Par Enas Wajeeh pour Quds News Network, le 8 septembre 2025
Par une chaude matinée d'août, près de l'hôpital Nasser, Imad Al-Shaer a quitté son domicile pour aller chercher le petit-déjeuner pour sa famille. Ses trois enfants attendaient dans leur petit appartement situé à côté de l'hôpital. Sa femme, Aida, préparait de la pâte à pain. Quelques minutes plus tard, des obus israéliens ont frappé.
Imad a donné à manger à son jeune fils et lui a dit qu'il devait y aller. "Je reviens", lui a-t-il dit. Mais au lieu de rentrer chez lui, il s'est précipité sur le lieu de l'explosion pour secourir d'autres personnes. Il n'était pas en service. Il était pompier de la Protection civile, mais à Gaza, le service ne s'arrête jamais. Lorsque la deuxième frappe a eu lieu, des éclats d'obus lui ont transpercé le cœur. Il est mort sur le coup.
Imad a laissé derrière lui sa femme Aida, trois enfants et une famille en deuil qui n'a même pas pu assister à ses funérailles à temps. Sous le blocus, c'est Aida elle-même qui a préparé son corps et l'a enterré.
Un mari, un père, un ami
Quand on lui demande de décrire son mari, la voix d'Aida se brise.
"Il me traitait comme sa fille, son amie, avant d'être un mari", dit-elle. "Il se privait de tout ce qu'il aimait pour nous l'offrir. C'était le meilleur des maris".
À la maison, il était tendre et chaleureux.
"S'il vexait quelqu'un, il se dépêchait de faire la paix", se souvient Aida. "Il ne supportait pas que quelqu'un soit en colère contre lui".
Ses voisins et ses amis se souviennent tous de cette qualité. Imad ne refusait jamais d'aider quelqu'un. Il portait des fardeaux qui n'étaient pas les siens.
À la maison, il trouvait toujours du temps, malgré la guerre et ses longues journées de travail.
"La plupart du temps, il sortait le matin pour aller chercher ce dont nous avions besoin pour la maison", raconte Aida. "Il allumait le feu, préparait le repas, puis nous nous asseyions ensemble pour boire le thé et discuter".
Le dernier matin
Les derniers mots qu'Aida a entendus de son mari étaient tout simples. "Bonjour, mon amour", lui a-t-il dit. "Que Dieu te donne la force". Elle était en train de préparer la pâte à pain lorsqu'il lui a parlé. Il est sorti pour le petit-déjeuner et n'est jamais revenu.
"Le soldat qui a tiré ce projectile sera mon ennemi le jour du Jugement dernier", a-t-elle déclaré en pleurant. "Que Dieu le punisse en lui infligeant une double souffrance".
Imad aimait son métier de pompier. Il a souvent dit à Aida qu'il ne pourrait jamais arrêter. "Il disait qu'il mourrait s'il devait quitter son travail", raconte-t-elle.
Mais ce métier lui pesait. Au début du génocide, il rentrait à la maison épuisé et brisé. Il a raconté un jour à Aida qu'il avait sorti des décombres un jeune garçon du même âge que son fils. Le garçon l'a supplié : "S'il te plaît, sors-moi de là, mon oncle". Mais l'enfant est mort dans ses bras d'une hémorragie interne.
"Cette scène l'a détruit", a déclaré Aida.
Lorsque son beau-frère Hamza a été tué, Imad ne pouvait plus regarder les corps mutilés sans imaginer le visage d'Hamza. Ses collègues devaient parfois lui faire quitter les lieux pour apaiser sa souffrance.
Pourtant, il est retourné travailler.
"Il voyait son travail comme une mission et un devoir envers son pays et son peuple", a ajouté Aida.
Témoin de sa mort
Aida se trouvait à quelques mètres seulement lorsque l'attaque a frappé près de l'hôpital Nasser.
"Je l'ai vu de mes propres yeux", a-t-elle déclaré. "Je ne me souviens même pas de ce que j'ai fait sous le choc. Chaque jour, je me souviens de quelque chose de nouveau. Que Dieu les maudisse. Ils m'ont volé la vie".
Pour elle, plus rien n'est sûr à Gaza.
"Nous sommes tous des cibles pour l'occupant. Même moi. Même mes enfants. Mon cher Imad n'est pas la première victime de la Protection civile. Beaucoup avant lui ont été tués".
La vie d'Aida s'est arrêtée le jour où son mari a été tué. "Je suis morte avec lui", dit-elle. "Imad était tout pour moi. Littéralement tout".
Elle a perdu la sécurité, le soutien et la paix.
"Avec lui, rien n'avait d'importance", dit-elle. "Ni la faim, ni la peur, ni la perte de notre maison. Il m'a demandé un jour si notre maison détruite ne me manquait pas trop. Je lui ai répondu : 'Tant que je t'ai, rien ne me manque".
Aujourd'hui, dit-elle, elle a perdu son âme.
"Avec lui, rien n'avait d'importance. Ni la faim, ni la peur, ni la perte de notre maison", raconte Aida, la femme d'Imad.
"C'est un génocide"
Pour Aida, rien ne peut justifier les attaques d'Israël contre les équipes de secours, les journalistes et les médecins. "C'est un génocide", affirme-t-elle avec fermeté. "Il n'y a pas d'autre mot".
Elle n'a aucun message à adresser au monde. "À quoi bon un message ? Cela me le ramènerait-il ?"
Mais elle souhaite que les gens se souviennent du nom de son mari.
"Souvenez-vous d'Imad, le pompier tombé au champ d'honneur alors qu'il servait son peuple, même en dehors de ses heures de service", dit-elle. "C'était un mari aimant, un père adorant ses enfants et un fils respectueux".
Imad parlait souvent de la mort. Après avoir été témoin de tant d'horreurs pendant des mois, il priait pour que son corps reste intact s'il venait à être tué. Il ne voulait pas être déchiqueté ou souffrir avant de mourir.
Sa prière a été exaucée. Un éclat d'obus est allé se ficher en plein cœur, le tuant sur le coup. Sa belle-sœur a fait remarquer à Aida :
"Dieu merci, tu as pu lui dire au revoir alors que son corps était encore intact. Je n'ai même pas pu dire adieu à mon mari. Il n'était plus qu'un tas de morceaux".
Quand on lui a demandé ce qu'elle a perdu à la mort d'Imad, Aida n'a répondu qu'une seule phrase : "J'ai perdu la vie".
Dans les ruines de Gaza, une famille porte le poids d'une absence insupportable. Imad Al-Shaer n'est plus, mais son histoire lui survivra. Un mari, un père, un sauveteur. Un homme qui a quitté son foyer pour sauver des vies et n'est jamais revenu.
Traduit par Spirit of Free Speech