
par Moon of Alabama
Hier, le président américain Donald Trump s'est rendu au Japon et a rencontré la nouvelle Première ministre japonaise, Sanae Takaishi. Les deux sont conservateurs et sont d'accord sur de nombreux points. Le Japon est un vassal de confiance qui se heurte rarement aux exigences américaines.
Mais un sérieux point de discorde est ouvert entre les deux nations et menace de faire exploser la relation.
Plus tôt cette année, Trump avait imposé un droit de douane de 25% sur les importations américaines en provenance du Japon. L'ancien Premier ministre avait «vendu la maison» pour faire baisser ce taux :
«L'ancien Premier ministre Shigeru Ishiba était tellement désespéré d'abaisser à 15% les droits de douane de 25% de Donald Trump sur les produits japonais, en particulier sur les produits automobiles, qu'il a signé une incroyable promesse, investir 550 milliards de dollars aux États-Unis au cours des trois prochaines années.
Non seulement Trump pourra choisir les projets et les États-Unis obtiendront la part du lion des bénéfices, mais si le Japon ose rejeter l'un des projets de Trump comme non viable, Ishiba a donné à Trump la permission d'imposer des droits de douane encore plus élevés. Le protocole d'accord signé conjointement stipule que «dans le cas où le Japon choisit de ne pas financer [un projet choisi par Trump], les États-Unis pourront également imposer un ou plusieurs taux tarifaires sur les importations japonaises aux États-Unis au taux déterminé par le président»».
Cette capitulation totale a pris la forme d'un protocole d'accord qui n'a pas besoin d'être voté par le parlement. Mais l'énorme somme d'argent qu'il s'engage à investir aux États-Unis aurait besoin de l'approbation du Parlement. Il n'y avait et il n'y a pratiquement aucune chance que cela puisse se produire. Cet «investissement» ferait exploser le budget du gouvernement japonais. Cela augmenterait également le déficit commercial entre les États-Unis et le Japon.
Cet accord complètement déséquilibré est l'une des raisons pour lesquelles Ishiba a été évincé de son poste.
Je m'étais demandé comment Takaishi gérerait ces importants problèmes. Mais il semble que les deux parties aient convenu de l'ignorer :
«À l'intérieur d'un palais doré à Tokyo mardi, le président Trump a fait l'éloge de Sanae Takaichi, la nouvelle Première ministre du Japon, lui disant que leurs pays étaient «des alliés au plus haut niveau» et jurant de venir à l'aide du Japon pour «toutes les faveurs dont vous avez besoin».
Les dirigeants ont signé deux accords vaguement formulés - l'un déclarant un «nouvel âge d'or de l'alliance américano-japonaise» et un autre pour coopérer à l'expansion de la chaîne d'approvisionnement des terres rares - mais il y a eu peu de signes concernant les détails de l'accord commercial que les deux pays ont signé en juillet.
Il n'y a eu aucune discussion publique sur un point de discorde majeur entre les deux pays : les détails de la manière dont le Japon a l'intention de dépenser un investissement promis de 550 milliards de dollars aux États-Unis. La promesse fut faite dans le cadre de l'accord commercial, et en échange de cet important investissement, le Japon devait recevoir un droit de douane de 15% sur ses exportations - un taux inférieur à celui que Trump avait initialement menacé.
Au lieu de cela, les deux dirigeants se sont davantage concentrés sur ce qu'ils avaient en commun...»
Un autre rapport indique que l'accord a été mentionné en marge mais que rien n'a été fait pour résoudre ses problèmes :
«Le voyage de Trump au Japon a été un premier test pour savoir si Takaichi pouvait faire des percées avec le président américain alors que les deux pays sont aux prises avec des engagements en matière de sécurité, de tensions commerciales et la menace de la Chine. Le Japon fait face à une promesse décourageante d'investir 550 milliards de dollars aux États-Unis en échange de taux de droits de douane plus bas, et les responsables de l'administration Trump ont signalé qu'ils voulaient que le Japon paie plus d'argent pour accueillir les troupes américaines. (...)
Au cours d'un déjeuner composé de riz et de bœuf américains cuits avec des ingrédients japonais, la Première ministre a présenté à Trump une carte des investissements que le Japon réalise aux États-Unis, après que le pays se soit engagé à verser 550 milliards de dollars aux États-Unis en échange de tarifs douaniers plus bas. En retour, Trump a signé les menus du déjeuner pour Takaichi et sa délégation».
«Regardez, j'ai eu un menu de déjeuner signé par Trump qui ne m'a couté que 550 milliards de dollars». Je ne pense pas que c'est ainsi que le monde, en dehors de l'esprit de Trump, fonctionne vraiment.
Trump veut de l'argent pour créer un «fonds souverain» qu'il pourra utiliser pour acheter et contrôler des actions de sociétés américaines.
Il est donc probable qu'il insistera pour que le Japon respecte le protocole d'entente quoi qu'il arrive. Mais le Japon ne pourra pas le faire et Takaichi devra résoudre ce problème.
Comme la question pourrait créer une rupture dans les relations américano-japonaises, Takaichi devra se préparer à ce que cela se produise. Alastair Crooke détecte des signes qu'elle le fait déjà :
«Dans son premier discours à la nation, Takaishi a déclaré qu'elle ne soutiendrait pas la guerre commerciale américaine contre la Chine et ne deviendrait pas un instrument de pression économique américaine. Elle a ouvertement critiqué la politique douanière de Trump, la qualifiant de «l'erreur la plus dangereuse du XXIe siècle».
Reuters a commenté que sa position était totalement inattendue à Washington. Un gros choc. Il est apparu que depuis son entrée en fonction, la nouvelle Première ministre a tenu une série de réunions avec les plus grandes entreprises japonaises qui lui ont transmis un message unifié et urgent : Simplement que l'économie japonaise ne survivrait pas à une autre guerre commerciale.
Puis, une semaine après son entrée en fonction, elle a ouvertement exprimé son soutien à la Chine, exécutant le plus grand pivot de la politique étrangère depuis la Seconde Guerre mondiale. La Chine n'était plus «l'ennemi»».
Serait-ce là la véritable stratégie du Japon ?
Caresser le narcissisme de Trump pour le détourner d'un mouvement japonais vers la Chine qui pourrait éventuellement permettre au Japon de rompre avec les États-Unis ?
Pour ma part, j'appellerais cela un bon plan.
source : Moon of Alabama via Le Saker Francophone