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Le bâtiment James V. Forrestal, qui abrite le siège du Département américain de l'Énergie (DoE), photographié le 3 juin 2025 à Washington.
Washington propose à des entreprises d'accéder à du plutonium militaire pour le transformer en carburant nucléaire. Officiellement, il s'agit de répondre à la demande en énergie, mais selon le Financial Times du 21 octobre 2025, l'objectif réel est de concurrencer la Russie dans le secteur stratégique du combustible nucléaire.
Le 21 octobre, le Département de l'Énergie des États-Unis a lancé un appel à candidatures pour permettre à certaines entreprises d'accéder à jusqu'à 19 tonnes de plutonium issu d'anciennes ogives nucléaires. Ce matériau, hautement stratégique, pourrait être transformé en combustible pour des réacteurs nucléaires de nouvelle génération, selon un article du Financial Times.
Washington présente ce projet comme une réponse à la hausse rapide de la consommation d'électricité, portée notamment par l'essor des centres de données liés à l'intelligence artificielle. Deux entreprises sont déjà en lice : Oklo Inc., basée aux États-Unis, et la société française Newcleo, qui prévoit un investissement de 2 milliards de dollars dans des infrastructures nucléaires américaines.
Le programme relance une initiative similaire abandonnée en 2018 en raison de coûts de traitement jugés trop élevés. Aujourd'hui, sous l'impulsion de Donald Trump, cette démarche revient avec un soutien politique affiché.
Un projet énergétique à portée géopolitique
L'objectif réel de cette initiative serait de réduire l'influence de la Russie sur le marché mondial du combustible nucléaire. Malgré les sanctions, Moscou demeure un fournisseur majeur. En 2024, les États-Unis ont interdit l'importation d'uranium russe jusqu'en 2040, avec certaines dérogations possibles jusqu'en 2028. La Russie a réagi en restreignant ses propres exportations vers les États-Unis.
Dans ce contexte, Washington cherche à restructurer les chaînes d'approvisionnement nucléaire. Le projet s'inscrit dans une série de mesures portées par l'administration Trump pour relancer l'industrie nucléaire américaine et attirer les investissements privés.
Des risques soulevés par les experts
Plusieurs spécialistes s'inquiètent du transfert de ce type de matériau vers des entreprises privées. Le physicien Edwin Lyman, cité par le Financial Times, alerte : « Sans règles de sécurité très strictes, ce type de matériau pourrait être volé et tomber entre de mauvaises mains. » Les entreprises intéressées devront fournir des plans détaillés sur le stockage, la manipulation et la sécurisation de ce plutonium, historiquement réservé à un usage militaire.
Cette décision intervient dans un contexte tendu. Début octobre, Moscou a officiellement mis fin à l'accord bilatéral signé en 2000 avec Washington, qui prévoyait la destruction d'une partie des stocks de plutonium militaire. La Russie estime que ce cadre de coopération n'est plus valable, les États-Unis prenant désormais des décisions unilatérales.
En ouvrant l'accès au plutonium militaire à des fins civiles, Washington tente de présenter cette initiative comme une opportunité énergétique et technologique. Pourtant, l'absence de coordination avec ses partenaires et la remise en cause d'accords bilatéraux passés, comme celui de 2000 sur la destruction du plutonium, soulèvent des interrogations. Dans un domaine aussi sensible, cette décision unilatérale pourrait fragiliser les équilibres établis, au moment où la Russie continue de défendre une approche fondée sur la sécurité et la stabilité stratégique.