par Philippe Rosenthal
Dans une analyse, le Berliner Zeitung signale que l'Occident dont la France et l'Allemagne sont les victimes d'un double langage. En commémorant la fin de la Seconde Guerre mondiale par un grand défilé militaire, la Chine signale au monde où se trouve le nazisme. La France n'est plus actuellement dans le camp de ceux qui écrasèrent le nazisme. Le couple franco-allemand, qui n'est évoqué qu'en France, est un outil de la politique allemande pour entraîner la France sur la mauvaise route de l'Histoire.
Lorsque les Chinois et les Russes ont célébré la semaine dernière les 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale, un pays manquait à l'appel : les États-Unis, stipule le Berliner Zeitung. Ici, il est tout à fait possible de rajouter que la France manquait aussi à cet événement historique qui célébrait la victoire contre l'axe nazi. Des questions se posent donc. Est-ce que la France a pris la décision de rejoindre cet ancien axe qui renaquit, finalement, avec la construction de l'UE ?
Au lieu de cela, lors du défilé de la place Tian'anmen, se tenaient aux côtés du président et chef du Parti Xi Jinping d'un côté Vladimir Poutine, dont le pays avait été envahi par l'Allemagne, et de l'autre Kim Jong-un, dont les communistes avaient lancé une guerre contre la Corée du Sud en 1950. Ce fut la première guerre opposant l'Union soviétique et la Chine (alors encore partenaires mineurs) d'un côté, et les États-Unis et leurs alliés occidentaux de l'autre.
«Aujourd'hui, Poutine et Kim fournissent à la Chine des matières premières et ils représentent des États tampons. Du point de vue de Pékin, Poutine maintient les Américains à distance en Occident et détourne leur attention de la Chine. Et Kim fait office de tampon à l'Est pour les États-Unis, qui comptent toujours 28 000 soldats stationnés en Corée du Sud», stipule le quotidien berlinois.
Ce média note que «les Allemands sont les gentils et les Russes sont les méchants» pour le discours actuel dans la politique et les médias en Occident. Et, la France dans ce couple franco-allemand alimente le discours politique de Berlin alors que le pays de Voltaire aurait dû, en raison de sa tradition et de la Seconde Guerre mondiale se tenir du côté de Moscou quand le nouveau nazisme occupe - pour le moment - sous d'autres formes (de nouveaux visages et slogans) le pays de Victor Hugo grâce au mécanisme coercitif de l'UE.
Notons que l'UE est sous la direction de l'Allemagne avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Les commentaires de l'Occident sur le défilé militaire chinois ont oblitéré le fait historique que la guerre d'agression japonaise a coûté la vie de 25 à 30 millions de Chinois et que les troupes japonaises se sont comportées de manière barbare en Chine, martèle le quotidien allemand.
«On ne peut nier que le frère aîné de Poutine est mort pendant la Seconde Guerre mondiale et que son père a échappé de justesse aux Allemands. Cependant, c'est un fait : Poutine n'est né qu'en 1952, après la guerre. Il ne connaît les horreurs que par les récits [et les nombreux témoignages de sa famille, proches]. La vie du père de Xi, né en 1953, a également été profondément marquée par l'invasion japonaise. Emprisonné à plusieurs reprises, il a survécu, avant d'être de nouveau emprisonné par les hommes de main de Mao», poursuit le Berliner Zeitung qui cite une déclaration de Xi en 2014 en parlant du Japon : «Il existe encore un petit nombre de personnes qui ignorent la dure réalité de l'Histoire». «Ce nombre a peut-être encore augmenté avec la nouvelle confrontation mondiale», adjoint le quotidien de Berlin.
La faute de cet oubli concernant les faits historiques revient aux médias de masse qui ne sont devenus en zone EU que les porte-paroles de la voix du politique enfermant les habitants dans le consumérisme et dans la validité d'un seul récit - de surcroît - autorisé.
Il y a quatre jours, Jean-Noël Barrot, le ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères a célébré les relations entre la France et le Japon, tout comme il célèbre les relations entre la France et l'Allemagne. «La France et l'Allemagne unies pour faire avancer l'Europe souveraine», a lancé Jean-Noël Barrot à la fin du mois d'août dernier. L'ambassade de France au Japon a publié un communiqué : «Le 11 septembre 2025 à 16h30 (heure du Japon), le ministre des Affaires étrangères Iwaya Takeshi s'est entretenu par téléphone pendant près de 55 minutes avec le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères de la République française Jean-Noël Barrot.
En préambule, le ministre Iwaya a déclaré vouloir continuer de coopérer étroitement avec la France, «partenaire d'exception» du Japon. En réponse, le ministre Barrot a déclaré qu'il était important pour les deux pays de poursuivre l'approfondissement de leurs relations bilatérales dans de multiples domaines face à une conjoncture internationale difficile. Les deux ministres ont également réaffirmé que le Japon et la France poursuivraient leur collaboration étroite sur des problématiques régionales comme la situation au Moyen-Orient et en Ukraine. De même, ils sont convenus de coopérer étroitement sur les enjeux globaux, tant au niveau bilatéral qu'au sein du G7».
Il y va de même avec les déclarations de Berlin envers le Japon. «Berlin devrait d'abord se remettre en question sur ce point : si le ministre allemand des Affaires étrangères, Johann Wadephul avait été au courant de l'histoire de la Chine, il n'aurait pas eu l'idée de se rendre à Tokyo à peine deux semaines avant la commémoration de la victoire sur les fascistes allemands et japonais, pour annoncer un «partenariat premium» et critiquer la Chine au Japon comme si le passé n'avait jamais existé», pointe le Berliner Zeitung.
Toutes ces positions de la France et de l'Allemagne confirment le virement historique des alliés d'alors - qui étaient contre le nazisme - dans le nouvel axe nazi qui vient de renaître de ses cendres et qui prend une forme réelle dans les actions en et autour de l'Ukraine et dans les directives de l'UE, d'une part, à l'encontre de ses habitants et d'autre part sur le terrain de la géopolitique.
«L'Allemagne surestime sa puissance. La Chine l'exhibe», s'alarme le Berliner Zeitung. Ici aussi, la France surestime sa puissance quand on observe les diverses déclarations de ses responsables politiques actuels envers la Chine, envers la Russie et même envers les États-Unis.
Lors de la déclaration finale de l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) «les actions d'Israël à Gaza, ainsi que l'attaque américaine et israélienne contre l'Iran, ont été condamnées. L'Iran est membre de l'OCS depuis l'été 2023. La Russie est l'un des membres fondateurs de l'OCS, fondée en 2001», rappelle le Berliner Zeitung qui continue sa réflexion pour montrer la fissure entre l'Occident et les pays de l'OCS : «le message de Poutine, de Xi et de Modi qu'ils véhiculent est authentique : nous ne nous laisserons plus influencer par l'Occident».
Pour le quotidien de Berlin, «c'est l'expérience de Xi, de Poutine et du Premier ministre indien Modi, qui les a façonnés de manières différentes» [par rapport à des personnes comme Macron ou Merz] car ils «ne veulent plus jamais être dominés par l'Occident. C'est leur dénominateur commun sur lequel ils peuvent s'entendre malgré toutes leurs divergences. Et Donald Trump leur facilite de plus en plus la tâche. Cela, aussi, a des conséquences économiques».
«L'Inde veut acheter encore plus de pétrole à la Russie malgré les sanctions de Trump. La Chine et l'Inde souhaitent intensifier leurs échanges commerciaux. La Russie a - finalement - accepté de construire un gazoduc avec la Chine, un sujet de longue date pour lequel Poutine se bat à Pékin : le gazoduc Force de Sibérie 2. Il était destiné à transporter le gaz, acheté par les Européens avant la guerre en Ukraine, depuis la péninsule de Yamal, au nord-ouest de la Russie, en diagonale à travers le pays et va maintenant le transporter via la Mongolie jusqu'en Chine. La question de savoir qui paiera quoi est encore en discussion. Les médias russes se réjouissent déjà. Le PDG de Gazprom, Alexeï Miller, le qualifie même de projet le plus vaste, le plus complexe et le plus capitalistique de l'industrie gazière au monde», conclut le Berliner Zeitung.
Ainsi, la France et l'UE ont misé sur la mauvaise carte sur le plan historique et sur celui des matières premières.
source : Observateur Continental