Par Nate Bear, le 6 octobre 2025
La militante suédoise Greta Thunberg a été arrêtée par les autorités israéliennes, qui l'auraient maltraitée après l'avoir capturée, avec des centaines d'autres militants, dans les eaux territoriales de Gaza, vendredi.
Les dirigeants mondiaux, qui il y a encore quelques années la couvraient d'éloges et se bousculaient pour partager la scène avec elle, n'ont pas réagi. Les climatologues qui célébraient sa clarté morale et retweetaient frénétiquement ses messages l'ont complètement ignorée. Le Premier ministre de son propre pays est resté silencieux.
Thunberg a été lâchée par une classe libérale progressiste hypocrite qui, il y a encore quelques années, vantait son courage et sa force.
Pourquoi ? Parce qu'affronter Israël n'est pas le genre de courage que la classe libérale applaudit. Mettre sa vie en danger pour lutter contre un génocide soutenu par l'Occident n'est pas le genre de courage auquel elle rend hommage. En affichant une cohérence morale qui lui semblait sans doute évidente, mais représente un péché mortel pour la classe libérale, Thunberg expose toutes les valeurs libérales pour ce qu'elles sont : une imposture. Parce qu'elle est sortie du cadre et a transgressé les seules valeurs que la classe des élites libérales reconnaissent : les valeurs impériales. Les vertus de la guerre, de la conquête, du colonialisme et du militarisme, ainsi que les profits engendrés.
Une puanteur insoutenable de lâcheté se dégage de la carcasse pourrissante du corps politique libéral, qui vacille, malade et moribond.
Ce corps politique se satisfaisait pleinement de voir Thunberg défier une civilisation industrielle inerte de huit milliards d'individus, responsable du désastre écologique. Mais aujourd'hui, elle défie quelque chose de très concret : les individus et la puissance militaire d'un gouvernement d'occupation génocidaire. Elle s'oppose ainsi au militarisme de l'enfant chéri de l'Occident et aux contrats d'un milliard de dollars passés entre les deux.
Greta ne semble pas saisir certains principes fondamentaux selon la classe libérale. Elle ne comprend pas que, malgré tous les crimes commis par Israël, ce pays constitue le rempart essentiel contre la terreur iranienne. Elle ne comprend tout simplement pas qu'Israël incarne la seule démocratie du Moyen-Orient et, de facto, un signe de suprématie, quelles que soient ses agissements. Ne comprend-elle pas qu'il vaut mieux commettre un génocide, en tant que pays démocratique, que de ne rien entreprendre en tant qu'État à parti unique ?
Naïve enfant.
Bien sûr, j'exagère, mais j'imagine que ce raisonnement n'est pas si éloigné de leur façon de penser.
Greta a transgressé les codes en refusant de reproduire les discours impérialistes et de se laisser contrôler.
Elle aurait pu opter pour les échanges au coin du feu à Aspen avec Hillary Clinton sur la nécessité d'accélérer les progrès en matière de climat. Elle aurait pu se contenter de ses invitations annuelles à Davos, où elle critique la classe libérale pour son manque d'action en faveur du climat. Après s'être morigénée devant les caméras, elle aurait pu aller déguster un Châteauneuf-du-Pape millésime 2004 avec Barack Obama. Elle aurait pu adopter un activisme non conflictuel, à l'image des ONG, comme sa compatriote Malala, enfant chérie de la génération Z. Elle aurait pu mener la lucrative carrière d'activiste performative qui lui était promise. Mais en rejetant cette voie, elle dénonce la supercherie de nombreux progressistes. Elle dénonce également tous les grands climatologues qui n'ont jamais relevé l'impact négatif du génocide sur l'environnement.
Ces gens sont indécents.
La campagne d'extermination menée par Israël a été dévastatrice pour les êtres humains, mais aussi pour les écosystèmes locaux et la planète elle-même. En janvier de cette année, les émissions de dioxyde de carbone de la machine de guerre d'Israël, utilisée pour assassiner des centaines de milliers de personnes et réduire Gaza en cendres, ont dépassé celles du Costa Rica ou l'Estonie. La quantité de carbone nécessaire au développement de millions de personnes a été utilisée par Israël pour ruiner la vie de deux millions d'individus. Des centaines d'oliveraies ont en outre été incendiées et le sol ainsi que les nappes phréatiques ont été empoisonnés pour des générations par les balles, les résidus de bombes et la mixture toxique issues des dizaines de milliers de bâtiments rasés. Qui sait combien d'animaux et de faune sauvage ont péri ? Pourtant, les grands noms de la recherche climatique, de Michael Mann à Katherine Hayhoe, n'ont pas dit un mot.
Rencontre entre Obama et Thunberg en 2022
Thunberg les humilie, tout comme elle a humilié tous ceux qui, il n'y a pas si longtemps, se sont empressés de la proclamer avocate de la planète.
Greta dénonce ainsi un centrisme en faillite.
Elle a probablement rapidement compris ces positions idéologiques. Elle a certainement réalisé que proclamer la fin imminente du monde est un privilège eurocentrique, sans reconnaître que le monde a déjà pris fin pour de nombreux peuples et qu'il est en train de prendre fin pour d'autres.
Cela ne veut pas dire que sa position initiale était erronée. Cela signifie qu'elle reconnaît que le génocide et l'écocide ont la même origine. Les systèmes de pouvoir qui détruisent les écosystèmes détruisent également les personnes, détruisent également les planètes, détruisent également les mondes. À bien des égards, elle fait simplement preuve d'une cohérence logique, autant que morale, quant à la nature interdépendante des maux qui affligent notre civilisation. Et c'est là qu'elle a rompu avec une classe libérale qui voit les maux de manière sélective et selon des termes définis et dictés par l'empire. Une classe qui a soutenu les malfaiteurs tout en insistant sur le fait qu'elle soutenait les gentils.
Et aujourd'hui, la conséquence la plus grotesquement maléfique de l'entreprise coloniale pourrait toucher à sa fin, si l'on en croit les informations faisant état d'un cessez-le-feu. Mais l'occupation et les massacres ne cesseront pas tant qu'Israël ne sera pas mis au pas et que le sionisme ne sera pas démantelé.
Il suffit de regarder ce qui se passe en Cisjordanie pour s'en rendre compte.
Entre octobre 2023 et avril de cette année, plus de 900 Palestiniens ont été tués par Israël en Cisjordanie occupée et des dizaines d'autres ont été enlevés pour être emprisonnés en Israël, où ils ont été torturés sans inculpation ni procès, selon un rapport de l'ONU d'avril. Il n'y a pas de Hamas, pas d'armes, pas de "guerre" ni d'excuses incitant à la violence en Cisjordanie. Il n'y a que la barbarie et l'impunité israéliennes, soutenues et cautionnées par les gouvernements occidentaux.
En tant qu'affront à l'humanité, à la justice, aux droits de l'homme et au droit international, Israël doit être démantelé. Mais cette mesure ne suffira pas. Israël reste un produit colonial, une arme de destruction massive. Une véritable justice réparatrice exige d'en finir avec ceux qui l'alimentent.
Et compte tenu l'évolution du statut de Greta, de "chouchou" des libéraux à prisonnière d'opinion dans un centre de détention israélien, elle est certainement du même avis.
Traduit par Spirit of Free Speech