16/09/2025 ssofidelis.substack.com  6min #290638

L'Union européenne au bord de la crise de nerfs

Illustration © SCF

Par Owei LAKEMFA, le 15 septembre 2025

Le président américain Donald Trump a invité le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche le lundi 18 août 2025. L'objectif était d'informer ce dernier des conclusions de sa rencontre avec le président russe Vladimir Poutine, trois jours plus tôt. Trump avait déjà informé Zelensky par téléphone, et estimait qu'une réunion était nécessaire pour finaliser un éventuel sommet trilatéral avec Poutine.

Mais plutôt que de se présenter seul, Zelensky était accompagné d'une brochette de dirigeants européens très tendus. Étaient notamment présents les dirigeants de la Grande-Bretagne, de la France, de l'Italie, de l'Allemagne et de la Finlande. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Mark Rutte, secrétaire général de l'OTAN, faisaient également partie de l'escorte. Comme le dit l'adage : "Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus". En l'occurrence, peu sont appelés, mais beaucoup ont choisi de s'inviter.

Lorsque Trump a invité chacun d'entre eux à faire quelques remarques, la scène rappelait celle d'un directeur d'école convoquant ses élèves. De toute évidence, les dirigeants européens étaient nerveux. Les raisons de cette nervosité sont faciles à comprendre. Tout d'abord, la rencontre entre Trump et Poutine s'est apparemment bien déroulée, et les images ont montré deux présidents souriants, comme de vieux amis désireux d'évoquer leurs éventuelles divergences, et assurant au monde entier que tout allait bien entre eux. Cela a évidemment déçu les Européens, qui s'attendaient à ce que Trump fasse pression sur Poutine pour obtenir un cessez-le-feu immédiat, voire un engagement à se retirer de tous les territoires conquis ou perdus en Ukraine.

De plus, l'accueil particulièrement chaleureux réservé à Poutine, avec le tapis rouge et les poignées de main appuyées de Trump, a balayé les efforts des dirigeants européens pour qualifier Poutine de criminel de guerre et la Russie un pays ostracisé.

De même, la décision de l'équipe américaine de discuter de l'avenir de certains territoires ukrainiens avec la Russie a été un coup dur pour les Européens. Ils ont poussé l'Ukraine à entrer en guerre et ont joué les mentors, lui assurant qu'elle pourrait vaincre militairement la Russie. Ils ont contraint certains pays membres, comme l'Allemagne et la Hongrie, à soutenir l'Ukraine dans sa guerre contre la Russie. Certains pays européens sont même allés jusqu'à saboter, le 26 septembre 2022, les gazoducs Nord Stream qui fournissaient du gaz russe bon marché à l'Allemagne. Leur objectif en commettant cet acte terroriste était de s'assurer que l'Allemagne n'ait aucune raison de ne pas soutenir la guerre contre la Russie.

Les dirigeants européens n'ont pas non plus apprécié le consensus entre les États-Unis et la Russie selon lequel les négociations sur la fin de la guerre russo-ukrainienne doivent prendre en considération les causes profondes du conflit. La propagande qu'ils ont vendue aux crédules consistait à faire croire que la Russie s'était réveillée un beau matin avec l'envie subite d'envahir l'Ukraine. Ce récit simpliste a occulté l'existence de deux coups d'État menés par la partie pro-occidentale de l'Ukraine qui n'avait pas réussi à s'imposer aux urnes, et la répression sanglante des populations des régions russophones qui ont dénoncé ces coups d'État et exigé le respect des processus démocratiques.

L'affirmation selon laquelle "la Russie a envahi l'Ukraine" occulte également le fait que la Russie a tout fait pour empêcher la guerre, en plaidant pour la paix et en signant deux accords de paix, Minsk I et II, que les autorités ukrainiennes ont refusé de mettre en œuvre.

Autre sujet d'inquiétude pour les Européens, l'accord entre Poutine et Trump prévoyant que l'Ukraine et la Russie engagent directement des négociations pour mettre fin à la guerre. Une orientation aux antipodes des objectifs des dirigeants européens, qui soutenaient un simple cessez-le-feu. Selon eux, les négociations risqueraient de prendre beaucoup de temps. D'où sort cette fable ? Négocier un cessez-le-feu avec des frontières convenues requiert autant de temps que conclure un accord de paix sur les mêmes bases.

De plus, Poutine est sorti de la réunion avec Trump l'air confiant, lançant à ce dernier, en guise d'au revoir : "La prochaine fois, on se voit à Moscou". Autrement dit, l'équipe américaine est invitée en Russie pour poursuivre les négociations.

La stratégie privilégiée par les dirigeants européens consiste à prolonger la guerre, à approvisionner l'Ukraine en armes supplémentaires et à imposer de nouvelles sanctions à la Russie. L'entente entre Trump et Poutine compromet cette stratégie.

Les dirigeants européens se sont précipités à Washington lorsque Trump a invité Zelensky, espérant faire pression, individuellement et collectivement, sur le gouvernement américain pour qu'il revienne sur son accord avec la Russie.

Ils ne semblent pas vraiment croire Zelensky capable de tenir tête à Trump, qui l'a publiquement mis en difficulté lors de leur rencontre du 28 février 2025. Ils l'ont donc accompagné à la réunion, sans doute pour exhiber leur soutien.

Mais les dirigeants européens, surnommés "la Dream Team", n'ont pas l'air emballés par les négociations de paix proposées. Le lendemain, ils ont convoqué une réunion avec leurs alliés. Au lieu de discuter de la manière de contribuer aux négociations de paix, ils se sont concentrés sur le déploiement d'une "force de sécurité" dans la région et sur les mesures à prendre en cas d'échec ou de non-application de l'accord. Ils ont évoqué la garantie de sécurité pour l'Ukraine après l'accord de paix, qui nécessiterait la présence de troupes sur le terrain. Mais Trump a fait savoir que les États-Unis ne cautionneraient pas une telle initiative.

On a également proposé d'accorder à l'Ukraine la protection de l'article 5 de l'OTAN, qui stipule qu'une attaque contre ce pays serait automatiquement considérée comme une attaque contre tous les membres de l'OTAN, qui seraient alors tenus de s'engager dans un tel conflit. Autrement dit, le monde basculerait dans un conflit mondial. C'est précisément ce que Trump veut éviter.

Mais cette proposition est surtout un moyen détourné d'admettre l'Ukraine dans l'OTAN. En effet, le secrétaire général de l'OTAN, Rutte, a déclaré en conférence de presse à Washington :

"La situation est la suivante : les États-Unis et certains autres pays se sont opposés à l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN. Toutefois, l'OTAN soutient officiellement le principe d'une adhésion de l'Ukraine".

On avance également quelques prétextes pour expliquer pourquoi l'Ukraine ne peut appliquer les accords conclus, notamment lorsqu'ils impliquent la perte de territoires. Selon la constitution ukrainienne, Zelensky ne pourrait donc pas céder de territoires. Quel argument risible ! Il est pourtant évident que les accords susceptibles d'affecter la constitution de l'Ukraine ou de la Russie doivent être soumis à leurs parlements pour ratification. D'ailleurs, l'establishment ukrainien n'a-t-il pas déjà violé la Constitution lorsqu'il a renversé le président élu Viktor Ianoukovitch, le 25 février 2014 ? Cet acte antidémocratique a déclenché une guerre civile en Ukraine, puis une guerre avec la Russie. En refusant de quitter ses fonctions à l'expiration de son mandat de cinq ans, en avril 2024, et en appelant à de nouvelles élections, Zelensky ne commet-il pas, selon la Constitution ukrainienne, un acte de trahison ? Les dirigeants européens feraient mieux d'œuvrer sans attendre pour la paix.

Traduit par  Spirit of Free Speech

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