27/10/2025 voltairenet.org  5min #294566

Trump va-t-il jouer la carte chinoise contre la Russie ?

par Alfredo Jalife-Rahme

Les dirigeants états-uniens poussent le président Donald Trump a revenir à la politique d'Hillary Clinton de division de la Russie et de la Chine. Mais celle-ci s'est forgée avec la guerre en Ukraine et se poursuit malgré les sanctions états-uniennes contre les puissances achetant des hydrocarbures russes. Certes la politique de Richard Nixon contre l'alliance Mao-Khrouchtchev avait été fructueuse pour Washington mais, se souvenant de leur histoire, Beijing et Moscou ont compris que, divisés, ils seraient inévitablement mangés, l'un après l'autre, par les Occidentaux.

Nous assistons à un « jeu de pouvoir » super-stratégique entre les 3 superpuissances États-Unis/Russie/Chine - auxquelles on peut ajouter l'Inde - avec leurs positions respectives sur l'échiquier mondial qui subsume les mouvements locaux et régionaux qui pèsent les uns sur les autres mutuellement.

Le report spectaculaire du sommet de Budapest par Trump avec Poutine [1], a été suivi par la résurrection de son autre projet : un sommet avec Xi en Corée du Sud, qui avait été maintenu en attente.

Dans le même ordre, Trump a refusé de livrer les missiles mortels à longue portée Tomahawk à l'Ukraine par le biais de leur achat par la Commission européenne, de plus en plus belliqueuse, dirigée par l'Amazone allemande Ursula von der Leyen, qui avait bien l'intention d'utiliser de manière assez inquiétante 190 milliards d'euros des capitaux russes saisis par Bruxelles [2].

Trump veut imposer un cessez-le-feu entre la Russie et l'Ukraine sur la ligne de front, ce qui ne convient PAS à Moscou au moment où l'armée russe s'apprête à boucler le siège de la ville logistique de Pokrovsk, ce qui signifierait la main mise sur l'ensemble du Donbass. Il n'y a pas de progrès tangible dans l'intensification de l'escalade militaire, ni du côté des États-Unis ni de l'Union européenne, à l'exception des menaces de missiles à longue portée contre l'Ukraine par la Grande-Bretagne et la France, les deux seules puissances nucléaires européennes, avec lesquelles Trump lui-même [3] a pris ses distances.

Ce qu'il y a d'inattendu voire féroce chez Trump, c'est l'imposition de sanctions contre deux géants pétroliers russes - Rosneft et Lukoil - lesquels, soit dit en passant, interdiraient les importations de pétrole brut en provenance de Chine et d'Inde - désinforme le journal monarchiste The Times, une situation que Pékin et Delhi auraient déjà accepté. Les chroniqueurs britanniques sont allés jusqu'à nous égarer en disant que la Chine trahit une fois de plus la Russie - comme cela s'était produit lorsque Mao Zedong avait abandonné le soviétique Nikita Khrouchtchev pour se concilier avec le duo Nixon-Kissinger.

En fait, ni la Chine ni l'Inde n'ont officiellement accepté les sanctions pétrolières de Trump contre la Russie. Quant à Poutine, il a déclaré que les sanctions n'auraient pas d'impact « significatif » sur Moscou, tandis que le rouble a été étonnamment réévalué.

Le 25 octobre, une rencontre a eu lieu à Miami entre Steve Witkoff, l'envoyé spécial de Trump, et le conseiller de Poutine, Kirill Dmitriev [4], dont le résultat aura un impact sur le jeu mondial entre les 3 superpuissances.

Dans le calendrier super-stratégique du 24 au 29 octobre, les nouvelles positions des 3 superpuissances vont émerger (mais ne pas perdre de vue l'Inde), étant donné que les négociations commerciales cruciales ont débuté à Kuala Lumpur le 24 entre les États-Unis - avec son secrétaire au Trésor, Scott Bessent, (en grande difficulté pour son « soutien » fou à l'Argentin aliéné Milei) - et la Chine, représentée par le vice-Premier ministre He Lifeng, qui rechercherait une « pause stratégique », ce qui pourrait inclure un allègement limité des droits de douane hyperboliques dans le contexte de la guerre des puces et des terres rares et ainsi éviter « l'escalade de la guerre commerciale [5] ».

Le 26 octobre, le sommet de l'ASEAN [6] a commencé à Kuala Lumpur même, à l'unisson avec le voyage de 5 jours de Trump : de la Malaisie - où il pourrait rencontrer le président brésilien Lula et en apprendre davantage sur la « portée » des embardées de son secrétaire au Trésor - en passant par le Japon, pour rejoindre la Corée du Sud où se tiendra le sommet de l'APEC, pour négocier avec le toujours serein président chinois Xi.

Lorsque Trump était candidat, dans son interview indélébile avec Tucker Carlson [7], il avait estimé que la pire erreur du duo Obama-Biden était d'avoir poussé la Russie dans les bras de la Chine (ou vice versa) et que son objectif serait de rompre le partenariat géostratégique, qui semble aujourd'hui indissoluble, entre Moscou et Pékin [8].

L'hypothétique mais séduisante remise de Taïwan (avec les puces TSMC) à Pékin vaudra-t-elle une pause dans l'alliance solide de Xi et Poutine, ce qui fracturerait les BRICS ? Ce serait un autre virage...

 Alfredo Jalife-Rahme

Traduction
 Maria Poumier

Source
 La Jornada (Mexique)
Le plus important quotidien en langue espagnole au monde.

[1] «  Ominoso Equilibrio de Trump : Ni entrega de Tomahawks ; Ni cumbre con Putin », Alfredo Jalife, YouTube, 21 de octubre de 2025.

[2] «  EU leaders stall €140bn Ukraine loan using frozen Russian assets », Financial Times, October 23, 2025.

[3] «  Trump denies WSJ report US helped Ukraine target inside Russia », Ian Swanson, The Hill, October 22, 2025.

[4] «  Meeting between Russian, US presidential envoys to be held in Miami on October 25 », Tass, October 24, 2025.

[5] «  China, US start trade talks in Kuala Lumpur ; outcome holds global significance : expert », Chu Daye, Global Times, October 25, 2025.

[6] «  Malaysia in spotlight as regional, world leaders gather for ASEAN summit », Berk Kutay Gökmen, Anadolu Agency, October 25, 2025.

[7] «  Former President Trump Campaigns with Tucker Carlson in Glendale, Arizona », C-Span, October 31, 2024.

[8] « 'STUDENT OF HISTORY' : Trump 'knows' what happens when Russia and China get together  », Fox News, April 2025.

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