14/09/2025 ismfrance.org  10min #290434

 Témoignages de Gazaouis : La survie qui s'organise au jour le jour dans l'enfer de Gaza

Témoignages de Gazaouis : La survie qui s'organise au jour le jour dans l'enfer de Gaza - partie 518 / 12-13.9 - L'action solidaire, une action vitale au coeur de la catastrophe

Brigitte Challande, 14 septembre 2025.- Compte rendu de l'atelier de soutien psychologique pour les femmes du Camp Al-Asdiqa'a et du travail humanitaire hebdomadaire - 12/13 septembre.

« Dans la ville de Gaza, qui saigne chaque jour sous le poids des bombardements intenses, les équipes de soutien psychologique de l'UJFP ont tenté, la semaine dernière, à plusieurs reprises, d'organiser un atelier de soutien pour les femmes qui y vivent. Mais les colonnes de fumée montant de chaque quartier, le bruit des explosions transperçant les âmes avant les murs, et les déplacements constants qui ont poussé des milliers de familles à chercher un abri sûr, ont empêché la tenue de l'atelier. Il était impossible de réunir les femmes en un seul endroit, car toute la terre tremblait sous l'impact des missiles, et les esprits s'éparpillaient entre l'exil ici et l'attente de la mort là-bas. Face à cette réalité douloureuse, il nous a fallu trouver une autre voie. Nous avons donc déplacé la séance à Deir al-Balah, où certains déplacés se sont installés dans le camp des Amis, et là, nous avons décidé de planter une graine d'espoir, même sur une terre épuisée par la misère.

Lorsque l'équipe est entrée dans la modeste salle du camp, la douleur se lisait sur les visages des femmes, et leurs yeux racontaient des histoires encore jamais dites. Ouvrir la séance sous le titre : Le sac d'urgence de la femme dans les camps, mais ce n'était pas seulement un sac rempli d'objets, c'était une tentative de remplir des cœurs vides de sérénité et de force.

Le premier exercice, Mon sac magique, invitait chaque femme à mentionner un objet dont elle ne pourrait se passer dans son sac quotidien. Les réponses variaient entre « la photo de mon fils », « mon petit Coran », ou « une bouteille d'eau », mais toutes convergeaient vers un besoin vital : la sécurité.

La vie dans les tentes des camps de déplacés ressemble à une attente constante d'une catastrophe imminente. L'eau est rare, la nourriture limitée, et les bruits des explosions venant rappellent à chacun que le drame n'est pas terminé. Les femmes, en particulier, subissent une souffrance complexe : elles ont quitté leurs maisons, dorment à même le sol avec leurs enfants, et portent sur leurs épaules la peur pour leurs familles. Dans ces conditions, l'idée de cette séance a vu le jour comme un cri : « Même au cœur du chaos, nous pouvons nous préparer et tenir bon. »

Lors de l'activité : Carte de sécurité, les femmes se sont assises en cercle, et chacune a partagé les trois éléments qu'elle juge essentiels dans un sac d'urgence. Certaines ont mentionné l'eau et la nourriture, d'autres les médicaments ou les papiers d'identité. Les priorités variaient, mais elles se rejoignaient toutes sur un point : le sac est plus qu'un outil, c'est une bouée de sauvetage.

Puis vint : La boîte de la sérénité, une activité qui a ouvert un espace de réflexion collective. Réparties en petits groupes, les femmes discutaient : « Que faire si l'eau venait à manquer soudainement ? Que faire si nous devions quitter la tente en pleine nuit ? ». Elles ont échangé des idées et proposé des solutions simples : une petite bouteille d'eau dans chaque sac, un sac plastique pour protéger les papiers de l'humidité, une lampe de poche en cas de coupure de courant. On aurait dit qu'elles inventaient un avenir nouveau avec des moyens modestes et un immense courage.

Voix de femmes : récits d'exil et larmes contenues

Parmi les participantes, une mère d'une vingtaine d'années, les yeux embués, a raconté son histoire :
« Une nuit, une roquette est tombée près de notre maison. Nous n'avons eu d'autre choix que de courir. Je n'ai rien emporté, je suis sortie en portant seulement mon bébé. Lorsqu'il a demandé du lait au milieu de la nuit, je me suis sentie comme une mère indigne : je n'avais même pas une petite bouteille pour lui. Ce n'est qu'aujourd'hui que je comprends combien un sac prêt aurait pu changer les choses. »

Une femme d'une cinquantaine d'années, alourdie par l'expérience, a pris la parole :
« Mon mari est diabétique. À chaque déplacement forcé, j'emporte des couvertures, mais j'oublie les médicaments. Je l'ai presque perdu plusieurs fois. Aujourd'hui, j'ai appris que les médicaments, c'est la vie, pas les vêtements. »
Un rappel que les priorités peuvent signifier la survie.

Une jeune fille a partagé le récit d'une vieille femme ayant perdu tous ses papiers d'identité lors de l'exode :
« Je l'ai vue pleurer avec désespoir, non pas pour sa maison ou ses affaires, mais pour son identité disparue. Elle n'avait plus rien pour prouver son existence. Alors j'ai compris que le sac d'urgence est aussi le sac de l'identité. »
L'importance de placer les documents officiels au sommet du contenu du sac.

L'objectif n'était pas seulement de préparer un sac, mais aussi de contenir la douleur et la panique qui habitent les femmes. « Tu es forte, tu es toujours là malgré tout. » Comme si elle lui offrait un nouveau certificat de vie.

En clôture, chaque femme a écrit une lettre à elle-même sous le titre : Lettre d'espoir. L'une a écrit : « Je resterai forte pour mes enfants, et cette fois je serai prête. » « Je ne me trahirai plus, mon sac sera prêt. » Des promesses personnelles de vie.

L'espoir malgré tout

L' impact de la séance est resté gravé sur les visages des femmes. Les femmes sont sorties de la séance avec plus qu'un sac : un sac rempli d'objets essentiels, et un autre rempli d'espoir.
Au final, une vérité s'impose : « La préparation est la clé de la sécurité, et la sécurité est la base de la résilience. » Tandis que les bombardements continuent sur Gaza, une petite lumière brille à Deir al-Balah, au fond d'une tente, où des femmes ont appris qu'elles sont, malgré tout, capables de vivre. »

Photos et vidéos  ICI.

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« Sans relâche, continuer à distribuer des repas

À Gaza, une tragédie humaine qui dépasse les limites du supportable se dévoile chaque jour. La crise économique qui ravage la bande n'a laissé aucune place à la stabilité : les prix se sont envolés de façon vertigineuse, au point que les denrées alimentaires de base sont devenues un rêve inaccessible. Les sources de revenus, elles, se sont taries pour la plupart des familles après un déplacement forcé qui a épuisé des ressources déjà dérisoires. Le simple morceau de pain est devenu une victoire, une assiette de lentilles un trésor, et beaucoup s'endorment le ventre vide, sans goûter à une nourriture digne des êtres humains.

La scène du déplacement est l'une des plus douloureuses pour la conscience. Des centaines de milliers ont été contraints de quitter leurs maisons et leurs abris à Gaza-ville, fuyant sous les bombardements et l'insécurité. Ils ont emporté le peu qu'ils pouvaient et se sont réfugiés vers le centre et le sud de la bande. Là, ils n'ont trouvé que des camps surpeuplés conçus pour accueillir un nombre limité de personnes, mais qui se remplissent chaque jour de milliers de nouveaux arrivants. Les tentes s'alignent, serrées les unes contre les autres, comme des cœurs épuisés en quête de chaleur. Les voix des enfants dominent la foule : certains réclament de l'eau, d'autres cherchent un morceau de pain, d'autres encore gémissent de maladie. Ces camps ne sont plus de simples abris temporaires, mais des foyers d'une misère insoutenable, où les habitants n'ont plus d'autre choix que d'attendre une aide providentielle.

Dans ces camps, la crise sanitaire et humanitaire s'aggrave de façon alarmante. Les besoins en nourriture et en eau potable atteignent des proportions catastrophiques. Les réservoirs sont à sec, les puits insuffisants, et l'eau propre est devenue une denrée rare. Quant à la nourriture, les rations distribuées par l'aide humanitaire ne suivent pas le rythme des arrivées massives. Des dizaines de milliers de familles déplacées passent leurs nuits affamées et consacrent leurs journées à une quête acharnée pour un simple repas. Les files interminables témoignent de cette détresse : des femmes, portant leurs enfants dans les bras, attendent leur tour pour recevoir un peu de nourriture. Ces images sont une tragédie humaine sans précédent au XXIe siècle.

Pourtant, au milieu de cette obscurité dense, quelques initiatives humanitaires représentent des lueurs d'espoir. Les équipes de l'UJFP poursuivent sans relâche leur mission, offrant des repas chauds aux agriculteurs déplacés et aux familles nouvellement réfugiées dans les camps. Ces repas, bien que modestes, constituent une base essentielle pour renforcer la résilience des habitants et soutenir leur survie. Imaginez une famille épuisée n'ayant pas mangé de repas cuisiné depuis des jours, et recevant soudain une assiette chaude qui réchauffe les corps et ranime les âmes.

L'importance de ces repas dépasse la simple nutrition. Ils offrent aux gens un soutien psychologique et moral pour continuer à tenir. Car celui qui a faim ne peut penser, ne peut résister ni au froid ni à la maladie. Mais lorsqu'il reçoit un repas chaud, il se sent vu, épaulé, reconnu dans sa dignité. En temps de déplacement et de famine, chaque bouchée devient un acte de résistance, et une simple table dressée dans une tente se transforme en symbole d'espoir. Le plus beau reste de voir les enfants sourire en découvrant la nourriture devant eux, redonnant ainsi aux adultes un peu de force pour affronter un nouveau jour.

Les camps du centre et du sud de la bande, malgré leur surpopulation extrême, s'efforcent d'être des espaces de résilience. Mais la pression démographique menace tout équilibre. Les infrastructures médicales sont quasi effondrées, les routes bondées de déplacés, et les services de base quasiment absents. Chaque tente est trop petite pour ses occupants, chaque recoin déborde de besoins insatisfaits. Pourtant, les habitants s'accrochent à la vie : ils se rassemblent autour d'un feu pour se réchauffer ou cuisiner le peu qui reste.

La situation humanitaire à Gaza n'est pas seulement une crise alimentaire ou de logement, mais un véritable test pour l'humanité entière. Les habitants crient d'une seule voix : nous sommes des êtres humains, nous méritons de vivre. Chaque repas distribué par les équipes de l'UJFP signifie qu'une famille ne s'endormira pas affamée, qu'une mère pleurera de joie plutôt que de douleur, et qu'un enfant s'endormira le ventre plein.

Ces initiatives prouvent que l'action humanitaire n'est pas un luxe, mais une artère vitale au cœur de la catastrophe. À chaque repas servi, renaît l'espoir que demain pourrait être meilleur. Certes, ces repas ne reconstruiront pas les maisons détruites, ni ne compenseront les pertes immenses, mais ils sèment une graine de résilience dans les cœurs des déplacés.

Au bout du compte, Gaza écrit aujourd'hui, avec ses larmes, sa faim et ses récits d'exode, une page dure de l'histoire humaine. Mais elle en écrit une autre aussi : celle de la solidarité, des repas chauds devenus une arme contre la faim, et de la volonté de survivre qui ne se brise pas. Ses habitants tiennent bon malgré la douleur, espèrent malgré l'oppression, et continuent à vivre malgré tout ce qu'ils ont perdu. Gaza est aujourd'hui le miroir de la dignité humaine face aux épreuves les plus dures, et un cri lancé au monde : sauvez l'homme avant que la tragédie n'engloutisse tout. »

Photos et vidéos  ICI.



Retrouvez l'ensemble des témoignages d'Abu Amir et Marsel :

*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l'Union Juive Française pour la Paix.

*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l'enfance.

Tous les deux sont soutenus par l'UJFP en France.

Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » :  HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur  UJFP,  Altermidi et sur  Le Poing.

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