Brigitte Challande, 6 octobre 2025.- Continuellement les ateliers de soutien psychologiques pour les femmes s'attaquent aux questions qui permettent de rester debout dans l'enfer de Gaza. Ici celui du 5 octobre.
« Par un après-midi gris, alourdi par les souvenirs de l'exil et le bruit du vent frappant les tentes de l'ouest de Deir al-Balah, vingt femmes déplacées se sont réunies dans une petite tente du « camp des amis » à Deir al-Balah. L'objectif de cet atelier, organisé par l'équipe de l'UJFP, était de leur offrir une chance unique de découvrir une force intérieure longtemps recouverte par la poussière de la souffrance, en les formant aux techniques de flexibilité cognitive et au changement des schémas de pensée négatifs ancrés par les pressions du déplacement et les conditions de guerre.
L'équipe invita les femmes à s'asseoir en cercle et à fermer les yeux quelques instants, bercées par une musique douce : une préparation de l'esprit et du cœur à accueillir le contenu de l'atelier avec clarté et ouverture.
Première activité : Qu'est-ce qui te fait abandonner ?
Le formateur expliqua que les pensées négatives ne surgissent pas par hasard, mais résultent d'une accumulation d'expériences douloureuses. Elles sont comme des graines qui, si on ne les arrête pas, deviennent une forêt obscure entourant notre conscience. L'objectif de cet exercice était de nommer ces pensées, car nommer la douleur est la première étape pour la maîtriser.
Ensemble, elles partagèrent les pensées qui leur volaient le plus d'énergie. Une femme confia : « Je pense toujours que je n'ai plus de valeur parce que j'ai perdu tout ce que j'avais construit ». Une autre ajouta : « Je me sens un fardeau pour mon entourage ». Entendre la souffrance à voix haute fit comprendre à chacune qu'elle n'était pas seule à affronter ce tourment intérieur.
Le sentiment après cette activité était un mélange de soulagement et de peur ; soulagement d'avoir mis la douleur à nu, peur d'avoir rouvert une plaie profonde. À ce stade, l'équipe expliqua le cœur de l'atelier : la véritable force ne réside pas dans les circonstances extérieures que l'on ne contrôle pas, mais dans la manière dont on les interprète. Une interprétation négative mène à l'impuissance, tandis qu'une interprétation positive ouvre la voie à l'espoir. Ainsi, l'esprit devient l'arme la plus puissante que chacune possède.
Activité suivante : Découvrir l'héroïne
Chaque participante devait écrire trois qualités positives qui la caractérisaient, et expliquer comment elles l'avaient aidée à affronter les épreuves de l'exil et de la guerre. Rappeler que même dans les pires conditions, il existe des forces intérieures souvent négligées.
Une femme écrivit : « Patiente, aimante, résistante ». Lorsqu'elle partagea son récit, elle déclara : « Je pensais que ma patience était une faiblesse, mais j'ai compris que c'est elle qui m'a maintenue debout malgré toutes mes pertes ». Ses larmes n'étaient plus des larmes de brisure, mais de fierté.
Une jeune fille nota : « Têtue, volontaire, avide d'apprendre ». En lisant ses mots, elle éclata de rire "J'ai l'impression de me redécouvrir".
Les femmes réalisèrent qu'elles n'étaient pas seulement des victimes, mais des survivantes porteuses d'une force intérieure digne d'être reconnue et célébrée.
Poursuite de l'atelier avec un concept clé : De l'arrêt à l'action
La technique « Stop - Remplace - Agis ». L'idée est qu'à chaque pensée négative, la remplacer par une affirmation positive, puis la transformer en une action concrète.
Une jeune mère expérimenta la technique immédiatement : « Je pensais être faible parce que j'ai perdu ma maison. Je me suis arrêtée. J'ai remplacé : je suis forte car j'ai conduit mes enfants en sécurité. Et j'ai agi : je vais les embrasser davantage ». Sa voix révélait qu'elle avait retrouvé une part de ce qu'elle croyait perdu.
Puis, l'équipe présenta une explication : réagir automatiquement aux épreuves accentue la souffrance, tandis que répondre consciemment redonne la liberté de choisir. Un dialogue s'engagea alors sur la différence entre « réaction » et « réponse ». Beaucoup découvrirent qu'elles pouvaient apprivoiser colère et peur en apprenant à canaliser la pensée dès sa naissance.
Dernier exercice : Ecrire une lettre de gratitude à soi-même
Dans le silence, les femmes écrivirent lentement, comme si chaque phrase était une renaissance. L'une nota : « Merci à toi, mon moi, de ne pas t'être effondrée malgré tout ce que tu as affronté ».
Une autre : « Merci de m'avoir montré que je reste une bonne mère malgré toutes les circonstances ».
Une jeune fille lut sa lettre : « Merci de croire encore que demain peut être meilleur ».
À la fin de l'atelier, sortirent plus conscientes de leur force intérieure et plus capables de se voir comme une partie de la solution, et non seulement comme des victimes.
Cette séance de flexibilité cognitive, un voyage intérieur pour reprendre le contrôle. Les participantes comprirent que l'esprit, lorsqu'il est entraîné à répondre consciemment, devient l'arme la plus puissante face à l'exil.
Et peut-être que le plus beau résumé de l'atelier fut celui de cette vieille dame qui, avec un sourire, déclara :
« Aujourd'hui, j'ai appris que je possède un bouton pour contrôler ma vie... et je ne laisserai plus personne l'actionner à ma place. »
Photos et vidéos ICI.
Retrouvez l'ensemble des témoignages d'Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l'Union Juive Française pour la Paix.
*Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l'enfance.
Tous les deux sont soutenus par l'UJFP en France.
Pour participer à la collecte « Urgence Guerre à Gaza » : HelloAsso.com
Les témoignages sont également publiés sur UJFP, Altermidi et sur Le Poing.