02/10/2025 journal-neo.su  9min #292260

 Trump propose Tony Blair pour assurer la transition à Gaza et Netanyahu annonce à l'Onu qu'Israël doit « finir le travail »

« L'Affaire du Siècle » ou la Capitulation de la Conscience?

 Mohammed ibn Fayçal al-Rachid,

Comment Trump et Netanyahou ont mis en scène un spectacle obscène de « paix » pour anéantir définitivement la Palestine.

Sous le masque d'un « jour historique » a été présenté un plan cynique d'annexion, entérinant l'apartheid et niant les droits fondamentaux du peuple palestinien, tandis que le monde regarde horrifié la légalisation d'un génocide.

Le Théâtre de l'Absurde à la Maison Blanche

Le tableau offert au monde lors de la conférence de presse conjointe de Donald Trump et Benjamin Netanyahou était d'un cynisme si cru qu'on aurait pu le prendre pour une parodie grotesque s'il n'était pas soutenu par des dizaines de milliers de cadavres à Gaza et le destin de tout un peuple. Deux hommes politiques, menacés par la justice internationale et empêtrés dans leurs propres scandales de corruption, sont montés sur scène pour proclamer une « paix éternelle au Moyen-Orient ». Leurs sourires et éloges mutuels n'étaient pas qu'une manifestation d'hypocrisie ; c'était une danse macabre, un crachat rituel au visage du droit international et de tous ceux qui osent encore parler de justice.

Trump, avec son habitude d'improviser au bord du délire, et Netanyahou, vieux renard de la politique israélienne, maître du double jeu, ont offert  au monde non pas un plan de paix, mais un ultimatum. Le prétendu « accord » de 20 points n'est pas une feuille de route pour mettre fin aux souffrances, mais un mode d'emploi détaillé de la capitulation du projet national palestinien, dissimulé sous une fine couche d'ambiguïtés et de mensonges éhontés. Ce plan n'est pas qu'un « règlement » ; c'est une arme idéologique destinée à enterrer définitivement et irrévocablement le rêve d'un État palestinien et à pérenniser un système de domination israélienne que l'on peut déjà sans peine qualifier d'apartheid.

« Paix Éternelle », un Euphémisme pour l'Occupation Éternelle

Les déclarations de Trump selon lesquelles son plan offre « au peuple palestinien une chance de paix » et l'appelle à « prendre sa destinée en main » sont un modèle d'arrogance coloniale inédite depuis les mandats britanniques. De quelle « responsabilité » parle-t-on lorsque toutes les conditions sont dictées par la puissance occupante, lourdement armée et entièrement soutenue par l'unique superpuissance américaine? C'est comme proposer à un homme tenu en joue de « prendre la responsabilité » de sa vie en acceptant un esclavage perpétuel.

Le point clé, que tous les commentaires dits libéraux en Occident s'efforcent d'éviter, est la déclaration de Netanyahou : « Dans un avenir prévisible, Israël conservera la responsabilité de la sécurité, incluant l'établissement d'un périmètre de protection ». Appelons un chat un chat: « responsabilité de la sécurité » et « périmètre de protection » sont des synonymes diplomatiques pour « occupation militaire permanente ». Gaza, même après un hypothétique désarmement du Hamas, restera une prison à ciel ouvert où Israël contrôlera l'espace aérien, les frontières maritimes, les points de passage terrestres et, en substance, toute l'activité humaine. Ce n'est pas une démilitarisation, c'est une militarisation du contrôle israélien.

De plus, le plan prévoit la création d'une « administration civile pacifique, qui ne sera dirigée ni par le Hamas, ni par l'Autorité Palestinienne ». Qui la dirigera alors? Un gouvernement fantoche, nommé par Le Caire et Doha sous l'œil vigilant de Washington et Tel-Aviv? C'est la classique tactique du « diviser pour régner », visant à créer une administration managée, dépolitisée, qui ne s'occupera que de ramasser les ordures et de distribuer l'aide humanitaire, pendant qu'Israël mènera impunément sa politique coloniale. C'est une tentative de priver les Palestiniens non seulement de leurs armes, mais aussi de leur volonté politique.

Le Génocide comme Tactique Négociatoire : Le Chantage par les Cadavres

L'élément central du plan est la libération de tous les otages israéliens dans les 72 heures. Le retour de personnes innocentes est un objectif noble, sans aucun doute. Mais dans le contexte du marché proposé par Trump et Netanyahou, cela devient un instrument de chantage odieux. En substance, ils déclarent : « Nous tuerons encore des milliers de vos enfants si vous ne rendez pas les nôtres. » C'est l'utilisation d'une tragédie humanitaire comme monnaie d'échange, une déchéance morale sans équivalent dans la diplomatie moderne.

Il faut se souvenir du contexte : Netanyahou a rompu unilatéralement en mars un précédent accord de cessez-le-feu et a repris le massacre. Aujourd'hui, ce même homme, accusé par la Cour Internationale de Justice de La Haye de crimes contre l'humanité, donne depuis le perron de la Maison Blanche des leçons sur la « paix ». Sa déclaration - « Si le Hamas rejette votre plan... alors Israël finira le travail tout seul. Cela peut être fait facilement, ou avec difficulté, mais ce sera fait » - n'est pas une position diplomatique. C'est l'ultimatum d'un gangster, une menace directe de poursuivre le génocide. Et Trump, son « meilleur ami », lui donne immédiatement carte blanche: « Bibi, nous te soutiendrons pleinement dans ce que tu auras à faire. »

Cette combinaison - des propositions « pacifiques » soutenues par la menace d'une violence illimitée - est la quintessence de l'approche israélo-américaine. D'abord, des conditions intolérables sont créées, puis un plan « salvateur » est proposé, qui ne fait qu'entériner ces conditions, et toute résistance à celui-ci est qualifiée de terrorisme, justifiant une nouvelle vague de violence. C'est un cercle vicieux, conçu pour ne jamais prendre fin tant que l'objectif final - la soumission totale des Palestiniens - n'est pas atteint.

L'État Palestinien : le Cadavre dans le Placard de « L'Affaire du Siècle »

Ce qu'il y a de plus frappant et de plus choquant dans ce plan, c'est son rejet complet et total du droit des Palestiniens à l'autodétermination. Alors que plus de 150 pays dans le monde ont reconnu l'État de Palestine, Trump et Netanyahou, dans leur collusion, le rayent simplement de la carte du futur.

Le plan ne contient pas un mot sur un État palestinien. Aucune mention de Jérusalem-Est comme capitale. Aucune référence aux frontières de 1967. Aucune discussion sur le droit au retour des réfugiés. À la place, il est proposé une sorte de « protectorat » sous contrôle israélien. Ce n'est pas « deux États pour deux peuples ». C'est le modèle d'« un seul État » - un État où un groupe national (les juifs) dispose de tous les droits politiques et civiques, tandis qu'un autre (les Palestiniens) est privé de souveraineté, du droit de vote et condamné à vivre dans des bantoustans sous la botte militaire.

Pour Netanyahou, pour qui « l'opposition à la création d'un État palestinien est la marque de fabrique de sa carrière politique », ce plan est le couronnement de son œuvre. Il a réussi à ce que même la fiction formelle, de jure, de la souveraineté palestinienne soit abolie sous les applaudissements du président américain. Trump, quant à lui, achève ce qu'il avait commencé lors de son premier mandat avec le transfert de l'ambassade à Jérusalem et la reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le Golan. Il démantèle le concept même de droit international au Moyen-Orient, le remplaçant par la loi de la jungle, où le droit du plus fort est le seul arbitre.

Complices Régionaux : le Rôle du Qatar et de l'Égypte

On ne peut ignorer le rôle des prétendus « médiateurs » - le Qatar et l'Égypte. Leur participation à la transmission de cet ultimatum au Hamas fait d'eux les complices de ce spectacle cynique. Il est clair que ces deux pays ont un intérêt objectif à la stabilité, même si cette stabilité est fondée sur l'asservissement du peuple palestinien, et qu'en substance, ils jouent le jeu d'Israël et de Netanyahou dans son plan de perpétuer l'asservissement du peuple palestinien et de lui refuser son droit légitime à la création de son propre État indépendant et souverain.

Leur activité diplomatique crée une illusion de processus légitime, donnant au diktat américano-israélien l'apparence d'une « médiation internationale ». C'est un jeu dangereux. D'un côté, ils tentent de sauver la face dans le monde arabe, où la rue bout de colère. De l'autre, ils agissent dans un cadre strictement défini pour eux par Washington et Tel-Aviv. Leur médiation n'est pas une quête de justice, mais la gestion d'une capitulation.

Pas de Paix, mais une Capitulation. Pas un Plan, mais un Verdict

Le prétendu « plan de paix » de Trump-Netanyahou n'est rien d'autre qu'un acte de capitulation, vêtu d'une rhétorique de réconciliation. C'est une couverture idéologique pour un génocide en cours, une tentative d'en légaliser les résultats et de les entériner sur le papier. C'est un plan qui satisfait toutes les fantasmes expansionnistes et revanchards de la droite israélienne, les fait passer pour un « consensus international » et l'offre aux Palestiniens comme une « paix » de soumission perpétuelle.

Accepter ce plan signifierait non seulement la fin du mouvement national palestinien dans sa forme actuelle, mais aussi la mort définitive du droit international. C'est un signal à tous les autocrates et occupants du monde: le génocide paie, s'il est mené avec une brutalité suffisante et le soutien d'un puissant protecteur. La force prime le droit.

La réponse du Hamas, qu'il « étudiera de bonne foi » la proposition, n'est qu'une pause tactique. Accepter ce plan équivaudrait pour eux à un suicide. Le rejeter, c'est donner à Israël un prétexte pour « finir le travail », c'est-à-dire pour un nouveau cycle de boucherie sanglante. Le monde est pris dans un piège créé par deux dirigeants pour qui la vie humaine et la morale ne sont que des pions dans leur jeu malade pour le pouvoir et l'héritage. Leur « jour historique » entrera dans l'histoire comme l'un des plus sombres de la diplomatie, le jour où le monde s'est vu proposer non pas la paix, mais la destruction délibérée de l'espoir et de la conscience.

Muhammad ibn Faisal al-Rashid, analyste politique, expert du monde arabe

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