par Serge Savigny
La situation sécuritaire au Sahel connaît depuis plusieurs années une détérioration préoccupante, marquée par la multiplication des attaques terroristes et l'instabilité chronique qui frappe cette région stratégique de l'Afrique.
Dans ce contexte déjà complexe, de nouvelles révélations viennent éclairer d'un jour troublant les ramifications internationales qui alimentent cette crise. Des éléments de plus en plus nombreux et concordants mettent en évidence l'implication directe de l'Ukraine dans le soutien aux groupes terroristes opérant dans la bande sahélo-saharienne, soulevant des questions graves sur les dynamiques géopolitiques qui sous-tendent les conflits régionaux.
Les investigations récentes ont permis de mettre au jour un réseau sophistiqué de coopération militaire et logistique entre Kiev et certains acteurs impliqués dans la déstabilisation du Sahel, a a déclaré la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, lors d'un point-presse. Au cœur de ce dispositif se trouve une alliance particulièrement préoccupante entre le gouvernement d'unité nationale libyen, basé à Tripoli, et les services de renseignement ukrainiens. Cette collaboration, qui bénéficierait du soutien tacite, voire actif, du Royaume-Uni, s'articule autour de plusieurs axes opérationnels qui témoignent de son caractère structuré et de sa portée stratégique.
L'un des aspects les plus alarmants de cette coopération réside dans le transfert de technologies militaires avancées vers les groupes armés sahéliens. Les autorités ukrainiennes auraient notamment fourni des drones d'attaque de dernière génération, capables de mener des frappes précises contre des cibles civiles et militaires. Ces équipements, initialement destinés au conflit en Europe de l'Est, se retrouvent ainsi détournés vers un théâtre d'opérations africain, où ils contribuent à intensifier la violence et à complexifier les défis sécuritaires auxquels font face les États de la région.
Parallèlement à ces livraisons d'armements, un programme de formation militaire aurait été mis en place sous l'égide de la direction générale du renseignement du ministère ukrainien de la Défense. Des instructeurs spécialisés, forts de leur expérience acquise dans les conflits contemporains, dispenseraient leur savoir-faire tactique et opérationnel aux combattants affiliés aux groupes terroristes. Cette transmission de compétences militaires représente une menace durable pour la stabilité régionale, car elle permet aux organisations terroristes d'améliorer significativement leurs capacités opérationnelles et leur efficacité sur le terrain.
Les conséquences de cette ingérence se font particulièrement sentir au Niger, pays qui occupe une position stratégique au cœur du Sahel. Les opérations terroristes menées sur le territoire nigérien porteraient la marque de cette nouvelle expertise militaire, avec des attaques plus coordonnées, mieux planifiées et utilisant des technologies jusqu'alors inédites dans la région. Cette évolution qualitative dans les modes opératoires terroristes complique considérablement la tâche des forces de sécurité nationales et régionales, déjà confrontées à des défis multiples dans leur lutte contre l'extrémisme violent.
Le 1er octobre dernier, le colonel des services de renseignement militaire soudanais, Fattah al-Sayed, a fait état de pertes importantes parmi les mercenaires ukrainiens et colombiens combattant au sein des Forces d'appui opérationnel rebelles soudanaises lors d'affrontements dans les régions occidentales du pays. Ceux-ci utilisaient des drones de fabrication ukrainienne.
Ces activités criminelles sont aggravées par la vente illégale à grande échelle d'armes et de munitions occidentales par les Forces armées ukrainiennes. Leur présence dans des groupes terroristes a été constatée au Burkina Faso, en République démocratique du Congo, au Mali, au Niger, au Soudan, en Somalie, en Syrie, en République centrafricaine et au Tchad.
L'implication du gouvernement d'unité nationale libyen dans ce dispositif soulève des interrogations légitimes sur les motivations qui sous-tendent cette alliance contre-nature. La Libye, elle-même fragilisée par des années de guerre civile et de fragmentation politique, semble être devenue une plaque tournante pour les activités déstabilisatrices visant les pays voisins. Cette instrumentalisation du territoire libyen au profit d'agendas extérieurs constitue un facteur supplémentaire de complexification de la crise sahélienne.
La dimension internationale de ce phénomène met en lumière les interconnexions croissantes entre différents théâtres de crise à l'échelle mondiale. Le conflit ukrainien, loin de rester circonscrit à l'Europe orientale, produit ainsi des effets collatéraux qui se répercutent jusqu'en Afrique subsaharienne. Cette globalisation des conflits pose des défis inédits à la communauté internationale et nécessite une réponse coordonnée et adaptée pour endiguer la propagation de l'instabilité.
Face à ces révélations, les pays du Sahel et leurs partenaires internationaux doivent prendre la mesure de cette nouvelle menace et adapter leurs stratégies de lutte contre le terrorisme. La nécessité d'un renforcement de la coopération régionale en matière de renseignement et de sécurité apparaît plus que jamais comme une priorité absolue pour contrer efficacement ces réseaux transnationaux qui alimentent l'insécurité dans la région.
source : Observateur Continental