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Vue aérienne de la ville du Cap en Afrique du Sud
Une récente enquête d'Afrobarometer révèle une chute inquiétante du soutien à la démocratie en Afrique du Sud : pour la première fois en 25 ans, le nombre de citoyens favorables à un régime militaire dépasse celui de ceux qui s'y opposent.
Moins de la moitié des Sud-Africains estiment aujourd'hui que la démocratie demeure la meilleure forme de gouvernement, selon le dernier sondage publié par Afrobarometer. Bien que le soutien à la démocratie ait légèrement progressé depuis son niveau historiquement bas de 2021, les données montrent un tournant inédit : près d'un Sud-Africain sur deux se dit prêt à accepter une prise de pouvoir par l'armée.
L'étude indique que sept citoyens sur dix se déclarent insatisfaits du fonctionnement de la démocratie. Cette désillusion est particulièrement marquée chez les plus pauvres, les chômeurs et les citoyens d'âge moyen, qui jugent être ignorés par la classe politique. Le chômage est perçu comme le principal problème du pays, suivi par la criminalité, la sécurité, l'accès à l'eau, les infrastructures et la corruption. « Le chômage est la question prioritaire nécessitant une intervention urgente du gouvernement », souligne Afrobarometer.
Concernant la nouvelle coalition au pouvoir, les avis restent partagés : quatre Sud-Africains sur dix estiment que le Gouvernement d'union nationale (GNU) s'attaque efficacement aux défis majeurs du pays, tandis qu'un nombre équivalent pense le contraire.
L'exemple des régimes militaires
Pour l'analyste politique Siyabonga Ntombela, cette tendance dépasse les frontières sud-africaines. « Ce phénomène s'observe sur tout le continent. Plusieurs pays s'inspirent du modèle de leadership d' Ibrahim Traoré au Burkina Faso, estimant que les régimes militaires ont apporté plus de résultats que des années de démocratie », explique-t-il.
Ntombela ajoute que la culture politique locale contribue aussi à ce glissement. « La majorité des partis issus de scissions de l'ANC, comme l'EFF ou le MKP, reposent sur des idéaux militaires. Ils vénèrent des figures comme Thomas Sankara, Che Guevara ou Fidel Castro. Les conditions de vie des plus pauvres n'ayant pas évolué, ces modèles autoritaires apparaissent comme une alternative porteuse d'espoir », poursuit-il.
L'analyste met toutefois en garde contre les dérives d'un tel engouement : « Le pouvoir militaire s'accompagne inévitablement de violence. Certains, comme Frantz Fanon, considéraient la violence comme une étape nécessaire à la décolonisation et à la liberté réelle. Mais dans le contexte actuel, un retour à de telles méthodes serait lourd de conséquences ».