La Rédaction
Professeur Haïm Bresheeth-Žabner, militant juif antisioniste britannique
Transcription/traduction de l'interview de Haïm Bresheeth-Žabner, militant juif antisioniste britannique, par Electronic Intifada, le 2 octobre 2025
Ali Abunimah (Electronic Intifada) :
... Le dernier ouvrage de Haïm s'intitule An Army Like No Other: How the Israel Defense Forces Made a Nation (Une armée pas comme les autres : comment les Forces de défense israéliennes ont façonné une nation), publié par Verso en 2020.
Rod Such, qui en a fait la critique pour The Electronic Intifada, l'a qualifié de « regard perspicace sur l'histoire du militarisme israélien et de l'éthique militaire qui caractérise à la fois l'État et la société ». Haïm travaille actuellement sur un nouveau livre consacré au projet du Grand Israël et à la manière dont Israël est, selon lui, le moteur du chaos de l'impérialisme occidental.
Haïm, bienvenue dans l'émission en direct de The Electronic Intifada.
Haim Bresheeth-Žabner :
Merci de m'accueillir et, surtout, merci d'accomplir ce travail essentiel qui consiste à rendre compte chaque jour du génocide.
Ali Abunimah :
Merci, Haïm, et merci à vous aussi pour votre soutien et votre solidarité sans faille. Comme je l'ai dit, nous reviendrons plus tard dans l'émission sur le soi-disant plan en 20 points pour Gaza que Trump présente comme un plan de paix, mais qui n'est bien sûr qu'un projet visant à poursuivre le génocide.
Dans un article que vous avez écrit pour The Electronic Intifada en février, Haïm, vous avez déclaré que l'intention exprimée à l'époque par le président américain d'expulser tous les Palestiniens de Gaza, ou plutôt, vous avez écrit à ce sujet, je cite, que cela « rappelait le discours tristement célèbre d'Adolf Hitler au Reichstag le 30 juin 1939, dans lequel il appelait à résoudre le terrible problème des réfugiés juifs du Reich allemand en juillet 1938. Hitler s'en est pris aux dirigeants occidentaux, et en particulier aux États-Unis, qui refusaient d'accueillir des réfugiés. À bien des égards, Trump a surpassé Hitler lors de sa conférence de presse avec Netanyahu mercredi dernier. Comme Hitler avant lui, il s'en est pris au groupe le plus décrié de la planète, qui se trouve être aujourd'hui le peuple palestinien. » Comme je l'ai souligné, vous avez écrit cela en février, mais vous auriez pu l'écrire hier, et je voudrais simplement que vous commentiez ce que nous voyons dans le soi-disant plan actuel et que vous nous fassiez part de votre réaction à ce sujet.
Haïm Bresheeth-Žabner :
Eh bien, cela s'appelle un plan de paix. Il s'agit en réalité d'un plan de capitulation coloniale, et il est intéressant de noter qu'il est présenté au monde entier pour qu'il le voie et en soit horrifié, alors qu'après deux ans, Israël doit admettre qu'il ne peut pas vaincre le Hamas.
C'est en soi un fait assez incroyable, que la quatrième armée la plus puissante au monde, approvisionnée à outrance par l'Occident, par tout l'Occident sanglant, si je peux m'exprimer ainsi, ait abouti à la destruction de tout Gaza, les logements, les hôpitaux, les écoles, les installations permettant de préserver la vie partout, y compris toutes les infrastructures. En tuant probablement ce que les gens pensent maintenant être plus d'un demi-million de Palestiniens, car les chiffres fournis par le Hamas sont tellement incomplets qu'ils n'ont plus aucun sens aujourd'hui. Et après cela, après deux ans de cela, aucun pays, à l'exception d'un petit groupe de gouvernements qui ont soutenu l'Afrique du Sud devant la CIJ, aucun pays n'a pris la défense des Palestiniens.
Vous savez, mes deux parents ont survécu à Auschwitz et j'ai été élevé dans la conviction que si seulement les gens savaient ce qui se passait dans les camps de la mort, ils se soulèveraient et y mettraient fin. Eh bien, j'avais tort. Nous voyons aujourd'hui le monde entier capituler à Israël et aux États-Unis, et maintenant ils veulent que les pauvres gens de Gaza, le peuple héroïque de Gaza, le peuple humain de Gaza, se rendent, ils veulent leur mort.
Et soit vous signez ici, soit je vous tue tous. Ce n'est pas seulement un génocide à Gaza. C'est un déclin de l'humanité à travers le monde, un déclin de l'humanité et de sa capacité à mettre fin au mal. Et je pense que c'est encore pire que l'Holocauste causé par les nazis, pour plusieurs raisons. L'une d'entre elles est que l'Holocauste nazi, qui nous terrifie bien sûr tous encore aujourd'hui, n'était pas basé sur le sadisme, sur la cruauté. C'était un génocide fonctionnel, et parce qu'il était si fonctionnel et si industrialisé, il a fallu très peu de personnes pour tuer un nombre considérable de personnes. Il était totalement mécanisé, avec, vous le savez, les dernières technologies de l'époque, principalement le gaz, et il était très efficace.
La majeure partie de la population allemande n'en savait même pas rien. Tout cela a été gardé secret, pour une raison, parce qu'ils savaient à quel point c'était mal. Ainsi, un petit groupe de personnes a agi de manière industrielle pour tuer plus de 25 millions de personnes. Environ 5,5 millions d'entre elles étaient juives, mais elles ne constituaient pas la majorité. Et beaucoup d'autres ont été tuées non pas dans les camps, mais d'une balle dans la tête près d'un charnier. Aujourd'hui, le génocide à Gaza est très différent. Il est très personnel. Il est en fait perpétré par des centaines de milliers de soldats israéliens. C'est le génocide le plus démocratique que nous ayons connu de notre vivant. C'est le génocide le plus technologique.

C'est le génocide le plus médiatisé, et le plus effrayant en raison du rôle joué par le sadisme et la brutalité, qui consistent en fait à partager les horreurs avec votre famille, vos amis et des personnes que vous ne connaissez pas, mais avec lesquelles vous ressentez, en tant qu'auteur du génocide, le besoin de les partager. Cela ne s'était jamais produit auparavant. C'est d'autant plus terrifiant que chacun.e dans le monde sait désormais ce que fait Israël, et qu'Israël le fait de manière fonctionnelle. Non... Ils sont totalement sadiques, mais ils ne le font pas parce qu'ils sont sadiques. En réalité, ils soutiennent le sadisme des soldats sur le terrain, mais ils le font parce qu'ils veulent que tous les Palestiniens quittent la Palestine.
Il s'agit également d'un génocide fonctionnel, dont la fonction est de vider la Palestine. Et ce document de paix est en fait un moyen d'achever ce que les bombardements, la famine et la destruction n'ont pas réussi à faire. Trump s'avance maintenant pour aider Israël là où il a échoué. Il n'a pas réussi à vaincre le Hamas, il n'a pas réussi à vaincre les autres groupes, et il n'a pas réussi à vaincre le peuple de Gaza et le peuple palestinien qui les soutient. Mais ils n'ont pas échoué dans une tâche, celle de vaincre l'humanité tout entière. Il est vrai que nous avons une opposition massive, des manifestations massives, des rassemblements massifs partout, une intervention massive des médias sur les réseaux sociaux.
Des centaines de millions de personnes sont actives. J'étais autrefois l'un des dix antisionistes de Grande-Bretagne. Aujourd'hui, nous avons des millions de Britanniques qui sont antisionistes, et pour une bonne raison. La principale réussite est donc l'affaiblissement du droit international. Non, je ne dirais pas qu'il s'agit d'une véritable remise en cause, mais plutôt d'une véritable extermination, d'une suppression de toute trace du droit international, d'une humanité commune, d'une empathie partagée entre les peuples, tout en qualifiant cela d'action humanitaire. Je pense que c'est une réussite d'une certaine ampleur. Le sadisme et la brutalité qui se cachent derrière cette réussite sont sans précédent. C'est une véritable réussite.
Nora Barrows-Friedman (Electronic Intifada) :
Merci beaucoup pour cela. Oui, comme vous le dites, la nature sadique et la violence psychotique implacable que l'État d'Israël exerce et intensifie jour après jour, heure après heure, à Gaza, en Cisjordanie et dans la Palestine historique. Et la nature ouverte et manifeste de leur plan. Ils s'en vantent. Ils s'en glorifient. C'est stupéfiant. Haïm, dans votre livre, An Army Like No Other, vous retracez l'histoire de ce qu'on appelle les Forces de défense israéliennes et la manière dont elles ont joué un rôle central dans la formation de l'État et de la société israéliens, devenant ainsi leur institution la plus puissante.
Outre le fait évident qu'elles commettent un génocide d'une ampleur sans précédent, comment interprétez-vous le rôle que joue aujourd'hui l'armée israélienne au sein d'Israël ? Conserve-t-elle le même niveau d'influence en interne, ou existe-t-il de nouveaux centres de pouvoir qui dominent le régime sioniste ?
Haïm Bresheeth-Žabner :
Je pense que oui. Je voudrais mentionner quelques statistiques. Vous savez bien sûr, pour avoir couvert ce sujet à maintes reprises et avec brio, qu'Israël est une société divisée. Elle ne pourrait être plus divisée qu'elle ne l'est déjà. Elle est déchirée par des divisions, et elle est aujourd'hui le théâtre d'une lutte pour la domination entre deux élites.
L'ancienne élite, qui est celle des Juifs ashkénazes, dont je suis issu, et la nouvelle élite, qui est issue de nombreux groupes. Principalement les Mizrahim, les Juifs arabes qui ont été sionisés par Israël depuis 1948, et même avant. Et, euh, vous savez, une bande hétéroclite, un ensemble de groupes nazis d'extrême droite qui sont maintenant au gouvernement. Ces deux groupes sont rarement d'accord, mais le peu sur lequel ils s'accordent est très important.
Ils sont d'accord sur le génocide. Ils sont d'accord sur la nécessité d'expulser les Palestiniens de leur pays. Ils sont d'accord sur la méthode à employer pour y parvenir. Et comment le savons-nous ?
Parce qu'Israël nous le dit très clairement. En 2024, en mars et avril 2024, deux sondages ont été réalisés par l'université de Tel Aviv, et tous deux ont donné des chiffres très intéressants sur le soutien au génocide. Dans l'ensemble, moins de 3 % des Juifs israéliens - et je dis bien les Juifs israéliens car ils n'ont même pas demandé leur avis aux Palestiniens israéliens, c'est-à-dire aux Palestiniens ayant la citoyenneté israélienne. Ils n'ont interrogé que les Juifs. Et seulement 2 % d'entre eux s'opposaient au génocide.
Les 97 % restants se sont divisés en deux groupes principaux. Un groupe a déclaré que le niveau de violence et de brutalité était tout à fait approprié à Gaza, et un autre groupe a déclaré qu'il fallait améliorer ce niveau, car il n'était pas suffisant. Nous devons être plus violents. C'est donc le type de soutien dont bénéficie encore l'armée, et c'est pourquoi je qualifie le génocide de véritablement démocratique. Ce n'était pas un sujet électoral, mais si cela avait été le cas, il aurait obtenu les mêmes pourcentages.
Alors la seule institution nationale que la plupart des Israéliens -, je pense que 97 % d'entre eux peuvent être considérés comme la plupart des Israéliens -, soutiennent est l'armée. Sur tout le reste, ils sont totalement divisés.
Et si ce processus de dépeuplement de la Palestine devait s'arrêter, ils se sauteraient à la gorge, car rien ne les empêcherait de s'entre-tuer. Ils se détestent, je pense, probablement autant qu'ils détestent les Palestiniens. La société israélienne est fondée sur la haine, sur l'hostilité, le seul, le seul langage qu'ils comprennent est celui de la force.
Ils ne négocient jamais. En réalité, ils utilisent les négociations comme un moyen de cibler les négociateurs, comme vous l'avez vu à maintes reprises, et récemment à Doha lorsqu'ils ont tenté d'assassiner l'équipe de négociation du Hamas.
Pour eux, il n'y a rien à discuter. La seule chose qui compte, c'est de vider la Palestine, et tous les moyens sont désormais bons pour y parvenir. Je pense donc que ces conflits sont très atypiques par rapport à ceux qui se déroulent ailleurs. Et ils sont une invention d'Israël.
Et il est très important que l'armée soit tant soutenue, car elle suit les changements sociaux israéliens. L'un de ces changements est la religionisation de la société israélienne. La société israélienne est aujourd'hui l'une des plus religieuses de la planète. Si, en 1948, moins de 15 % des Israéliens étaient des juifs pratiquants, ils représentent aujourd'hui plus des deux tiers de la population israélienne. Vous savez, à Londres, où je vis, les chrétiens pratiquants représentent 5 % de la population. En Israël... Partout ailleurs, à l'exception probablement des États-Unis, la religion touche de moins en moins la population. En Israël, elle monte vers les 97 % mentionnés dans le sondage que j'ai cité.
Un sondage réalisé par le Pew Institute aux États-Unis démontre un fait simple concernant Israël. Plus vous êtes religieux, plus vous êtes nationaliste et plus vous approuvez le génocide. Cela a été prouvé année après année par l'Institut Pew.
Je pense donc que l'armée a fondamentalement changé, car les deux tiers des personnes qui la composent aujourd'hui sont des juifs religieux. Et je ne parle pas seulement des personnes qui vont à la synagogue. Je parle des messianiques animés par la suprématie juive, des nationalistes extrêmes, des fascistes et des néonazis qui profanent la religion juive et l'histoire juive.
Le génocide n'a rien de juif. Les Juifs ont été victimes de génocide. Ils ne l'ont pas infligé à d'autres. Il n'y a rien de juif dans la brutalité dont fait preuve aujourd'hui l'État juif à l'égard des Palestiniens. Il n'y a rien de juif dans l'État juif. C'est un fait.
Mais, comme à d'autres moments de l'histoire, la religion est utilisée pour attiser et enflammer de grands groupes. L'armée a donc suivi la société, car elle recrute ses soldats dans la société. C'est désormais une armée pleine de rabbins qui bénissent les troupes et le sang qu'elles versent... Et qui justifient les brutalités.
Donc, oui, l'armée a changé. Elle est beaucoup plus religieuse, beaucoup plus nationaliste, et pourtant elle est efficace pour tuer des civils, mais elle ne fonctionne pas lorsqu'elle doit combattre des gens armés, car ces gens résistent réellement...
Ali Abunimah :
Hé, sérieusement. Laissez-moi vous poser une petite question complémentaire. A-t-il toujours été ainsi ? Je veux dire, pendant des décennies, il y a eu ce mythe des combattants israéliens très héroïques, très compétents, invincibles, vous voyez. Est-ce que ça a toujours été un mythe ou est-ce que ce que nous voyons aujourd'hui a toujours été la réalité, à savoir des lâches... qui assassinent des bébés et bombardent des hôpitaux ? Et qui portent ensuite les sous-vêtements des femmes qu'ils ont assassinées ?
Haïm Bresheeth-Žabner :
Bien sûr, c'est très fastoche, comme on dit. Vous savez, un peu plus de deux millions de personnes, enfermées dans un immense camp de concentration à Gaza. Vous leur tirez dessus, et c'est devenu un sport, bien sûr. Aujourd'hui, on tire dans les yeux, demain, on tire dans les genoux. Vous connaissez tous ces nouveaux sports développés par l'armée israélienne.
Mais en réalité, ce n'est pas nouveau. C'est... Vous savez, Gaza a été attaquée chaque année depuis 1948. Chaque année. Et Gaza, rappelez-vous, est essentiellement un rassemblement de personnes provenant du reste de la Palestine. La plupart d'entre elles ne résidaient pas à Gaza avant 1948. Elles viennent de toutes les communautés de Palestine.
Quand j'étais enfant, je vivais dans un appartement avec des gens de Jabalia qui s'étaient retrouvés à Jabalia parce qu'ils avaient été expulsés par l'Irgoun en 1948.
Et toute la population de Jabalia à Jaffa s'est retrouvée à Jabalia, à Gaza, tout comme des gens venus de tout le pays. Ainsi, les attaques contre ces personnes sans défense à Gaza ont commencé en 1948 et n'ont jamais cessé.
Les différents massacres dont nous avons connaissance, je veux dire, les gens connaissent Deir Yassin, mais il y en a eu beaucoup d'autres. Ils ont tué des personnes totalement sans défense et, jusqu'à récemment, ils ne voulaient pas l'admettre. En fait, grâce à des historiens israéliens comme Ilan Pappé, nous connaissons maintenant Tantura, al-Dawayima et tous ces massacres sont des faits avérés. Donc, l'attaque...
Ali Abunimah :
Désolé de vous interrompre, Haïm, mais le slogan israélien semble être aujourd'hui : « La Nakba est un mensonge, mais nous vous la referons subir ». C'est ce qu'ils semblent dire... Vous savez, nous avons beaucoup de politiciens israéliens qui disent : « Nous vous ferons subir une autre Nakba. » Donc, ils le nient officiellement tout en en étant absolument fiers.
Mais, Haïm, j'aimerais élargir un peu le débat.
Ces informations sur la société israélienne sont extrêmement précieuses, mais Israël joue également un rôle mondial et un rôle au sein de l'empire américain. Comme je l'ai mentionné plus tôt, vous... Dans le livre sur lequel vous travaillez, dont nous aimerions en savoir un peu plus, vous qualifiez Israël d'agent du chaos de l'Occident, ou de l'empire.
Expliquez-nous ce que vous entendez par là.

Haïm Bresheeth-Žabner :
Eh bien, c'est très simple.
Le sionisme ne se contente pas de combattre le peuple palestinien. Le sionisme combat les peuples de l'Asie occidentale. Israël est le seul pays qui combat actuellement six États. Aujourd'hui, la plupart de ces États ont été réduits en cas désespérés, ce qui est la tâche d'Israël.
Et pour replacer cela dans son contexte, les BRICS, au sein desquels la Chine occupe une place centrale, a... bien sûr, ils ont obtenu une armée très puissante, parce qu'il le faut, à cause des États-Unis et de l'Occident.
Mais en réalité, ce pour quoi les BRICS sont connus, et ce pour quoi la Chine est connue, c'est la construction. Ce pour quoi l'Occident est connu, c'est la destruction, l'extermination. Et Israël est l'agent de ce chaos. C'est l'agent qui transforme l'Asie occidentale en une série d'États en ruine.
Commençons par l'Irak en 2003. Et en fait, bien sûr, à partir de 1991, lors de la première guerre en Irak, qui a servi de modèle à ce qui a suivi.
Au Liban, je ne m'en souviens même plus maintenant du nombre de fois où Israël a détruit Beyrouth et le sud du Liban.... Et ils prévoient de le refaire. Aujourd'hui, le Liban est un cas désespéré. Ce n'est plus une société qui fonctionne. Si le Hezbollah n'offrait pas une certaine défense au Liban, il aurait été envahi depuis longtemps.
La Syrie est évidemment l'un des cas de cause désespérée que nous ayons jamais vus. Je ne mentionne même pas l'Irak, cela va sans dire, car c'est là que le modèle a été mis au point.
Yémen... l'Occident, les pays du Golfe et Israël, et surtout les États-Unis, bien sûr, ont réduit le Yémen à néant. C'est le pays le plus endommagé, et pourtant il reste un centre de résistance. C'est un symbole auquel nous devons réfléchir et que nous devons suivre.
La Corne de l'Afrique est détruite de manière irréparable. La Libye n'est plus un État, comme vous le savez. Et maintenant, ils prévoient d'aller plus loin. La Turquie a été avertie qu'elle allait être attaquée, probablement à Chypre, et il y a beaucoup d'informations à ce sujet. Les Israéliens sont impliqués dans la lutte des Baloutches contre le régime pakistanais. Imaginez cela. Nous sommes à quelques milliers de kilomètres de la république démocratique du génocide. Et puis, bien sûr, il y a la grande cible de l'Iran, qu'ils prévoient de détruire avant même Noël, si les informations sont vraies, et je suis désolé de dire que oui, je pense qu'elles le sont.
Il s'agit donc d'un moteur de chaos en Asie occidentale et au Moyen-Orient, au service des empires occidentaux en déclin, car ils sont en déclin. Et lorsque les empires déclinent, ils deviennent les animaux les plus dangereux à affronter. C'est donc là le fondement de mes recherches et de mon livre.
Nora Barrows-Friedman :
J'ai hâte de le lire. Et je me prépare aussi à découvrir à quel point tout cela est horrible quand c'est condensé dans ce genre d'ouvrage.
Haïm Bresheeth-Žabner :
Et s'il vous plait, n'oubliez pas que Gaza est le théâtre de l'horreur, un exemple pour tous ceux qui, au Moyen-Orient, pensent encore qu'ils devraient être indépendants et libres. C'est l'exemple donné à tous les habitants du Moyen-Orient. Faites ce que nous vous disons, ou nous vous amènerons Gaza chez vous. C'est vraiment ce qu'ils disent à Jénine, et dans l'ensemble de la Cisjordanie : si vous ne vous comportez pas correctement, vous aurez Gaza, et il y a déjà un peu de Gaza là-bas.
Le professeur Haim Bresheeth a été arrêté lors d'une manifestation devant la résidence de l'ambassadeur israélien dans le nord de Londres. Le motif : discours haineux (capture d'écran)
Nora Barrows-Friedman :
Haïm, en novembre dernier, vous avez été victime de la répression croissante de l'État britannique contre les militants solidaires. Vous avez fait un discours lors d'une manifestation près de la résidence de l'ambassadrice israélienne Tzipi Hotovely. La police a écouté ce discours et vous a ensuite accusé de discours haineux et vous a inculpé en vertu des lois dites antiterroristes, peu de temps après. Écoutons un court extrait de ce que vous avez dit dans ce discours, puis vous nous direz combien de temps vous avez été détenu et ce qui s'est passé :
« Mais Israël ne peut pas non plus se réjouir. Il n'a atteint aucun de ses objectifs déclarés, ni à Gaza, ni au Liban, ni en Iran, ni ailleurs. Qu'a-t-il accompli ? Des meurtres, des ravages, un génocide, du racisme, de la destruction. C'est ce qu'ils savent faire. Ils sont vraiment doués pour tuer des bébés, ils sont vraiment doués pour tuer des femmes et des vieillards. Mais ils ne peuvent pas combattre la résistance. Ils ont perdu à chaque fois. Israël a remporté plusieurs guerres contre des armées très puissantes et performantes. Vous vous en souvenez. Ils ne peuvent pas vaincre le Hamas. Ils ne peuvent pas vaincre le Hezbollah. Ils ne peuvent pas vaincre les Houthis. Ils ne peuvent pas vaincre la résistance unie contre le génocide qu'ils ont déclenché... »
Nora Barrows-Friedman :
C'est pour cette raison que les lois dites antiterroristes ont été appliquées à votre encontre. Que s'est-il passé ? Racontez-nous, oui, expliquez-nous simplement ce qui s'est passé.
Haïm Bresheeth-Žabner :
Je ne veux pas trop en parler, car nous sommes confrontés à Gaza à quelque chose de tellement terrifiant que ce qu'ils nous font subir en Occident n'est vraiment rien, vous savez.
Oui. Bien sûr, ils essaient de nous réduire au silence, de réduire au silence ceux qui s'expriment en faveur des droits du peuple palestinien et contre le sionisme et ses méfaits. Mais ils n'y parviendront pas. Ils sont maintenant... Ils ont inculpé... Quand j'ai été arrêté pour terrorisme, j'étais le deuxième ou le premier, et nous étions moins de cinq. Il y a maintenant 1 700 personnes qui attendent de comparaître devant le tribunal, accusées de terrorisme parce qu'elles se sont assises avec un bout de papier disant : « Je suis contre le génocide et je soutiens Palestine Action ». C'est ce qu'ils ont fait.

Pour l'Occident, et en particulier pour le Royaume-Uni, source des problèmes de la Palestine, source de soutien depuis plus d'un siècle au projet sioniste, cette société maléfique, cet empire maléfique qui a détruit de nombreux endroits sur cette Terre pendant des centaines d'années, la dernière destruction qu'ils ont imaginée, en 1916, est celle de la Palestine.
C'est la dernière colonie de l'Empire britannique, et cela se poursuit au XXIe siècle ? Je veux dire, est-ce réel ? Ces gens sont-ils sérieux ? Ils soutiennent le colonialisme de peuplement en 2025 ? Ils l'arment ? Ils effectuent des missions aériennes contre le peuple de Gaza, afin de fournir des cibles à l'armée israélienne, à cette force meurtrière, n'est-ce pas ?
Je pense donc qu'ils ne peuvent pas nous vaincre.
Ils ne peuvent pas nous réduire au silence. Ils peuvent nous punir comme ils ont essayé de me punir, et ils essaient de nous punir tous. Nous préférons aller en prison plutôt que de nous taire. Nous ne nous tairons pas tant que la Palestine ne sera pas libre, tant que tout le monde en Palestine ne sera pas libre.
Et ce plan ne mènera pas à une Palestine libre. Nous le savons. Ce plan tente d'apaiser les populations des pays occidentaux et du Moyen-Orient arabe afin de poursuivre leur génocide par d'autres moyens, des moyens moins répugnants mais tout aussi efficaces.
Et ils pensent avoir suffisamment effrayé les Palestiniens, mais ce n'est pas le cas, ils n'ont pas mis fin au génocide. Ils n'ont pas arrêté le génocide, pas même un instant. Je pense donc que nous ne nous laisserons pas intimider. Nous ne nous laisserons pas réduire au silence. Et ils peuvent arrêter autant de personnes qu'ils le souhaitent.
Une manifestation est prévue le 11 octobre, soit près de deux ans et quatre jours après le début de ce génocide. Et en fait, plus de 500, pardon, 1 500 personnes ont déjà déclaré qu'elles s'assiéraient pour se faire arrêter. Les tribunaux seront pleins. Il n'y a pas assez de prisons pour accueillir tous ces milliers de retraités comme moi qui luttent contre un gouvernement malfaisant composé de criminels de guerre. Cela ne gagnera pas.
Ali Abunimah :
M. Haïm, c'est réconfortant de vous entendre, d'entendre la détermination dans votre voix, et je sais que vous êtes rejoint par tant de personnes.
Nous voyons tout le temps les vidéos de Keir Starmer, de la police arrêtant des personnes pour s'être opposées au génocide, alors que le gouvernement britannique continue de soutenir, de financer et d'armer ce génocide. C'est absolument pervers. Nous vivons dans un monde sens dessus dessous où le bien est considéré comme mal et le mal comme bien.
Et nous vous sommes très reconnaissants de lutter contre cela de tant de façons, intellectuellement, à travers votre travail universitaire, en mettant votre propre liberté en jeu en descendant dans la rue pour manifester. Si les gens veulent en savoir plus sur ce que vous faites le 11 octobre, comment peuvent-ils s'informer ?
Haïm Bresheeth-Žabner :
Je vous enverrai les liens plus tard dans la journée... Nous serons partout, en Grande-Bretagne, et nous parlerons d'une seule voix contre le génocide et contre le gouvernement qui soutient ce génocide.
Ali Abunimah :
Merci. Merci beaucoup de vous être joint à nous aujourd'hui, Haïm...
Le professeur Haim Bresheeth-Žabner est cinéaste, photographe et spécialiste des études cinématographiques. Il est retraité de l'Université d'East London et travaille maintenant à la SOAS, la School of Oriental and African Studies de l'Université de Londres. Il est membre fondateur du Jewish Network for Palestine (Royaume-Uni). Haim Bresheeth-Žabner est également un collaborateur occasionnel de « The Electronic Intifada ».
Source : The Electronic Intifada
Traduction, transcription : Jean-Pierre Bouché