Al Quds
Des médecins opèrent un patient au complexe médical Nasser à Khan Yunis (AFP)
Au cours de sa guerre génocidaire de 22 mois dans la bande de Gaza, l'armée d'occupation israélienne a fait du personnel médical une cible directe, aggravant la crise humanitaire et aggravant l'effondrement du système de santé.
Les meurtres et les blessures de personnel médical surviennent alors qu'Israël intensifie son ciblage systématique des hôpitaux, des centres médicaux et des établissements de santé. Cette politique, selon le Directeur général du Ministère de la Santé de Gaza, Munir al-BARSH, vise à « démanteler le système de santé et à faire de la maladie et de la mort une réalité quotidienne ».
Il qualifie, dans un message posté samedi [21 août] sur Telegram, les assassinats et arrestations de Personnels de Santé de « génocide sanitaire direct » auquel est confronté le Secteur de la Santé à Gaza.
Ce ciblage direct a entraîné une pénurie de personnel médical, comme l'ont confirmé, à plusieurs reprises, le Ministère de la Santé et les rapports d'ONG internationales de défense des Droits Humains ; entravant les soins nécessaires aux patients et aux blessés, notamment de soins médicaux spécialisés. Cette situation s'ajoute à la grave pénurie de médicaments et de fournitures médicales, ce qui entrave la réponse adéquate et immédiate aux cas les plus graves, entraînant la mort d'un certain nombre de personnes.
Ciblage du personnel médical
Au cours des 22 mois de génocide, le personnel médical de la bande de Gaza a été directement pris pour cible : meurtres, arrestations ou blessures, ce qui constitue un « crime de guerre et une violation flagrante du droit international humanitaire ».
Selon le Directeur du Bureau d'information du gouvernement, M. Ismail THAWABTAH ; qui a déclaré que le nombre de « personnels médicaux martyrs à Gaza depuis le 7 octobre 2023 s'élevait à environ 1581 ».
Il a énuméré les victimes comme suit :
- 157 médecins ;
- 366 infirmier.es ;
- 103 pharmacien.nes ;
- 254 assistant.es médicaux/médicales ;
- 611 personnels administratifs et autres professionnels de Santé (kinésithérapeutes, prothésistes, etc.)
- Les 90 restants, sont des employé.es de différents Centres de soins.
Quant au nombre de Personnels otages, M. THAWABTAH a déclaré que 362 personnels médicaux ont été kidnappés depuis le début du génocide, dont :
- 88 médecins ;
- 132 infirmier.es ;
- 72 des assistant.es médicaux/médicales
- 47 personnels administratifs du Secteur de la Santé
- Les 23 Personnels restants travaillaient dans le secteur pharmaceutique et d'autres spécialités médicales et paramédicales
M. THAWABTAH a souligné que : « cibler le personnel médical prive les civils de leur droit aux soins et aux services de santé, garanti par les Conventions de Genève, et aggrave la catastrophe humanitaire ».
Eminents Médecins assassinés
Dr. Adnan al-BARSH : Consultant et Chef du Service d'orthopédie du Complexe médical al-Shifa à Gaza, tué dans les prisons israéliennes quelques mois après son arrestation alors qu'il travaillait à l'Hôpital al-Awdah, dans le nord de la bande de Gaza. Il a été arrêté en décembre 2023 et le Club des prisonniers et otages palestiniens a annoncé sa mort dans les prisons israéliennes en mai 2024.
Dr. Muhammad Nimr QAZ'AT : Consultant en chirurgie pédiatrique et générale, tué avec son fils, Youssef, Dentiste, lors d'une frappe aérienne israélienne sur la ville de Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, le 12 mai 2024. Il avait étudié en Égypte et en Grande-Bretagne et est considéré comme l'un des fondateurs du Service de chirurgie pédiatrique du Complexe médical al-Shifa, où il a occupé plusieurs postes, dont celui de Chef du Service.
Dr. Iyad al-RANTISSI : Gynécologue, tué sous la torture le 17 novembre 2024, une semaine après son arrestation lors du raid contre l'Hôpital Kamal Adwan, dans le nord de la bande de Gaza. Il était auparavant Chef du Service obstétrique de l'Hôpital Kamal Adwan à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza.
Dr. Omar FARWANAT : Gynécologue. Il a été tué avec sa femme, ses enfants et ses petits-enfants lors d'une frappe aérienne contre son domicile dans le quartier de Tal al-Hawa, au sud-ouest de la ville de Gaza, le 15 octobre 2024. Il était, au début, professeur-assistant à la Faculté de médecine de l'Université islamique de Gaza, puis Doyen de la même Faculté.
Dr. Raafat LABAD : Directeur de l'Hôpital de médecine interne du Complexe Shifa, tué dans une frappe aérienne israélienne le 18 novembre 2024. Il avait auparavant été Directeur de l'Hôpital Sheikh Hamad pour la réinsertion et les prothèses à Gaza et était responsable de la formation des médecins à l'hôpital indonésien.

Eminents Médecins otages
Dr. Hussam ABU SAFIA : Directeur de l'Hôpital Kamal Adwan, dans le nord de la bande de Gaza. Il a été arrêté le 27 décembre 2024 par l'armée d'occupation israélienne, après avoir pris d'assaut l'hôpital et l'a forcé à partir sous la menace des armes, détruisant une grande partie de l'hôpital et le mettant hors service.
Le 24 novembre de la même année, il avait été blessé lors d'un bombardement visant son hôpital. Cependant, il a refusé de partir et a continué à soigner les patients et les blessés.
Il avait perdu son fils lors de l'assaut de l'hôpital le 26 octobre 2024.
En février dernier [2025], les autorités israéliennes ont transformé le statut du Dr. ABU SAFIA en détention en tant que « combattant illégal » [voir note en bas de page].
Ses avocats ont confirmé par la suite qu'il avait été soumis aux tortures et mauvais traitements, ainsi qu'à la négligence médicale.
Le Ministère de la Santé de Gaza a, de son côté déclaré, en juillet dernier [2025], que le Dr. ABU SAFIA était dans un état de santé critique en raison des violences « brutales » qu'il avait subi dans les centres de détention israéliens, et qu'on lui refusait tout traitement médical.
Dr. Marwan al-HAMS, Directeur de l'hôpital Abu Yousef al-Najjar et des hôpitaux de campagne dans la bande de Gaza, a été kidnappé par une unité « spéciale » israélienne le 21 juillet [2025] alors qu'il effectuait une mission médicale à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
Le Ministère de la Santé a indiqué que le Dr. al-HAMS, qui était son porte-parole, avait été blessé au pied lors de son arrestation, mais aucune information n'a été fournie sur son lieu de détention ni sur son état de santé.
Infrastructures ciblées
Selon les données publiées par le Directeur général du Ministère de la Santé de Gaza, Munir al-BARSH le 12 août, seuls 15 hôpitaux sur 38 sont encore opérationnels dans la bande de Gaza, dont quatre Hôpitaux Centraux.
Par ailleurs, le Bureau d'information du gouvernement a indiqué dans ses dernières statistiques, fin mai [2025], que :
- 38 hôpitaux de la bande de Gaza ont été bombardés, détruits ou mis hors service au cours des 22 mois du génocide ;
- Environ 82 centres médicaux ;
- 164 Centres de soins ont été bombardés, détruits ou mis hors service.
Dans ce contexte, le rapport gouvernemental indique que depuis le 7 octobre 2023, Israël a ciblé environ :
- 144 ambulances dans différentes zones de la bande de Gaza ;
- 54 véhicules de la Défense civile, dont des véhicules de secours.
En raison de ce ciblage délibéré des infrastructures du Secteur de Santé, le taux d'occupation des rares hôpitaux en activité a atteint 300 %, selon les confirmations du Ministère de la Santé à Gaza, le mercredi dernier [20 août].

La situation sanitaire
La catastrophe à laquelle est confronté le Secteur de la Santé à Gaza, déjà impacte brutalement les patients et les blessés.
Le Ministère de la Santé a averti, à maintes reprises, que des patients décèdent faute de médicaments et de fournitures médicales.
M. Munir al-BARSH a rapporté que :
- 18 000 blessés ont besoin de rééducation ;
- 4 800 amputations ont été enregistrées parmi le nombre total de blessés, dont 718 enfants.
Le Bureau d'information du gouvernement a, de son côté, indiqué que :
- 22 000 patients à Gaza ont besoin de soins à l'étranger et sont empêchés de voyager par Israël ;
- 12 500 patients atteints de cancer risquent de mourir faute de traitement ;
- 350 000 personnes atteintes de maladies chroniques souffrent en raison de l'interdiction d'importer les médicaments et les équipements médicaux nécessaires.
La pression sur le système de santé s'accroît en raison de la propagation des maladies causée par les déplacements.
Le gouvernement a recensé :
- 2 136 000 personnes infectées par des maladies infectieuses (non précisées) ;
- 71 338 personnes atteintes d'hépatite.
La politique israélienne de famine a également exercé une pression croissante sur le système de santé, dans un contexte de forte augmentation de la malnutrition.
Le gouvernement a déclaré la semaine dernière [3e semaine d'août] que :
1,2 million d'enfants souffraient d'une « grave insécurité alimentaire », en raison de famine et de manque de compléments alimentaires.
Note :
Le terme « combattant illégal », « combattant ennemi » ou encore « combattant ennemi illégal » (unlawful combatant), dans le USA PATRIOT Act, est le terme utilisé par le gouvernement des États-Unis sous la présidence de George W. Bush pour qualifier les prisonniers capturés dans le cadre de la « Guerre contre le terrorisme » et enfermés à Guantanamo, ou dans d'autres centres de détention clandestins de la CIA ou du Pentagone, notamment en Afghanistan et en Irak
Depuis 2002, le terme désigne dans le droit israélien, les personnes considérées comme telles. Il permet leur détention dite « administrative » pendant des périodes renouvelables de six mois... Sans fin. En fait, elles sont considérées comme des « terroristes ».
Source : alquds.co.uk