
Par Scott Ritter, le 24 septembre 2025
C'est par une publication stupéfiante sur les réseaux sociaux que le président Donald Trump a mis fin à toute prétention d'être considéré comme un médiateur de paix entre la Russie et l'Ukraine. Au cours de sa campagne pour l'élection présidentielle de 2024, il a maintes fois affirmé que son objectif était de mettre fin au conflit "dans les 24 heures" suivant son investiture. Bien que ce délai se soit avéré difficile à tenir, il s'est dit déterminé à instaurer une paix durable, même s'il n'a pas été en mesure de définir de stratégie pour y parvenir.
Depuis le début de sa présidence, il a été mal conseillé par une équipe de responsables de la sécurité nationale et étrangère, pour la plupart russophobes invétérés. De son secrétaire d'État, Marco Rubio, à son conseiller à la sécurité nationale (Mike Waltz, puis Marco Rubio, qui cumule les deux fonctions, façon Henry Kissinger), en passant par son secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, son directeur de la CIA, John Ratcliffe, et son secrétaire au Trésor, Scott Bessent, Trump s'est entouré d'individus qui vouent une haine tenace à la Russie et à ses dirigeants depuis l'âge adulte.
Quand ses conseillers préconisent de bonnes relations avec la Russie, il rejette leurs avis (comme avec Tulsi Gabbard, sa directrice du renseignement national) ou les annule en leur opposant un rempart russophobe (comme avec son envoyé spécial pour la Russie, Steve Witkoff, dont les positions sont contredites par celles de Keith Kellogg).
Ses velléités de mettre fin au conflit en Ukraine et à normaliser les relations avec la Russie rencontrent une opposition conséquente dans son entourage, sans grande opposition. Pour aggraver la situation, les alliés européens des États-Unis soutiennent presque unanimement une politique de maintien du conflit en Ukraine, censé vaincre stratégiquement la Russie. La politique russe de l'administration Trump présente donc de graves incohérences, car Trump est soumis à des pressions de toutes parts pour rompre avec la Russie et son dirigeant, le président Vladimir Poutine.
En août, tout indiquait que les penchants du président avaient pris le dessus, puisqu'il a rencontré Poutine en Alaska. Ce sommet a incité Trump à adopter la posture russe sur la fin du conflit, qui prévoit que l'Ukraine accepte des concessions territoriales ainsi que des restrictions concernant son armée et sa souveraineté politique.
À peine un mois plus tard, le président semble avoir fait un revirement à 180 degrés sur la question des concessions territoriales.
"Après avoir pris connaissance et pleinement compris la situation militaire et économique de l'Ukraine et de la Russie, et après avoir constaté les difficultés économiques rencontrées par la Russie, je pense que l'Ukraine, avec le soutien de l'Union européenne, est en mesure de se battre et de reconquérir l'ensemble de son territoire. Avec du temps, de la patience et le soutien financier de l'Europe, en particulier de l'OTAN, le rétablissement des frontières d'origine, quand cette guerre a commencé, est tout à fait envisageable".
Il a ensuite changé d'avis quant à l'évolution du conflit. En mai dernier, il a déclaré que le président russe Poutine ne cherche pas à sortir du conflit en Ukraine, car il estime être en passe de gagner la guerre. Cette perception n'a pas évolué jusqu'au sommet de l'Alaska. Mais les allégations ukrainiennes selon lesquelles une contre-attaque aurait été menée avec succès au nord de Pokrovsk et que les frappes ukrainiennes par drone contre des cibles énergétiques russes se sont poursuivies ont contribué à infléchir l'opinion de Trump.
"La Russie", a-t-il noté, "mène depuis trois ans et demi une guerre sans objectif qui aurait dû prendre moins d'une semaine à une véritable puissance militaire pour gagner. La Russie n'en sort pas glorieuse. Elle passe même plutôt pour un 'tigre de papier'".
Trump s'est ensuite étendu sur sa vision d'une Russie affaiblie, désormais vulnérable face à une Ukraine redynamisée.
"Lorsque les habitants de Moscou et de toutes les grandes villes, villages et districts de Russie découvriront ce qui se passe réellement dans cette guerre", a-t-il écrit, "comme le fait qu'il leur est presque impossible d'obtenir de l'essence en raison des longues files d'attente, et tout ce qui ne va pas dans leur économie de guerre, où la plupart de leur argent est dépensé pour combattre l'Ukraine, une nation courageuse qui ne cesse de progresser, l'Ukraine sera en mesure de reconquérir son pays sous sa forme initiale, et peut-être même plus !"
Passons pour l'instant sur le feu vert que Trump a littéralement donné à des actions qui, si elles sont mises en œuvre, conduiraient très certainement à une guerre nucléaire. Le fait est que quelqu'un a fait croire à Trump que la Russie est vulnérable sur les plans militaire et économique.
"Poutine et la Russie sont dans une situation économique très délicate", a déclaré Trump, "et c'est le moment idéal pour l'Ukraine de passer à l'action".
Trump a conclu en
"souhaitant bonne chance aux deux pays" et en déclarant que les États-Unis "continueront à fournir des armes à l'OTAN pour que celle-ci en fasse ce qu'elle veut".
Ce message met fin aux spéculations selon lesquelles il est déterminé à résoudre le conflit russo-ukrainien. La décision n'a surpris personne : Trump a déjà déclaré qu'il désengagerait les États-Unis du conflit s'il ne parvenait pas à convaincre les deux parties de conclure un accord de paix. L'issue était prévisible.
À première vue, le message de Trump peut sembler anti-russe et pro-ukrainien. Cependant, cette posture publique cache une vérité élémentaire : Trump abandonne en fait l'Ukraine à son funeste destin. Bien qu'il ait adhéré au discours de Zelensky sur les prouesses militaires de l'Ukraine et la faiblesse économique de la Russie, il n'a pris aucune mesure significative en faveur de l'Ukraine.
Trump poursuivra la politique de son administration en matière de vente d'armes à l'Ukraine, après avoir contraint l'Europe à acheter des armes aux États-Unis pour les transférer ensuite à l'Ukraine. La priorité accordée au réapprovisionnement des stocks américains épuisés demeure. Les armes dont l'Ukraine affirme avoir désespérément besoin n'afflueront donc pas en quantités significatives avant 2027.
Les mesures décisives des États-Unis concernant les sanctions contre la Russie dépendront désormais des mesures européennes, concernant notamment l'arrêt des importations de pétrole et de gaz russes, ainsi que l'imposition de sanctions à l'Inde et à la Chine pour continuer à acheter de l'énergie russe. Or, l'Europe n'est pas en mesure de remplir ces conditions, si bien que la politique américaine en matière de sanctions contre la Russie restera, de fait, largement inchangée.
En réalité, malgré les déclarations virulentes de Trump, l'approche américaine vis-à-vis de la Russie et du conflit ukrainien n'a fondamentalement pas changé. Et même si Trump proclame la supériorité militaire de l'Ukraine sur la Russie et l'affaiblissement de l'économie russe, la réalité est tout autre.
La Russie conserve un avantage stratégique sur l'Ukraine dans tous les domaines clés d'un conflit, soit la sphère militaire, économique ou politique.
Pire encore, les propos de Trump compromettent tout règlement négocié. En conséquence, l'Europe continuera de fournir un soutien financier et militaire à l'Ukraine, prolongeant ainsi un conflit perdu d'avance.
Mais cette prolongation profitera à la Russie et non à l'Ukraine. La Russie maîtrise l'art de la guerre d'usure et l'Ukraine continuera de perdre des effectifs et du matériel à un rythme record, dépassant largement sa capacité à se réapprovisionner. La Russie continuera également à détruire les infrastructures industrielles et énergétiques essentielles, faisant de l'Ukraine un pays toujours plus dépendant des aides européennes pour sa survie. Le gouvernement Zelensky sera quant à lui mis à rude épreuve, tant sur le plan militaire qu'économique. À terme, la pression combinée de ces trois facteurs provoquera la désintégration de l'Ukraine en tant que territoire gouvernable.
En bref, l'Ukraine disparaîtra en tant que pays souverain.
Le prix de cette défaite va être insoutenable pour l'Ukraine. Selon toute vraisemblance, le nombre de soldats ukrainiens morts ou disparus va doubler, pour atteindre 3,4 millions. L'Ukraine perdra également d'autres territoires, notamment Odessa, Mykolaïv, Kharkiv, ainsi que Dnipro et Soumy. De nouvelles pertes territoriales sont également à prévoir, la Pologne, la Hongrie et la Roumanie se partageant le reste du territoire, ne laissant qu'un petit État centré sur Kiev, rebaptisé "Ukraine". Le concept d'indépendance et de souveraineté est également menacé : il ne restera de l'Ukraine qu'un territoire sous contrôle russe. Les rêves d'adhésion à l'Union européenne s'évanouiront au profit du statut de région subalterne d'un État fédéral puissant.
Voici ce que Donald Trump a accompli grâce à ses publications sur les réseaux sociaux et ses apparitions médiatiques chaotiques. Il se présente comme un homme fort. Mais la réalité est tout autre : en suscitant les espoirs de l'Ukraine pour ensuite les anéantir, Donald Trump expose ses limites intellectuelles et morales. L'Ukraine et ses alliés européens ne comprendront que trop tard qu'ils ont été dupés. D'ici là, la duplicité de Donald Trump sautera aux yeux de tous, sauf bien sûr des millions d'Ukrainiens qui y perdront la vie.
Traduit par Spirit of Free Speech