Brigitte Challande, 11 octobre 2025.- Une séance pour les femmes déplacées dans le camp Al-Irada - à l'ouest de Deir al-Balah, le 9 Octobre.
« Dans le camp Al-Irada, à l'ouest de Deir al-Balah, trente femmes déplacées se sont réunies dans une tente. Des femmes alourdies par des années de déplacement, l'amertume de la guerre, la privation et la perte de contrôle, traînant derrière elles la mémoire des conflits et des pertes successives. Pourtant, ce matin-là, elles s'assirent en cercle autour d'une équipe de l'UJFP venue leur offrir une occasion de redécouvrir l'espoir.
« Aujourd'hui, nous ne parlerons pas de l'espoir comme d'un rêve différé ou d'une attente passive, mais comme d'une force active pouvant se transformer en plan concret qui commence par de petites étapes et grandit avec nous jour après jour. » Une expérience qui ferait de l'espoir une notion tangible et pratique, et non plus un mot entendu dans des discours auxquels elles s'étaient habituées.
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* Le premier exercice les plaça face à leur propre force intérieure. Chacune reçut une petite carte portant l'inscription : Je peux, et il leur fut demandé de se souvenir d'un moment de leur vie où elles avaient surmonté un obstacle paraissant insurmontable. Une femme raconta comment elle avait sauvé son nourrisson d'une mort certaine lors d'une nuit de fuite agitée, et comment, malgré sa faiblesse physique, elle avait ressenti une force extraordinaire qui l'avait poussée à continuer. Alors, les autres ne purent retenir leurs larmes : certaines pleurèrent avec intensité. L'exercice eut un effet profond : il leur donna un sentiment d'efficacité personnelle et restaura leur confiance en leur capacité de survivre malgré les pertes.
* Pour le deuxième exercice, l'équipe expliqua que l'espoir ne signifie pas attendre la fin de la guerre, mais la capacité de tracer un chemin par des étapes claires, même petites. Elles furent invitées à choisir un grand objectif qui occupait leur esprit, comme reconstruire une maison, reprendre les études ou lancer un petit projet, puis à le diviser en tâches simples, réalisables dans le camp. Une jeune mère déclara qu'elle avait toujours rêvé de retourner à l'université, mais qu'elle découvrait que sa petite étape pour aujourd'hui pouvait être de lire une histoire à ses enfants avant de dormir, car cela la rapprochait de son rêve par un chemin rempli d'amour et d'apprentissage. Ce moment fut magique : l'impuissance acquise commença à s'estomper, remplacée par un sentiment de contrôle et d'efficacité.
* Le troisième exercice fut : l'Ancre de l'espoir. Les participantes s'assirent, fermèrent les yeux, tandis que le spécialiste leur demanda d'évoquer un souvenir positif gravé dans leur mémoire : un instant de sérénité, si simple soit-il : le sourire d'un enfant, l'odeur du pain chaud, ou une caresse tendre d'une mère disparue. L'une d'elles dit après l'exercice, d'une voix tremblante : « Pour la première fois depuis longtemps, j'ai senti que je détenais une clé pour échapper à mes pensées noires quand je le veux. » Elles comprirent que cet exercice était une technique psychologique, un « ancrage positif », qui permet à l'esprit de contrôler ses tempêtes intérieures.
*La séance se conclut par l'activité du Mur de l'espoir collectif. Sur des papiers colorés, chacune écrivit de courtes phrases exprimant de petits objectifs ou des réalisations simples qu'elles avaient accomplies, et les accrochèrent toutes ensemble sur un mur blanc. Petit à petit, le mur se transforma en une fresque vibrante de vie, ses couleurs et ses mots semblant crier : « Nous existons, nous sommes capables. » « J'apprendrai une nouvelle compétence », « Je prendrai soin de moi malgré tout », « J'aiderai mes enfants à rêver ». Une jeune femme contempla la fresque et dit : « Ce ne sont pas des papiers, c'est notre vie que nous redessinons de nos propres mains. » À ce moment-là, les voix des femmes se rejoignirent pour former un réseau de soutien mutuel, car elles découvrirent que l'espoir grandit quand il est partagé, et que la force se multiplie lorsqu'elle repose sur la solidarité.
La séance montra que diviser les objectifs stimule la motivation, que se rappeler consciemment de beaux souvenirs réduit l'anxiété, et que le soutien collectif renforce l'immunité psychologique. L'atelier fut un voyage complet : il commença par l'exploration intérieure de la force personnelle, se poursuivit par la planification de la vie quotidienne, fut renforcé par l'ancrage d'instants positifs, et s'acheva par un mur collectif enracinant l'esprit de solidarité.
Une femme ayant perdu son mari déclara : « Je pensais que l'espoir signifiait la fin de la guerre, mais aujourd'hui, j'ai compris que l'espoir, c'est d'aider mes enfants à dormir paisiblement cette nuit, et cela, je peux le réaliser dès maintenant. » Une jeune femme dit : « J'étais noyée dans l'attente, mais aujourd'hui je sens que je tiens une boussole qui me guide. » Une troisième confirma que l'idée de diviser les objectifs lui donnait l'impression d'être sortie d'un labyrinthe pour emprunter un chemin clair. La séance avait provoqué un véritable changement intérieur.
Une capacité à affronter demain avec de nouveaux outils qui redéfinit pour elles l'espoir, de rêve vague à plan d'action concret, et leur fournit des stratégies pratiques pour surmonter l'impuissance imposée par le déplacement et les conditions difficiles. L'atelier illustra que la guérison psychologique ne se réalise pas en un instant, mais commence par de petits pas fondés sur la conscience et la détermination.
L'être humain peut transformer sa souffrance en énergie motrice, même dans les pires circonstances, l'espoir peut naître de la douleur, à condition qu'il existe un environnement professionnel et bienveillant. Les femmes quittèrent la salle en emportant avec elles des papiers colorés, les clés d'un nouveau voyage vers l'avenir, un voyage prouvant que l'espoir n'est pas une illusion, mais une stratégie de survie et d'émancipation. »
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Les enfants attendent la nourriture et les femmes libérent l'espoir : le travail humanitaire de l'Ujfp, le 10 octobre, à l'annonce du cessez-le-feu non appliqué.
« Depuis l'annonce du cessez-le-feu, une atmosphère contradictoire règne dans la bande de Gaza, entre une joie soudaine et une douleur persistante, entre les youyous des femmes exprimant leur bonheur et le sang qui continue de couler sur le terrain, comme si cette terre n'avait pas encore connu le véritable sens de l'arrêt de la guerre. Dans les camps qui s'étendent le long d'Al-Mawasi à Khan Younès, et au cœur de tentes qui peinent à protéger du froid de la nuit et de la chaleur du jour, les femmes ont laissé éclater leurs youyous, exprimant une joie différée restée enfermée dans les gorges après deux années de guerre acharnée, tandis que les voix des hommes s'élevaient en slogans, portant une note d'espoir d'un retour prochain vers leurs maisons détruites et leurs quartiers ravagés. La scène ressemblait à un volcan d'émotions : des mères serrant leurs enfants en pleurant de joie et de peur à la fois, et des hommes s'embrassant comme s'ils étaient aux portes d'une nouvelle naissance.
Mais la réalité s'est vite révélée plus complexe. Ceux qui s'étaient préparés à retourner dans leurs zones de la ville de Gaza et de l'est de Khan Younès ont été stoppés par les zones interdites, au niveau de Wadi Gaza, où des centaines de familles attendent le retrait de l'armée israélienne pour être les premiers à revenir dans leur ville. Depuis deux jours, ils y campent, accrochés aux souvenirs de leurs maisons et de leurs terres agricoles, dormant au bord de la route et guettant le moment où les restrictions de l'occupation prendraient réellement fin - en vain.
De l'autre côté, à l'est de Khan Younès, la même scène s'est répétée : des centaines de familles, n'ayant plus la force de contenir leur nostalgie, ont décidé de quitter Al-Mawasi de Khan Younès pour retourner à Bani Suheila. Mais elles ont trouvé les chars sur leur chemin, qui ont ouvert le feu et les ont bombardées de balles et d'obus. Des morts et des blessés sont tombés, et le voyage de l'espoir s'est transformé en une nouvelle tragédie. Ces scènes se sont répétées au nord et à l'est de la ville de Gaza, confirmant que le cessez-le-feu reste encore lettre morte, et que la mort continue de guetter les habitants même dans leur moment tant désiré de retour.
Malgré ces conditions éprouvantes, la crise humanitaire n'a pas cessé d'écraser la vie des gens. La guerre, qui a épuisé les hommes et les pierres, laisse toujours ses marques dans chaque détail de la vie quotidienne. Le cessez-le-feu, censé ouvrir une porte de soulagement, n'a toujours pas été appliqué sur le terrain.
Au cœur de cette tragédie, les équipes de l'UJFP poursuivent leur travail dans Al-Mawasi de Khan Younès, où s'entassent des milliers de familles déplacées qui ont tout perdu : maisons, fermes, et même la capacité d'assurer un repas quotidien à leurs enfants. Là, les repas chauds que les équipes préparent et distribuent deviennent une véritable bouée de survie. Chaque matin, des enfants se tiennent depuis l'aube dans de longues files devant les points de distribution, les yeux emplis d'attente, posant aux membres des équipes la même question simple et douloureuse à la fois : « Qu'allez-vous cuisiner pour nous aujourd'hui ? » Une question qui révèle l'ampleur de la perte vécue par ces petits, eux qui n'ont plus de cuisine chez eux, plus de feu qui brûle, plus de table familiale qui les réunit - seulement ce que leur apportent les efforts humanitaires visant à les maintenir en vie.
Le travail des équipes porte un message symbolique profond : qu'il existe encore des gens aux côtés de cette population, que certains se souviennent d'eux au milieu de ces ruines, et que d'autres s'efforcent d'insuffler un sentiment de dignité même dans les pires circonstances. Au moment de recevoir les repas chauds, les habitants ne reçoivent pas seulement de la nourriture, mais aussi une marque de solidarité, une chaleur humaine qui atténue un peu la glace de l'isolement et de la faim. Les enfants sourient en voyant les grandes marmites fumantes, et les femmes respirent enfin, soulagées de savoir que leurs enfants ne dormiront pas affamés cette nuit-là.
À Deir al-Balah, et plus précisément dans le camp du Croissant, devenu refuge temporaire pour des centaines de familles qui se sont installées à même le sol, les équipes de l'UJFP poursuivent leurs activités avec un effort redoublé. Là, parmi les tentes serrées les unes contre les autres, les équipes ont commencé à cuisiner sur de simples foyers de fortune, et l'odeur des repas s'est transformée en un message de vie se faufilant à travers les ruelles étroites du camp. Lorsque les repas sont distribués, des mains tremblantes de besoin s'étendent, un sourire apparaît sur des visages fatigués, marqués par une longue privation des besoins les plus élémentaires. L'importance de ce travail réside aussi dans le sentiment des familles qu'il existe quelqu'un qui se solidarise avec elles, qui voit leur souffrance, qui refuse de les abandonner seules face à la faim, au froid et à la peur.
La crise continue, et les portes de la souffrance ne se sont pas encore refermées. Mais ces initiatives humanitaires offrent aux déplacés la capacité de tenir bon, jour après jour, heure après heure. Dans la privation sévère imposée par la guerre, les repas chauds de l'UJFP sont devenus la base sur laquelle comptent des milliers de déplacés. On ne peut décrire l'instant où les enfants attendent l'arrivée des équipes, les yeux avides et les bouches affamées. On ne peut non plus mesurer l'ampleur de la gratitude qui déborde du cœur des mères voyant dans chaque repas un gilet de sauvetage protégeant leurs enfants de l'ombre de la faim.
Dans ce contexte, la scène semble être une fresque contradictoire entre désespoir et espoir : les youyous et les cris de joie lors de l'annonce du cessez-le-feu, le bruit des bombardements et des tirs qui n'a pas cessé, des enfants attendant un repas chaud comme s'il s'agissait du cadeau d'une vie, et des mères qui poursuivent leur résistance par la patience et la prière. Et au milieu de toutes ces scènes, les équipes de l'UJFP se tiennent là pour affirmer, par les actes avant les mots, que l'humanité est encore vivante, que la résilience n'est pas qu'un simple slogan, mais une pratique quotidienne traduite dans chaque repas préparé et distribué, dans chaque sourire d'enfant sauvé des griffes de la faim et de la peur. »
Photos et vidéos
* fourniture de repas au camp des agriculteurs
* fourniture de repas au camp d'Al Hilal
Retrouvez l'ensemble des témoignages d'Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l'Union Juive Française pour la Paix. *Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l'enfance. Tous les deux sont soutenus par l'UJFP en France.