
par Olivier Field
Dans la formation d'un Juge les notions de jugement en équité et de jugement en droit sont essentielles au sens propre.
Juger en droit, c'est confronter les actions d'un justiciable au droit en vigueur et uniquement au droit en vigueur. Donc un escroc qui abuse et vole la veuve ou l'orphelin, s'il a respecté la Loi, se verra blanchi par un jugement en droit. Tant pis pour la veuve et l'orphelin...
Juger en équité, c'est laisser au Juge un biais humanitaire et donc partial, qui lui fera choisir une vision de justice...naturelle. Face à l'intelligence, la rouerie du justiciable profitant de failles avec opportunité voire vice, il s'élèvera contre une double peine en semblant condamner la victime ou l'ordre social.
Deux affaires récentes nous le rappellent : Cédric Jubillar et Nicolas Sarkozy. Deux jugements manifestement «en équité».
Je n'ai guère suivi la première mais tout ce qui a été rapporté bien que riche de suppositions et d'interprétations, ne prouve rien. Pas de certitude du décès par manque de corps, pas d'aveux circonstanciés, pas d'objets incriminants d'un meurtre... 30 ans de réclusion criminelle sont tombées sur un homme qui se dit innocent (comment le saurais-je ?) au vu de son attitude dans son procès et de déclarations de proches sans valeur probatoire. L'enquête n'a pas apporté de preuves factuelles, les jurés ont dépassé cela et lourdement condamné.
Pour l'affaire Sarkozy, après des années de collecte de toutes sortes de données, d'informations et d'études des comptes et autres documents, il n'a pas été possible là encore d'apporter des preuves certaines ou des aveux de la personne incriminée. La vie publique de Nicolas Sarkozy, ses fonctions de ces dernières décennies l'ont rendu plus «connu». Les opinions et jugements sur l'homme sont légion, des millions de français pouvant y prendre part. Le couperet est tombé ! Pour Nicolas Sarkozy, ancien président de la République française, peine d'emprisonnement ferme de 5 ans pour association de malfaiteurs avec mandat de dépôt différé à exécution provisoire.
Bien entendu tous les avis ont fusé. Personne n'est au-dessus des lois, honte pour la Justice, acharnement politique, bien mérité, et alors..., république des Juges, etc... Donc voici le mien.
J'ai été confronté à ce dilemme de me réduire au droit et subordonner mon intuition, mes convictions profondes pour défendre cette institution, et non sans peine. Pourtant le bon sens et le réalisme exposent des vérités tenaces. Un président de la République, par son poste, dispose de pouvoirs énormes et serait un imbécile de ne pas les utiliser pour que jamais une preuve définitive ne puisse l'incriminer. Tout au sommet de la pyramide, il fait mieux et plus puissamment l'organisation de son irresponsabilité absolue. Et à des positions moins fortes, combien de délinquants, criminels, responsables d'actions coupables ont échappé à des sanctions légitimes ? Merci le lampiste quand on le trouve, merci aux soutiens (médias, politiques, oligarques, militants, affidés, «tenus»,...), une paix sociale se mérite ! Pourtant c'est tout l'ordre social qui en souffre et qui, gangréné, perdra son intégrité, ses forces vives qui le rendent efficient et donc utile. Certitude ne pouvant être le mot, j'écrirais conviction intime, que Nicolas Sarkozy est coupable, entre autres, de beaucoup des choses reprochées. Son intouchabilité, ses moyens de pression passés et présents ne l'ont pas épargné de ces procès mais, au final, les sanctions ne pouvaient qu'être anodines ou réduites. Cette peine de prison, épreuve difficile, infamante et exceptionnelle ne m'empêche pas de croire, qu'en équité, elle est parfaitement méritée.
Les juges ont donc œuvré, semble-t-il, au Bien Commun en appliquant cette sanction qui fera date et pourrait faire réfléchir beaucoup de nos princes du sang ou leur cour, si empreints de morgue et certains de leurs privilèges.