15/10/2025 legrandsoir.info  7min #293448

La saison de la récolte des olives en Cisjordanie : racines de résilience face à l'arrachage

Rasem BISHARAT

Avec l'arrivée de l'automne en Palestine, la récolte des olives revient comme un événement annuel qui dépasse sa simple dimension agricole. C'est une célébration de la terre et de l'identité, un rituel social et économique profondément enraciné, et en même temps, une lutte continue menée par les Palestiniens contre les politiques d'occupation qui visent à la fois les arbres et les êtres humains.

L'olivier est l'un des symboles les plus puissants de la relation du peuple palestinien avec sa terre et son histoire. Ce n'est pas seulement un arbre fruitier, mais un témoin vivant des liens profonds qui unissent les Palestiniens à leur terre depuis des milliers d'années. Au fil du temps, l'olivier est devenu un symbole de paix, de persévérance et de résilience face à l'arrachage et au déplacement, profondément enraciné dans la conscience collective palestinienne à travers les proverbes, les chants et les récits populaires qui reflètent ce lien durable avec la terre.

Une présence étendue et des racines profondes

Les oliviers sont présents dans toute la Palestine historique, en particulier dans les régions vallonnées et les plaines caractérisées par un climat modéré et un sol fertile. Les gouvernorats de Cisjordanie - tels que Naplouse, Jénine, Ramallah, Tulkarem et Bethléem - comptent parmi les centres les plus importants de culture de l'olivier, tandis que les régions côtières et méridionales comme Gaza et Hébron sont connues pour leurs variétés distinctives.

Plus de la moitié des terres agricoles palestiniennes sont plantées d'oliviers, faisant de ces arbres l'épine dorsale de l'agriculture nationale.

L'olivier est l'un des plus anciens arbres cultivés connus des Palestiniens. Des études archéologiques indiquent que sa culture remonte à plus de 6 000 ans au Levant. Mentionné dans les textes sacrés, il occupe une place particulière dans le patrimoine palestinien en tant que symbole de paix et de persévérance. À travers les âges - des Cananéens et des Romains jusqu'à l'époque moderne - l'olivier a témoigné de l'attachement du peuple palestinien à sa terre malgré l'occupation, les guerres et les déplacements forcés.

Un pilier économique et un catalyseur social

L'importance de l'olivier dépasse largement son symbolisme ; il constitue un pilier fondamental de l'économie palestinienne. Plus de 100 000 familles dépendent de ce secteur comme principale source de revenus, et la saison de la récolte génère des milliers d'emplois saisonniers. L'huile d'olive palestinienne - parmi les meilleures au monde - est utilisée dans la cuisine, la fabrication de savon et les produits traditionnels. Ce secteur contribue de manière significative à la production agricole nationale, jouant un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire et dans le renforcement de la résilience des agriculteurs face aux politiques coloniales.

Sur le plan social et culturel, la saison de la récolte est une occasion nationale qui réunit familles et communautés dans une atmosphère de coopération et de solidarité. Les oliveraies deviennent des lieux de rencontre qui reconnectent les Palestiniens à leurs racines.

Récolte 2025 : une récolte sous siège

Mais cette image vibrante se heurte à une réalité brutale. Lors de la saison de récolte de 2025, l'oliveraie n'est plus seulement un lieu de joie, mais aussi un champ de bataille où les Palestiniens font face à des attaques incessantes de l'occupation et de ses colons.

Depuis le début de l'année, des organisations de défense des droits humains ont documenté l'arrachage ou la destruction d'au moins 9 700 oliviers dans toute la Cisjordanie.

Dans la localité d'Al-Mughayyir, au nord de Ramallah, les forces d'occupation israéliennes ont déraciné environ 3 000 oliviers en août, invoquant des « raisons de sécurité », tandis que des colons ont abattu environ 200 arbres dans la même localité en mai. À Al-Sawiya, au sud de Naplouse, 35 arbres ont été coupés lors d'une attaque, et 100 arbres ont été détruits dans le gouvernorat de Salfit en mars. À Masafer Yatta, au sud d'Hébron, environ 200 arbres supplémentaires ont été déracinés, et dans la ville d'Azzun, à Qalqilya, 55 oliviers matures ont été détruits.

Des rapports locaux indiquent qu'à la mi-2025, les gouvernorats de Bethléem, Ramallah et Naplouse avaient perdu au moins 6 144 oliviers.

Des chiffres révélateurs de l'ampleur du ciblage

Les pertes subies par les Palestiniens dépassent de loin une seule année ou une seule saison. Au fil des décennies d'occupation, des milliers d'oliviers ont été déracinés ou détruits chaque année. Des études et rapports historiques estiment que des centaines de milliers, voire plus de 800 000 oliviers, ont été déracinés depuis 1967, lorsque l'on combine des données provenant de multiples sources et sur de longues périodes.
Ce chiffre cumulatif ne reflète pas seulement les moyennes annuelles ; il illustre les dommages profonds infligés au paysage agricole palestinien au fil des décennies.

L'Organisation Al-Baidar, ainsi que des agences de l'ONU et diverses organisations de défense des droits humains et des médias, ont documenté une augmentation marquée des actes de vandalisme et des attaques contre les agriculteurs pendant les périodes de tensions, notamment après le 7 octobre 2023, avec des centaines, voire des milliers d'arbres endommagés lors de vagues et de saisons successives. Ce schéma indique une escalade délibérée du rythme des attaques à chaque crise politique ou sécuritaire.

Les agressions ne se limitent pas à l'arrachage ou à l'abattage. Elles comprennent une série de violations qui reflètent une politique israélienne systématique visant à déraciner les Palestiniens de leurs terres et à s'en emparer. Rien que ces deux derniers jours, les territoires palestiniens occupés ont été témoins de multiples violations commises par l'armée israélienne et les colons, des actions qui contredisent le droit et les normes internationales :

• Destruction d'arbres à Kafr Qaddum : Des colons ont détruit environ 50 oliviers sur les terres de la ville à l'est de Qalqilya, attaquant directement la source de subsistance des habitants.

• Abattage d'arbres à Marj Si'ah : Des colons ont abattu des arbres appartenant à des résidents palestiniens entre les villages d'Abu Falah et de Turmus'ayya, dans une tentative de s'emparer de la terre.

• Vol de récoltes à Wadi al-Rababa : À Silwan, au sud de la mosquée Al-Aqsa, des colons ont volé des récoltes d'olives tandis que les forces israéliennes empêchaient les propriétaires d'entrer dans leurs oliveraies et les agressaient.

• Accès restreint à Rantis : Les forces israéliennes ont arrêté des agriculteurs à Rantis, à l'ouest de Ramallah, et leur ont interdit de récolter les olives sans permis spéciaux - une mesure visant à exercer un contrôle total sur l'accès des Palestiniens à leurs terres.

Ces incidents ne sont pas isolés, mais font partie d'une politique israélienne en escalade visant l'environnement agricole palestinien et restreignant le droit des Palestiniens à cultiver et à profiter de leurs terres durant une saison d'une importance économique et culturelle immense.

Conclusion

Face à ces violations, les Palestiniens insistent pour poursuivre leur récolte et transformer la cueillette des olives en un acte quotidien de résistance. Les comités populaires, ainsi que des volontaires locaux et internationaux, organisent des campagnes pour accompagner et protéger les agriculteurs dans les champs, une scène qui reflète l'engagement indéfectible des Palestiniens envers leur terre et leur identité malgré le danger.

La saison de la récolte des olives en Cisjordanie cette année n'est pas simplement une saison agricole ; c'est une bataille pour la survie et l'identité face à des politiques cherchant à déraciner à la fois la terre et son peuple. Alors que les bulldozers israéliens tentent d'arracher les oliviers et d'assécher leurs racines, les Palestiniens continuent de les planter et de les récolter, génération après génération, affirmant que leur lien avec la terre n'est ni saisonnier ni circonstanciel, mais une racine profondément ancrée dans l'histoire et impossible à arracher.

Et peu importe combien d'arbres sont arrachés de la terre - qu'il s'agisse de milliers chaque année ou de plus de 800 000 au fil des décennies - l'olivier en Palestine demeure un symbole puissant de résilience et d'appartenance, et une preuve durable que les Palestiniens restent fermement attachés à leur terre malgré toutes les tentatives d'arrachage.

Dr. Rasem Bisharat
Commissaire aux relations extérieures, Organisation Al-Baidar pour la défense des Bédouins et des villages ciblés

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