Par Al Mayadeen English, le 28 octobre 2025
Les dernières frappes aériennes du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu sur Gaza semblent moins être une réponse directe au Hamas que la politique de longue date d'Israël consistant à fabriquer des prétextes pour justifier le génocide.
Malgré ses hésitations initiales face à la résistance américaine, Netanyahu a poursuivi les frappes après avoir invoqué une prétendue attaque contre les troupes israéliennes à Rafah, un incident que le Hamas a catégoriquement nié.
Dans une déclaration, le Hamas a affirmé n'avoir "aucun lien avec l'incident de Rafah" et a réitéré son "engagement envers l'accord de cessez-le-feu". Il a en outre condamné ce qu'il a qualifié de
"bombardement criminel mené par l'armée fasciste d'occupation sur des zones de la bande de Gaza", le qualifiant de "violation flagrante de l'accord de cessez-le-feu signé à Charm el-Cheikh sous les auspices du président Trump".
Le Hamas a conclu son message en appelant les médiateurs à
"prendre des mesures immédiates pour faire pression sur les forces d'occupation, mettre un terme à leur barbarie contre les civils dans la bande de Gaza, aux graves violations du cessez-le-feu, et garantir le respect total de toutes ses clauses".
Une justification bidon ?
Selon les médias israéliens, Israël était prêt à intensifier ses opérations militaires indépendamment de l'incident de Rafah. Des images prises par un drone et présentées à Washington, montrant prétendument des combattants du Hamas récupérant le corps d'un prisonnier restitué la veille, ont été citées comme preuve d'une violation du cessez-le-feu. Cependant, les responsables américains n'auraient pas considéré ces images comme une violation flagrante et auraient mis en garde contre les "mesures radicales" qui pourraient compromettre la trêve.
Le Hamas a informé à plusieurs reprises les médiateurs de la complexité à récupérer les corps ensevelis sous des tonnes de décombres, résultat des précédentes frappes aériennes israéliennes, en raison d'un manque d'équipements lourds et du fait que certains corps se trouvent dans des zones sous contrôle militaire israélien.
C'est pourquoi un convoi de camions et de véhicules d'ingénierie égyptiens a traversé la frontière vers Gaza pendant la nuit pour aider aux recherches, soulignant l'urgence humanitaire au milieu des manœuvres politiques et militaires.
Des Palestiniens blessés par les frappes de Netanyahu sont amenés à l'Hôpital Nasser à Khan Younis, le 28 octobre 2025 © AP
Escalade malgré la pression américaine
Selon certaines informations, Netanyahu a déjà demandé au président américain Donald Trump son feu vert pour une action militaire limitée avant l'incident de Rafah. Cependant, aucune autorisation n'a été accordée avant que ne soit rendue publique l'affirmation selon laquelle un soldat israélien aurait été abattu par un tireur embusqué à Gaza, illustrant les intentions cachées d'Israël de reprendre les hostilités à Gaza.
Quelques heures plus tard, Netanyahu a convoqué une réunion restreinte du cabinet de sécurité, au cours de laquelle il a approuvé la reprise des frappes aériennes et l'extension de la "ligne jaune", une zone tampon sous contrôle israélien à l'intérieur de Gaza. Ces deux décisions seraient en cours d'examen dans le cadre des discussions en cours avec l'administration Trump, les responsables évaluant la portée et les implications de l'escalade militaire israélienne.
Des hauts responsables de l'administration Trump ont auparavant conseillé à Israël de lancer un ultimatum de 72 heures au Hamas pour qu'il restitue les corps restants avant d'engager toute action militaire. Malgré cela, le cabinet de sécurité de Netanyahu a décidé de réagir avant l'expiration du délai.
Les faux prétextes
La semaine dernière, des informations ont indiqué que l'explosion meurtrière à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, qui a tué deux soldats de l'occupation israélienne le 19 octobre 2025, n'a pas été perpétrée par le Hamas, comme l'avait initialement affirmé le Premier ministre israélien Netanyahu.
Selon Ryan Grim, journaliste à Drop Site News, la Maison Blanche et le Pentagone ont rapidement compris que l'explosion a été causée par un bulldozer exploité par une entreprise de colons israéliens roulant sur des munitions non explosées, et non par une attaque du Hamas depuis un tunnel, contredisant ainsi l'affirmation de Netanyahu selon laquelle des combattants du Hamas auraient surgi de tunnels.
Des images ont également montré des excavatrices israéliennes détruisant ce qui reste des bâtiments endommagés à Rafah, corroborant ces affirmations.
À l'époque, Grim a noté qu'après que Netanyahou a hypocritement attribué l'explosion à la résistance palestinienne, en particulier au Hamas, et réagi en bloquant l'aide à Gaza et en lançant une vaste campagne de bombardements, l'administration américaine a immédiatement fait savoir à Israël que la véritable cause est désormais connue.
Peu après, Netanyahu a annoncé la réouverture des checkpoints vers Gaza, et le commandement militaire de l'occupation israélienne a déclaré rétablir le cessez-le-feu.
Trump absout les dirigeants du Hamas
Même le président américain Donald Trump a suggéré que les dirigeants du Hamas n'étaient pas responsables de la mort des deux soldats des forces d'occupation israéliennes (IOF) dans le sud de Gaza.
S'exprimant à bord d'Air Force One le 19 octobre, Trump a déclaré que l' attaque aurait peut-être été menée par "certains rebelles au sein" du mouvement.
Trump a clairement déclaré :
"Quoi qu'il en soit, cela sera traité de manière appropriée. Cela sera traité avec fermeté, mais de manière appropriée".
Il a exprimé l'espoir que l'accord de cessez-le-feu à Gaza tienne et a réaffirmé l'intention de Washington de maintenir la stabilité, affirmant : "Tout sera parfaitement pacifique avec le Hamas".
Israël entrave la récupération des corps à Gaza et diffuse de fausses informations
Plus tôt dans la journée, le Hamas a publié une déclaration condamnant les tentatives israéliennes de perturber le processus de récupération des corps des soldats israéliens à Gaza, rejetant toute fausse information diffusée par Israël à ce sujet.
Dans sa déclaration, le Hamas accuse l'occupation israélienne de mener une politique systématique d'entraver la localisation des corps de ses soldats à l'intérieur de la bande de Gaza, soulignant qu'elle a explicitement refusé d'autoriser les équipes conjointes du Comité international de la Croix-Rouge et de la résistance palestinienne à entrer dans plusieurs zones de la bande de Gaza pour mener à bien cette mission.
Il a ajouté que l' occupation a également interdit l'entrée des machines et des équipements lourds nécessaires pour accélérer et mener à bien la recherche des corps de ses soldats dans la bande de Gaza, tout en entravant la récupération des corps des martyrs palestiniens encore prisonniers sous les décombres, aggravant ainsi la souffrance de leurs familles.
Allégations de retard sans fondement
La déclaration a souligné que les allégations de l'occupant selon lesquelles la résistance retarderait la remise des corps sont sans fondement et ne visent qu'à tromper l'opinion publique, ajoutant que l'occupant fabrique de faux prétextes comme prélude à de nouvelles agressions contre le peuple palestinien, en violation flagrante de l'accord de cessez-le-feu.
En conclusion, le Hamas a appelé les médiateurs et les parties garantes à assumer leurs responsabilités face à ces violations, à contraindre l'occupant à mettre fin à ses pratiques mafieuses et à permettre aux autorités compétentes de s'acquitter de leurs devoirs humanitaires sans ingérence politique hostile.
Le nombre de victimes civiles augmente
Au cours de la nuit, les frappes aériennes israéliennes ont tué au moins 17 Palestiniens et plusieurs autres personnes, conséquences mortelles d'une stratégie que de nombreux critiques considèrent comme une escalade préméditée sous couvert de l'application du cessez-le-feu.
Des combattants des Bridas Qassam et les équipes égyptiennes à la recherche des corps des israéliens à Hamad City, Khan Younis, le 28 octobre 2025 © AP
Cela porte à plus de 68 531 le nombre total de Palestiniens tués par la guerre israélienne contre Gaza, avec au moins 170 402 blessés, depuis le 7 octobre 2023, selon le rapport statistique quotidien du ministère.
Le ministère a indiqué que depuis la déclaration du cessez-le-feu à Gaza le 11 octobre 2025, au moins 110 personnes ont été tuées, 472 corps ont été retrouvés et 344 autres personnes ont été blessées, tout en précisant que l'identification de 75 des 195 corps rendus par les autorités d'occupation a été achevée à ce jour.
Israël n'informe les États-Unis des frappes sur Gaza qu'après que Netanyahou les ait ordonnées.
Dans le même ordre d'idées, le cabinet du Premier ministre (PMO) a déclaré au Times of Israel qu'Israël n'a informé les États-Unis de son intention de frapper des cibles dans la ville de Gaza en réponse à des violations présumées du cessez-le-feu par le Hamas qu'après avoir validé l'opération.
"Le Premier ministre a pris la décision de mener l'attaque, a donné l'ordre à l'armée de l'exécuter, puis en a informé les États-Unis", a déclaré un porte-parole du PMO.
Selon des responsables américains et israéliens, Washington a été informé après la décision de Netanyahu, mais avant l'exécution effective des frappes.
"Nous avons été informés", a déclaré un responsable de l'administration Trump, soulignant que le Centre de coordination civilo-militaire dirigé par les États-Unis à Kiryat Gat, qui supervise le contrôle du cessez-le-feu et les avancées du plan de paix de Washington pour Gaza, facilite la communication entre les deux gouvernements.
Un responsable israélien a confirmé que des discussions ont eu lieu avec les Américains concernant la reprise des attaques avant les frappes.
Alors que les bombes pleuvent sur Gaza, les États-Unis affirment que la trêve "tient"
Malgré les frappes aériennes, l'administration Trump continue de minimiser la situation.
"Le cessez-le-feu tient. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de petites escarmouches ici et là", a déclaré mardi le vice-président américain JD Vance aux journalistes. "Nous savons que le Hamas ou quelqu'un d'autre à Gaza a attaqué un soldat (de l'armée israélienne. Nous nous attendons à ce que les Israéliens ripostent, mais je pense que la trêve du président tiendra bon malgré tout".
Les propres mots de JD Vance - "le Hamas ou quelqu'un d'autre à Gaza"- soulignent qu'Israël ne peut prouver que le Hamas a violé le cessez-le-feu, comme lors d'un incident précédent que Trump lui-même avait attribué à "certains rebelles au sein" du Hamas.
Les analystes soulignent que des scénarios similaires de provocation, le cas échéant, suivis d'attaques israéliennes disproportionnées, ont également été observés au Liban, soulevant des interrogations sur la durabilité des soi-disant cessez-le-feu et sur l'intention d'Israël de s'y tenir.
Selon les observateurs, les récentes frappes aériennes, dans un contexte de tensions diplomatiques et en l'absence de preuves de violations de la part du Hamas, s'inscriraient dans un projet plus vaste, Israël préparant ses offensives en amont et saisissant la moindre occasion pour justifier ses attaques. En étendant la ligne jaune, comme lors d'incursions précédentes, Israël poursuit un objectif stratégique : renforcer son contrôle tout en sabotant délibérément les accords de cessez-le-feu.
Traduit par Spirit of Free Speech