, et dit :

«Parle aux enfants d'Israël, et tu leur diras :

(...) Tes esclaves, hommes et femmes, proviendront des nations qui vous entourent ; c'est parmi elles que vous pourrez acquérir des esclaves, hommes et femmes.

De plus, vous pourrez en acquérir parmi les hôtes qui résident chez vous, et parmi les membres de leurs clans qui vivent avec vous et qui ont été engendrés dans votre pays : ils seront votre propriété,

Et vous les laisserez en héritage à vos fils après vous, pour qu'ils les possèdent en toute propriété. Vous les aurez pour toujours comme esclaves. Mais sur vos frères, les fils d'Israël, nul ne dominera avec dureté». - Ancien Testament, Lévitique,  chapitre 25, 44-46

Le Seigneur parla à Moïse. Il dit :

«Exerce la vengeance des fils d'Israël contre les  Madianites. Ensuite tu seras réuni aux tiens». (...) Ils partirent en guerre contre Madiane, comme le Seigneur l'avait ordonné à Moïse, et ils tuèrent tous les hommes. (...)

Puis les fils d'Israël emmenèrent comme captives les femmes de Madiane avec leurs petits enfants et ils se livrèrent au pillage en s'emparant de tout leur bétail, de tous leurs troupeaux, de toutes leurs richesses. (...)

Moïse s'irrita contre les commandants des forces armées, officiers de millier, officiers de centaine, qui revenaient de cette expédition guerrière.

Il leur dit : «Vous avez donc laissé vivre toutes les femmes ? (...)

Maintenant, tuez donc tous les petits garçons ; et toutes les femmes qui ont partagé la couche d'un homme, tuez-les !

Mais toutes les petites filles, elles qui n'ont pas partagé la couche d'un homme, vous pouvez les garder vivantes pour vous». - Ancien Testament, Nombres,  chapitre 31

Voici les paroles que Moïse adressa à tout Israël dans le désert, au-delà du Jourdain, dans la Araba, en face de Souf, - entre Parane, Tofel, Labane, Hacéroth et Di-Zahab. (...)

«Lorsque tu t'approcheras d'une ville pour la combattre, tu lui proposeras la paix.

Si elle accepte la paix et t'ouvre ses portes, toute la population qui s'y trouve sera astreinte à la corvée et te servira.

Mais si elle refuse la paix et engage le combat, tu l'assiégeras.

Le Seigneur ton Dieu la livrera entre tes mains, et tu passeras tous les hommes au fil de l'épée.

Quant aux femmes, aux enfants, au bétail, tout ce qui se trouve dans la ville, tout le butin, tu t'en saisiras ; tu te nourriras du butin pris aux ennemis que le Seigneur ton Dieu t'aura livrés.

Tu agiras ainsi envers toutes les villes très éloignées de toi, villes qui n'appartiennent pas aux nations que voici.

Dans les seules villes des peuples que le Seigneur ton Dieu te donne en héritage, tu ne laisseras subsister aucun être vivant.

Tu les détruiras complètement - les Hittites, les Amorites, les Cananéens, les Perizzites, les Hivites et les Jébusiens - comme le Seigneur ton Dieu te l'a ordonné. 2

Afin qu'ils ne vous apprennent pas à pratiquer toutes les abominations qu'ils pratiquent envers leurs dieux : ce serait pécher contre le Seigneur votre Dieu». - Ancien Testament, Deutéronome,  Chapitre 20, 10-18

Le génocide pour ADN

À l'instar du colonialisme, le sionisme sous toutes ses formes - qu'elles soient modérées ou extrêmes - est obscène. Il n'en existe pas de plus inclusive ou tolérante. Il s'agit de bout en bout d'une idéologie ethno-nationaliste qui vise à créer une société de privilèges pour les juifs en en excluant les non-juifs sur un territoire où il y avait déjà et où il y a encore des millions d'entre ces derniers. Même l'ancien premier ministre et icône de la gauche israélienne, David Ben Gourion, admettait que son parti ne se contenterait pas d'une partie de la Palestine et que leur objectif a été dès le départ « la possession totale du territoire», d'«abolir la partition du pays et de coloniser [expand to] toute la terre d'Israël». 3

Le sionisme porte en lui la nécessité du génocide car le seul moyen de parvenir à cette société désirée est de se débarrasser d'assez de ceux qui étaient là avant pour rendre les occupants - juifs - majoritaires.

En dépit de tout cela, deux arguments parviennent encore être opposés à l'évidence d'un génocide à proprement parler par les soutiens d'un sionisme supposément modéré, par les tièdes ou les lâches qui pullulent tant dans les gauches sociales-démocrates que dans les milieux artistiques et culturels bourgeois des continents européen et nord-américain.

Le premier de ces arguments est qu'au regard des génocides passés, et notamment de l'Holocauste, le nombre et la proportion des victimes palestiniennes sont très inférieurs à celui des juifs sous le joug nazi. Le second, découlant du premier, est la requalification de «génocide» en «nettoyage ethnique», comme si l'un pouvait être l'euphémisme de l'autre.

Ce à quoi on répondra d'abord que d'après l'ONU - qui reconnaît l'état actuel de génocide en Palestine et à Gaza en particulier - la définition de celui-ci est désigné comme «l'un quelconque des actes (...), commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux». Si besoin est, on ajoutera qu'un génocide n'est pas une affaire de compétition victimaire. Enfin, que parler de nettoyage ethnique en lieu et place de génocide, c'est avoir des décennies de retard sur les évènements en plus de souffrir d'un aveuglement historique absolu. Le nettoyage ethnique de la Palestine a déjà eu lieu et a été suffisamment documenté à partir de 1948. C'est un processus qui s'est étalé depuis la première Naqba jusqu'au 7 octobre 2023, entretenu par une politique permanente de persécutions et d'apartheid à l'encontre des Palestiniens, les ayant constamment, patiemment poussés, jour après jour, mois après mois, année après année, à choisir entre l'exil et la mort.

Le sionisme partage d'ailleurs ce désir génocidaire existentiel avec le nazisme. Mais ce dernier, qui s'est épanoui dans une Allemagne économiquement et militairement dominante, n'a jamais eu besoin de modérer son propos vis-à-vis de ceux qu'il avait désignés comme ses ennemis mortels. Israël au contraire, ilot occidental au beau milieu de terres arabo-musulmanes pour beaucoup hostiles et dépendant donc de facto du soutien économique et militaire de cet Occident lointain, s'est longtemps figuré que les valeurs morales de ce dernier avaient été remodelées par le choc de la Solution Finale et que le sionisme devait dès lors se parer de cette modération condensée dans la formule toute faite «Israël a le droit de se défendre !», justifiant ainsi depuis la deuxième Intifada la litanie des actions guerrières conduites à Gaza par Israël, par ce «droit à se défendre», en réalité application «à l'israélienne» de la loi du Talion, répondant aux lance-pierres par des tanks, aux cailloux par des balles.

En réalité, tout cela n'était que de la poudre aux yeux et le gouvernement israélien est certainement tombé de haut quand il a pris conscience que ce qu'il a mis en œuvre au lendemain du 7 octobre 2023 et qu'il avait si longtemps hésité à faire de peur de perdre ses soutiens occidentaux n'a rencontré alors et jusqu'à aujourd'hui aucune opposition sérieuse, ni même la plus petite sanction (que la Russie, elle, a encaissé en cascades ininterrompues) en provenance de ses habituels partenaires, ni des Nations unies, ni du reste de la communauté internationale, à l'exception des Houthis du Yémen, de quelques protestations diplomatiques de pure forme et de manifestations populaires en soutien à la Palestine considérées avec désinvolture et mépris par les gouvernements, les médias et les élites en général qui y trouvent tout de même l'occasion de réduire encore davantage la liberté d'expression en la grimant en pseudo-lutte contre cet antisémitisme qu'elles-mêmes ont troqué en chemin pour un philosémitisme tout aussi nauséabond.

Israël, ethno-état suprémaciste

Abordons illico «l'éléphant dans la pièce» : l'Holocauste.

On sait qu'il sert aujourd'hui de rempart aux crimes d'Israël. Que quiconque ose dénoncer ces crimes est aussitôt traité de sympathisant du nazisme, ou a minima d'antisémite.

C'est encore un écran de fumée.

Les descendants des premiers colons juifs ayant fui les persécutions subies au sein de l'empire russe et dont les rejetons sont aujourd'hui aux commandes de l'État hébreu, arrivés en Palestine au tournant du XXe siècle ne considéraient pas les rescapés de la Shoah comme des candidats idéals à la mise en œuvre du sionisme.

Pour une raison simple : venant juste de survivre à leur extermination et à des traitements inhumains, ils n'étaient pas particulièrement motivés et ne voyaient pas d'un très bon œil le fait de persécuter des gens qui ne leur avaient rien fait.

«Le Sabra représentait un idéal national, tandis que le survivant de l'Holocauste en était l'inverse. Il menaçait cet idéal à une époque où les Sabras luttaient encore contre la génération de leurs parents pour obtenir la suprématie dans la société israélienne. Le pays encourageait l'image du Sabra, y voyant la réalisation des rêves du mouvement sioniste et syndicaliste d'un renouveau national et d'un retour à une structure sociale «saine». Pourtant, la plupart des gens ne pouvaient pas être à la hauteur de cet idéal. Ils ne vivaient pas depuis longtemps dans le pays et beaucoup n'avaient pas encore réussi à se débarrasser de leur «mentalité de diaspora». Les survivants de l'Holocauste imposaient aux immigrants antérieurs un passé que beaucoup n'avaient pas encore réussi à mettre de côté, et leur mépris des survivants reflétait souvent un désir de prendre leurs distances, de nier ce qu'ils étaient eux-mêmes. Les survivants ont forcé les Israéliens à réaliser que la vision de «l'homme nouveau» ne se réaliserait pas. La plupart sont arrivés en tant que réfugiés, et non en tant que sionistes visionnaires. (...)

Le décalage entre idéal et réalité rendait les Israéliens plus sévères envers les nouveaux immigrants. On attendait des nouveaux arrivants qu'ils s'identifient au stéréotype du Sabra et se transforment à son image ; cet effort était considéré comme une preuve de loyauté et un rite d'entrée dans la tribu. Aharon Appelfeld a écrit l'histoire d'un garçon nouvellement arrivé de Pologne que ses camarades battaient parce qu'il ne pouvait pas bronzer comme eux. Il leur assurait qu'il faisait tout son possible pour que sa peau devienne plus foncée, mais ils lui répondaient que s'il le voulait vraiment, cela se serait produit depuis longtemps. Sa pâleur les obligeait à affronter la diaspora et l'Holocauste, alors ils le frappaient». ~ Tom Segev, in «The Seventh Million : The Israelis and the Holocaust», 1993

Avant d'être ce qu'il est devenu aujourd'hui, c'est-à-dire un passe-droit pour Israël et une justification sur mesure de sa propre existence, l'Holocauste a en réalité longtemps été le caillou dans la chaussure d'Israël et chaque survivant, chaque survivante, un rappel de ses propres lâchetés.

«De nombreux survivants, quant à eux, en voulaient au yishuv, le mettaient même en cause. «Vous avez dansé la hora pendant que nous étions brûlés dans les crématoires», a déclaré Yosef Rosensaft, un leader des personnes déplacées à Bergen-Belsen, qui s'est installé en Amérique. En général, ce genre de choses n'était dit qu'en privé. Mais même tacites, ces accusations empoisonnaient les relations entre les survivants et le yishuv. «La question reste en suspens dans nos cœurs», déclara Dov Shilansky, qui deviendra plus tard président de la Knesset. «Qu'ont fait nos frères qui n'étaient pas dans cet enfer ?» ~ Tom Segev, in «The Seventh Million : The Israelis and the Holocaust», 1993

L'Afrique du Sud est peut-être le pays qui comprend le mieux l'oppression vécue pendant presque un siècle par les Palestiniens sous la botte israélienne et en quoi elle a déterminé le 7 octobre 2023. L'archevêque Desmond Tutu, figure centrale de la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud a employé ce terme dès 2002 après une visite dans les territoires occupés pour décrire le traitement réservé aux Palestiniens par l'autorité israélienne. «J'ai été témoin de l'humiliation systématique d'hommes, de femmes et d'enfants palestiniens par les forces de sécurité israéliennes. Cette humiliation est familière à tous les Sud-Africains noirs qui ont été harcelés, insultés et agressés par les forces de sécurité du régime de l'apartheid. (...) Dans de nombreux cas, [l'apartheid israélien] est pire». 4

«Dans les Territoires occupés, ce qu'Israël fait est bien pire que l'apartheid. Le qualifier d'apartheid est un cadeau fait à Israël, du moins si par «apartheid» on entend l'apartheid à la sud-africaine. Ce qui se passe dans les Territoires occupés est bien pire. Il y a une différence fondamentale. Les nationalistes sud-africains avaient besoin de la population noire. C'était leur main-d'œuvre. (...) La relation d'Israël avec les Palestiniens dans les Territoires occupés est totalement différente. Ils ne veulent tout simplement pas d'eux». ~ Noam Chomsky, in  Democracynow.org, 8 août 2014

Depuis ses débuts Israël n'a jamais cessé de chasser les Palestiniens hors du  Lebensraum juif et à défaut, tant que les lois internationales avaient encore une certaine valeur, hors de la citoyenneté nationale. Ce lent et patient nettoyage ethnique, qui trouve aujourd'hui sa consécration dans le génocide, s'est déroulé dans le contexte d'une politique démographique suprémaciste visant à rendre la population juive majoritaire et hégémonique, et dans l'idéal, génétiquement pure. C'est bien en franchissant ce palier supérieur d'inhumanité que sionisme et nazisme ont dépassé l'apartheid sud-africain. L'ouvrier, la domestique ou le jardinier noir à Johannesburg, Pretoria ou Cape Town représentaient encore un intérêt pour l'ultra-minorité afrikaner qui dominait alors l'Afrique du Sud. L'Apartheid a été l'outil de soumission d'une majorité par une minorité qui se savait telle, qui avait donc économiquement besoin de cette main d'œuvre corvéable à merci mais dont les rêves suprémacistes n'avaient pas d'avenir.

Certains argueront qu'il existe des Palestiniens qui vivent et travaillent au milieu des juifs. Oui, comme il y eut des juifs qui, pour survivre, ont collaboré avec les nazis. La majorité des juifs qui ont été exterminés par le nazisme l'ont été en Europe de l'Est. Un quart en Ukraine seulement. Les juifs allemands sont, pour beaucoup, parvenus à quitter l'Allemagne avant le déclenchement de la politique d'extermination nazie. En outre, avant 1933 et la prise de pouvoir d'Hitler, il existait une certaine forme d'assimilationisme en Allemagne, bien supérieure à celle de la France au même moment et un certain nombre de dignitaires nazis avaient eux-mêmes des origines juives, même s'ils n'en faisaient évidemment pas état. 5

Ces Palestiniens-là sont, au mieux, des citoyens de seconde voire de troisième zone. Et si on trouve quelques rares «Arabes israéliens» sur les bancs de la Knesset, leurs origines palestiniennes ont été effacées et ils ne peuvent en aucun cas remettre en cause le suprémacisme de l'état hébreu.

Principes fondamentaux :

(a) La Terre d'Israël est la patrie historique du peuple juif, dans laquelle l'État d'Israël a été fondé. (b) L'État d'Israël est l'État-nation du peuple juif, dans lequel celui-ci réalise son droit naturel, culturel, religieux. (c) La réalisation du droit à l'autodétermination nationale dans l'État d'Israël est exclusive au peuple juif. - in « Loi fondamentale : Israël - L'État-nation du peuple juif» (Adoptée initialement en 5778-2018)

Il n'y a pas de nationalité israélienne. Seule existe une nationalité juive. Ceux qui ne répondent pas à cette description se voient accordés la citoyenneté israélienne, mais sans les droits et les privilèges qu'apporte la nationalité juive.

«Selon la loi israélienne, la nationalité israélienne n'existe pas. Comme l'a déclaré la Haute Cour dans les années 1970, «il n'existe pas de nation israélienne distincte du peuple juif». Ainsi, les citoyens juifs de l'État sont classés comme ayant la «nationalité juive», mais les non-juifs, bien qu'ils puissent être citoyens de l'État, ne sont explicitement pas membres de la «nation», c'est-à-dire les juifs du monde entier, qu'ils souhaitent ou non être affiliés à Israël, dont l'État prétend être le représentant. En conséquence, l'identité nationale des citoyens palestiniens d'Israël - qui constituent 20% de la population réelle et non seulement idéologique de l'État - est niée et effacée à tous les niveaux institutionnels». - in « A racism outside of language : Israel's apartheid», Saree Maksidi, Pambazuka News, 3 novembre 2010

Et la loi israélienne, au sein d'un appareil législatif entièrement dominé par un sionisme couvrant tout le spectre politique, de la gauche à l'extrême-droite, condamne toute tentative de modifier ces lois ethno-suprémacistes.

«Plus important encore, la loi constitutionnelle israélienne empêche les citoyens israéliens de contester la définition d'Israël en tant qu'État juif et, en fait, toute loi établissant une telle identité. Si les citoyens palestiniens d'Israël peuvent voter et se présenter aux élections nationales, dans la pratique, leur droit à la participation politique est limité et ils continuent d'être perçus comme «l'ennemi intérieur».

En vertu de la loi fondamentale israélienne de 1958 sur la Knesset, la commission électorale centrale peut disqualifier un parti ou un candidat de la participation aux élections si ses objectifs ou ses actions visent à nier la définition d'Israël en tant qu'État juif et démocratique, à inciter au racisme ou à soutenir les luttes armées menées par un État hostile ou une organisation terroriste contre Israël. En outre, l'enregistrement de tout parti dont les objectifs ou les actions nient directement ou indirectement «l'existence d'Israël en tant qu'État juif et démocratique» est interdit en vertu de la loi de 1992 sur les partis politiques». - in  Israel's apartheid against Palestinians, Amnesty International, 2022

L'objectif primordial, existentiel même puisque l'adjectif est à la mode, est la disparition des Palestiniens. Et à l'instar d'Adolf Hitler qui avait d'abord opté pour le déplacement géographique des juifs avant de se tourner vers la Solution Finale, Le gouvernement israélien, soutenu par l'écrasante majorité de la population, après des décennies à avoir en vain travaillé à l'épuration de Palestiniens se cramponnant à leurs terres a saisi l'opportunité offerte par le 7 octobre 2023 de procéder à l'élimination physique du peuple palestinien.

Le maître des mouches (et des illusions)

Il faut démystifier ce foutu 7-Octobre.

Ce n'est une date charnière que pour ceux qui l'instrumentalisent. C'est-à-dire Israël et les médias occidentaux qui lui apportent leur soutien. La plus récente preuve de ce soutien aussi indéfectible qu'ignominieux, retweeté de surcroît  par ce cher Edwy Plenel - puisque ce mode de communication grégaire dépourvu de la moindre réflexion, équivalent médiatique de la soupe-minute en gastronomie, est devenu l'alpha et l'oméga de la pensée parisienne courtisane, créant ses propres intox, les commentant et commentant les commentaires dans une boucle infinie, nourrissant son propre feed dans un but totalement lucratif et au mépris de la déontologie et évidemment de la vérité - étant  la déclaration mensongère de Jean-Pierre Filiu dans Le Monde, selon laquelle le Hamas aurait une responsabilité écrasante dans le génocide en cours... Honteux.

Pour les autres, celles et ceux qui considèrent l'histoire comme un continuum et non comme des évènements séparés les uns des autres, ce n'est que l'aboutissement logique de presque un siècle d'oppressions incessantes.

La résistance palestinienne est un tout. Le fait qu'en son sein il y ait des islamistes n'y change rien. Dans le contexte profondément islamophobe actuel, cela ne sert que ceux qui veulent «bataclaniser» le 7-Octobre. Qu'ils aient un temps souhaité la disparition d'Israël non plus. Netanyahou,  qui a soutenu l'émergence politique du Hamas, n'a pas toujours vu ce «détail» passé comme un obstacle. Le but des résistants algériens étaient la disparition de l'Algérie française, celui d'Hô Chi Minh était la disparition de l'Indochine, celui de Sitting Bull a été la disparition de l'État américain.

D'ailleurs, l'histoire des guerres indiennes regorge de 7-Octobre.

La Guerre de Pontiac en est un exemple tout à fait parlant :

«Le conflit naît à la suite de politiques désavantageuses imposées par les administrateurs britanniques aux Autochtones après la guerre de la Conquête (1754-1763). Les guerriers de nombreuses nations rejoignent le soulèvement dont le but principal était de chasser les troupes et les colons britanniques de la région. La guerre est nommée d'après le nom du chef outaouais Pontiac, personnage prééminent durant le conflit.

En mai et juin 1763, les Autochtones, offensés par les politiques du général Jeffery Amherst, attaquent plusieurs forts situés aux pourtours des Grands Lacs. Des centaines de colons sont tués ou capturés durant ces quelques semaines tandis qu'un nombre encore plus important quitte la région. (...)

Parmi les événements marquants de la guerre de Pontiac figure la tentative d'infecter les Autochtones assiégeant le fort Pitt avec des couvertures ayant été utilisées par des malades de la variole».

Toujours d'après la page Wikipédia consacrée, hormis les pertes indiennes, 450 soldats et plus de 2000 civils furent tués.

Des incidents comme celui-ci se sont répétés par centaines voire par milliers durant les quatre siècles qu'a duré la conquête du continent américain par les Européens. Les populations natives prenaient les armes face aux colons qui voulaient s'approprier les terres où ils avaient toujours vécu de mémoire d'homme. Parce qu'ils rejetaient les autochtones hors du champ de l'humanité, les tenaient pour comparables à des nuisibles et des insectes, la brutalité des colons était sans limites. Les autorités colonisatrices avaient à leur égard la même estime et leur mentaient en permanence, signant des accords de paix et complotant à leur extinction. Mais surtout, elles étaient poussées à une lutte à mort contre la réduction de leur espace vital et la destruction de leurs conditions de vie. Une guerre qui ne distinguait pas les militaires des civils parce que leurs ennemis, plus nombreux et mieux armés, ne s'embarrassaient pas de faire la différence entre les guerriers, les femmes et les enfants. Au contraire.

Il n'y a pas de mauvais résistants. Il n'y a que des mauvaises causes. Un acte violent ne doit pas être jugé à l'aune de son caractère cruel et aveugle mais à celle de la légitimité du combat qui l'a motivé.

En outre, il s'agit aussi de rappeler des faits que les médias occidentaux taisent, et que  le quotidien israélien Haaretz, seule enclave modérée dans un océan d'extrémismes, repris par  The Guardian, rapporte : l'armée israélienne a mis en oeuvre la directive Hannibal pour l'étendre aux citoyens israéliens et a donc de ce fait et sans aucun doute contribué au bilan côté israélien.

Le fait que la plupart des juifs en Israël mais aussi dans le reste du monde adhèrent au sionisme et que ceux qui le combattent soient ultra-minoritaires ne rend pas pour autant cette idéologie acceptable. Cela assure juste à ses zélateurs le confort de pouvoir aisément taxer les non-juifs qui s'y opposent d'antisémites. La majorité des Allemands ont soutenu Hitler, au moins tant qu'il alignait les victoires. Idem dans l'Italie fasciste de Mussolini.

Or, la haine du nazisme et du fascisme est-elle fondée sur des bases ethniques ou repose-t-elle sur des motifs politiques ?

Il en va de même pour la chimère de la solution à deux états, élément de langage repris par le sionisme «de gauche» en Occident. Elle n'a jamais été réellement considérée par l'état israélien lui-même, ni par aucun de ses représentants, fut-ce les plus progressistes (en apparence seulement).

«La partition de la Palestine en deux États indépendants était un moyen d'assurer une justice relative pour les deux parties. Israël, cependant, ne s'est pas contenté des quatre cinquièmes de la Palestine. Il a continué à étendre ses colonies, c'est-à-dire à voler de plus en plus de terres aux Palestiniens. Par l'expansion de ses colonies, Israël a effectivement tué la solution à deux États. Ce qui reste de la Cisjordanie est un ensemble d'enclaves palestiniennes, entourées de colonies et de bases militaires israéliennes, qui ne peuvent former un État viable. En bref, la solution à deux États est morte ou, pour être plus précis, elle n'a jamais vu le jour». - in «Three Worlds : Memoirs of an Arab-Jew», Avi Shlaïm, 2023

S'il y a tant de points communs entre Israël et l'Allemagne nazie - comment ne pas comparer l'insouciance de ces jeunes, fauchés le 7 octobre 2023 sur le site du festival Nova, faisant la fête à quelques kilomètres de Gaza, à ces villageois qui vivaient aux abords des camps de concentration, indifférents à ce qui s'y déroulait ? - le génocide des Palestiniens n'a pas le caractère discret et retiré de la Solution Finale ni l'aspect explosif et soudain du génocide des Tutsi. Il est là, devant nous, quotidiennement qui s'étale depuis presque 2 ans. Ce n'est pas seulement cela l'horreur. Ce sont les discours des élites, ostensiblement favorables à la tuerie, qui l'encouragent, l'appellent de leurs vœux. Sans la moindre modération. Toutes les digues ont cédé. Ils déversent leur vomi dans le silence le plus absolu des autorités de régulations médiatiques. Pure pornographie.

Alors oui, Netanyahou préside aux mouches qui survolent les corps des dizaines de milliers de Palestiniens enfouis sous les décombres de Gaza mais aussi à celles qu'on entend voler dans les bureaux des décideurs. Tous ceux et toutes celles, sans exception, qui possèdent un pouvoir d'influence même modeste - politiques, journalistes, artistes, influenceurs, influenceuses - et qui sont resté(e)s silencieux, silencieuses, face aux crimes génocidaires israéliens devront être considéré(e)s comme complices devant l'histoire. Et quelle que soit la raison de ce silence, aucune n'aura la moindre validité. Il en va autant de tout pays qui aura continué de commercer avec l'état génocidaire israélien.

  1. Pour cette clause précise, j'ai privilégié  la nouvelle version internationale, la version française étant très édulcorée. En effet, celle-ci remplace «tu les détruiras complètement» par «tu dois [les] vouer à l'anathème».
  2. Expulsion of the Palestinians, Nur Masahla, chapitre 3, 1992
  3.  Interview de l'archevêque Desmond Tutu en 2012
  4.  Un accord douteux entre le mouvement sioniste et l'Allemagne nazie, Henry Laurens, Orient XXI, 25 février 2019.

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