Par Alastair Crooke - Le 9 Octobre 2025 - Source Conflicts Forum
Trump : « Le problème avec le Vietnam...Nous avons arrêté de nous battre pour gagner. On aurait gagné facilement. Nous aurions gagné l'Afghanistan facilement. Nous pouvions gagner toutes les guerres facilement. Mais nous sommes devenus politiquement corrects. Ah, Disons le simplement ! Nous ne sommes plus politiquement corrects. Juste pour que vous compreniez : Nous gagnons. Maintenant, nous gagnons«. Tout cela aurait pu être facile, même l'Afghanistan.
Quel est le sens de cette référence de Trump au Vietnam ? « Ce qu'il dit, c'est que « nous » aurions gagné le Vietnam facilement, si nous n'avions pas été woke et DEI. Certains vétérans pourraient même dire : « Vous savez, nous avions assez de puissance de feu, nous aurions pu tuer tout le monde«.
« Peu importe où vous allez«, ajoute Trump, « peu importe ce que vous en pensez, il n'y a rien qui équivaut à la force de combat que nous avons, [y compris] Rome. Personne ne devrait jamais vouloir se battre contre les États-Unis«.
Le fait est que dans les cercles Trumpiens, non seulement il n'y a pas de peur de la guerre, mais il y a cette totale illusion sur la puissance militaire américaine. Hegseth a déclaré « Nous sommes l'armée la plus puissante de l'histoire de la planète, sans exception. Personne d'autre ne peut même s'en approcher«. Ce à quoi Trump rajoute : « Notre marché [aussi] est le plus grand au monde - personne ne peut s'en passer«.
L ' »Empire » anglo-américain s'enfonce sur la pente du « déclin terminal«, comme le dit le philosophe français Emmanual Todd. Trump tente, d'une part, de contraindre à revenir à un nouveau « Bretton Woods » afin de recréer l'hégémonie du dollar par la menace, les fanfaronnades et les taxes douanière, voire la guerre si besoin est.
Selon Todd, parce l'Empire anglo-américain s'effondre, les États-Unis s'en prennent au monde avec fureur et se dévorent eux-mêmes en tentant de recoloniser leurs propres colonies (c'est-à-dire l'Europe) pour des retours financiers rapides.
La vision de Trump d'une force militaire américaine imparable équivaut à une doctrine de domination et de soumission. Une doctrine qui va à l'encontre de tous les discours narratifs antérieurs sur les valeurs occidentales. Ce qui est clair, c'est que ce changement de politique est étroitement relié aux croyances eschatologiques juives et évangéliques. Il partage avec les nationalistes juifs la conviction qu'eux aussi, en alliance avec Trump, sont proches d'une domination quasi universelle :
« Nous avons écrasé les projets nucléaires et balistiques iraniens. Ils sont toujours là, mais nous les avons retardé avec l'aide du président Trump«, se vante Netanyahu. « Nous avions une alliance précise, dans le cadre de laquelle nous avons partagé le fardeau [avec les États-Unis] et obtenu la neutralisation de l'Iran«. Selon Netanyahu « Israël est sorti de cet événement comme étant la puissance dominante au Moyen-Orient, mais il nous reste encore quelque chose à faire - ce qui a commencé à Gaza se terminera à Gaza«.
« Nous devons déradicaliser Gaza, comme cela a été fait en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale ou au Japon«. Netanyahu a insisté sur ce sujet à Euronews. La soumission, cependant, s'avère peu visible.
La « domination » continue par les États-Unis nécessite qu'ils frappent dans de multiples directions , parce que la guerre unidirectionnelle contre la Russie qui était censée fournir au monde une leçon de choses sur le « boulot » de la domination anglo-sioniste a échoué de manière inattendue. Et maintenant, le temps presse au sujet de la crise du déficit et de la dette aux États-Unis.
Tout cela, bien qu'articulé comme un désir de domination par Trump, provoque des impulsions nihilistes pour la guerre et en même temps fracture les structures occidentales. Des tensions amères surgissent à travers le monde. La grande image est que la Russie voit venir les choses : Le sommet en Alaska n'a porté aucun fruit ; Trump n'est pas sérieux au sujet de la refonte des relations avec Moscou.
L'attente à Moscou penche maintenant vers l'attente d'une escalade américaine en Ukraine ; une frappe plus dévastatrice contre l'Iran ; ou une action punitive et performative au Venezuela, voire les deux. L'équipe Trump semble être entrée dans un état d'excitation psychique.
Les oligarques juifs et l'aile droite du Cabinet en Israël, dans ce tableau émergent, ont existentiellement besoin que l'Amérique reste une hégémonie militaire redoutée (tout comme Trump le promet). Sans le bâton militaire « imparable » américain et en l'absence de monopole de l'utilisation du dollar dans le commerce, la suprématie juive ne deviendrait rien de plus qu'une chimère eschatologique.
Une crise de dédollarisation, ou une explosion du marché obligataire, juxtaposée à la montée de la Chine, de la Russie et des BRICS, est en train de devenir une menace existentielle pour le « fantasme » suprématiste.
En juillet 2025, Trump déclarait à son cabinet : « Les BRICS ont été mis en place pour nous faire du mal ; les BRICS ont été mis en place pour dégénérer notre dollar et faire qu'il ne soit plus la monnaie de référence«.
Alors, ensuite ? De toute évidence, l'objectif initial des États-Unis et d'Israël est de « brûler » la psyché du Hamas avec la défaite ; et s'il n'y a pas d'expression visible de soumission totale, l'objectif primordial sera probablement de chasser tous les Palestiniens de Gaza et d'installer des colons juifs à leur place.
Le ministre israélien Smotrich a soutenu, il y a quelques années, que le déplacement complet de la population palestinienne et arabe non soumise ne serait finalement réalisé que lors « d'une crise majeure ou d'une grande guerre » - comme cela s'est produit en 1948, lorsque 800 000 Palestiniens ont été expulsés de leurs maisons. Mais aujourd'hui, malgré deux années de massacres, les Palestiniens n'ont pas fui, ni ne se sont soumis.
Ainsi, Israël, malgré toutes les vantardises de Netanyahu d'avoir écrasé le Hamas, n'a pas encore vaincu les Palestiniens de Gaza et certains médias hébreux qualifient l'Accord de Charm el-Cheikh de « défaite pour Israël«.
Les ambitions de Netanyahu et de la droite israélienne ne sont pas circonscrites à Gaza. Ils s'étendent beaucoup plus loin - ils cherchent à établir un État sur toute la « Terre d'Israël«, c'est-à-dire le Grand Israël. Leur définition de ce projet colonial est ambiguë, mais ils veulent probablement le sud du Liban jusqu'au fleuve Litani ; probablement la majeure partie du sud de la Syrie (jusqu'à Damas) ; des parties du Sinaï ; et peut-être des parties de la Rive Est, qui appartiennent maintenant à la Jordanie.
Donc, malgré deux ans de guerre, ce qu'Israël veut toujours, estime le professeur Mearsheimer, c'est un Grand Israël sans Palestiniens.
« De plus«, ajoute le professeur Mearsheimer: « il faut penser à ce qu'ils veulent vis-à-vis de leurs voisins. Ils veulent des voisins faibles. Ils veulent diviser leurs voisins. Ils veulent faire à l'Iran ce qu'ils ont fait en Syrie. Il est très important de comprendre que [alors que] la question nucléaire est d'une importance capitale pour les Israéliens en Iran, ils ont des objectifs plus larges qui sont de détruire l'Iran, de le transformer en une série de petits États«.
« Et puis les États qu'ils ne divisent pas - comme l'Égypte et la Jordanie - ils veulent qu'ils soient économiquement dépendants de l'Oncle Sam, de sorte que l'Oncle Sam ait un énorme effet de levier coercitif sur eux. Alors, ils réfléchissent sérieusement à la façon de traiter avec tous leurs voisins et de s'assurer qu'ils soient faibles et ne représentent aucune menace pour Israël«.
Israël cherche clairement l'effondrement et la neutralisation de l'Iran, comme l'a souligné Netanyahou :
"Nous avons écrasé les projets nucléaires et balistiques iraniens - ils sont toujours là, mais nous les avons retardé avec l'aide du président Trump. L'Iran [maintenant] développe des missiles balistiques intercontinentaux d'une portée de 8 000 km. Ajoutez 3 000 autres et ils peuvent cibler New York, Washington, Boston, Miami, Mar-a-Lago".
Alors qu'un éventuel accord de cessez-le-feu commence à prendre forme en Égypte, la situation régionale plus large est que les États-Unis et Israël semblent avoir l'intention de provoquer une confrontation sunnite-chiite pour encercler et affaiblir l'Iran. La déclaration conjointe UE-CCG des derniers jours sur les prétentions des Émirats arabes Unis à posséder la souveraineté sur Abou Moussa et les îles Tumb reflète une analyse croissante à Téhéran selon laquelle les puissances occidentales utilisent à nouveau les monarchies du Golfe comme instruments pour attiser l'instabilité régionale.
En bref, il ne s'agit pas d'îles ou de pétrole, il s'agit de fabriquer un nouveau front pour affaiblir l'Iran.
Et avec tous ces projets de réorganisation de la Région pour acquiescer à l'hégémonie d'Israël, les grands donateurs juifs veulent assurer une situation dans laquelle les États-Unis soutiennent Israël inconditionnellement - d'où l'important financement dirigé vers les HSH et les médias sociaux pour assurer un soutien de toute la société étasunienne à Israël.
Le bicentenaire du 7 octobre pose la question : comment se présente le bilan ? Le partenariat américano-israélien a réussi à détruire la Syrie, la transformant en un enfer de tueries intestines ; la Russie a perdu pied dans la région ; Etat islamique a été relancé ; le sectarisme est en recrudescence. Le Hezbollah a été dé-capitalisé mais pas détruit. La région est balkanisée, fragmentée et brutalisée.
Le snapback du JCPOA a été déclenché et le 18 octobre, le JCPOA lui-même expire. Trump se retrouve alors avec une « feuille blanche » sur laquelle il peut écrire un ultimatum exigeant la capitulation iranienne, ou une action militaire (s'il le souhaite).
De l'autre côté du récit, si nous revenons aux objectifs initiaux de la Résistance d'épuiser militairement Israël ; de créer une guerre intestine en Israël ; et de remettre en question morale et pratique le principe du sionisme qui confère des droits spéciaux à un groupe de population sur un autre, alors on pourrait dire que la Résistance - à un coût très élevé - a eu un certain succès.
Plus important encore, les guerres sanglantes d'Israël ont déjà provoqué la perte d'une génération de jeunes Américains, qui ne reviendront pas en arrière. Quelles que soient les circonstances de l'assassinat de Charlie Kirk, sa mort a permis au génie de la domination « Israël d'Abord » dans la politique républicaine de s'échapper librement de la bouteille.
Israël a déjà perdu une grande partie de l'Europe, et aux États-Unis, l'insistance intolérante de Trump et des Israel First sur la fidélité à Israël et à ses actions a déclenché un intense refoulement du Premier Amendement.
Cela met Israël sur la bonne voie pour « perdre » l'Amérique. Et cela pourrait être existentiel pour Israël, qui pourrait avoir besoin de réévaluer fondamentalement la nature du sionisme (ce qui était, bien sûr, l'objectif déclaré de Seyed Nasrallah).
À quoi ça ressemblerait ? Accélération de la migration - laissant un patchwork de récalcitrants sionistes survivre au milieu d'une économie stagnante et d'un isolement mondial. Est-ce durable ?
Quel est l'avenir qui s'annonce pour les petits-enfants d'Israël ?
Alastair Crooke
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.