Par Malak Radwan pour Quds News Network, le 5 octobre 2025
Nous y voilà. Le temps s'est contracté, comprimant l'écart entre hier et aujourd'hui en un présent suffocant. Il y a deux ans, le 30 octobre, une journée qui sentait le feu et la peur, le monde s'est divisé en deux le long de la route Salah al-Din. Au nord, un piège. Au sud, l'exil. Et dans le camp de Jabalia, nous étions comme ces pierres obstinées refusant d'être déplacées, ma famille et moi préférant la terreur familière de notre foyer à la terreur inconnue de la fuite.
Comment oublier le grondement métallique des chars en approche, et de la façon dont l'air vibrait de menace près de Beit Lahia. Pendant un an et demi, nous avons appris le sens du confinement. Nos vies se sont contractées à la taille de la maison, notre horizon barré par la peur. Nous avons cartographié les sons de la guerre : le sifflement avant l'impact, le tremblement des murs, le rythme affolé de nos cœurs. Nous sommes de ceux qui sont restés, qui ont cru au caractère sacré des racines alors même que la terre brûlait.
Puis vint la fausse aube de la trêve en janvier 2025. Un souffle, un bref répit. Les gens sont retournés à Gaza et ont assisté à un miracle, non pas celui de la reconstruction, mais de la résurrection. La ville a repris vie, et un fragile espoir a vacillé au cœur des ruines. Nous avons osé penser que le vent avait peut-être tourné.
Mais le temps à Gaza ne file pas en ligne droite, c'est un cercle vicieux. Aujourd'hui, les nouvelles tombent comme un cauchemar récurrent. L'axe Netzarim est rétabli. Le couperet tombe à nouveau, coupant le nord du sud. La route à sens unique vers le sud est réouverte, un écho grotesque invitant au prochain exode.
Et cette fois, nous sommes de ceux qui partent. Nous, les irréductibles, devenons des déplacés. Désormais, la peur d'être pris au piège, pourchassés par les tirs et écrasés par le blocus nous suit où que nous allions. C'est le fantôme qui hante nos valises. Chaque déclaration annonçant un assaut, chaque image de chars en mouvement, n'est pas qu'une information de plus. C'est le sésame du même vieux scénario de l'horreur qu'on nous sert sans cesse.
Gaza en est au point zéro. Le calendrier affiche à nouveau octobre d'il y a deux ans. Les mêmes routes sont encombrées par les mêmes allers et retours désespérés. La même peur se lit sur les mêmes visages.
Pourtant, nous ne sommes plus les mêmes. Nous trimbalons le souvenir intime et indélébile du premier blocus. Nous savons que la survie n'est pas qu'un combat physique, mais une flamme obstinée au plus profond de notre âme. Ils peuvent tracer des lignes sur leurs cartes, contrôler les routes et les checkpoints, mais ils ne contrôleront jamais ces vérités silencieuses et inflexibles que nous sommes désormais : le peuple qui a appris à vivre dans les entrailles de la bête restera toujours debout. Avec le temps, l'esprit s'endurcit, se fortifie et gagne en résilience. Nous sommes les archives de ce qui fut, et la chronique inédite de demain.
Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve, ni combien de temps nous resterons ici, dans le sud de cette terre dévastée, déchirée, perdue et à la dérive. Je ne sais pas si nous pourrons un jour retourner à Gaza, dans le camp de Jabalia, d'où nous avons été chassés sous un déluge de feu en mai dernier. Je prie pour que cet exil soit moins long que le précédent, une année et demie d'attente interminable. J'implore le ciel de nous laisser rentrer chez nous.
Traduit par Spirit of Free Speech