
Par Nate Bear, le 31 octobre 2025
Les drones quadricoptères alimentés par l'intelligence artificielle, utilisés par l'armée israélienne pour massacrer la population de Gaza, survolent les villes américaines, surveillent les manifestants et téléchargent instantanément des millions d'images dans une base de données de pièces à conviction.
Ces drones sont fabriqués par une société appelée Skydio, discrètement devenue multimilliardaire et le plus grand fabricant de drones aux États-Unis, alors qu'elle était encore quasiment inconnue il y a quelques années.
L'ampleur du déploiement des drones Skydio sur le territoire américain et la vitesse à laquelle leur déploiement s'est développé en seulement quelques années sont stupéfiantes. L'entreprise a signé des contrats avec plus de 800 agences chargées de l'application de la loi et de la sécurité à travers le pays, contre 320 en mars dernier, et ses drones sont lancés des centaines de fois par jour pour surveiller les habitants des villes et des zones rurales.
Skydio entretient des liens étroits avec Israël. Au cours des premières semaines du génocide, l'entreprise californienne a livré plus d'une centaine de drones à l'armée israélienne et en a promis d'autres. On ignore combien ont été livrés depuis. Skydio gère un bureau en Israël et travaille en partenariat avec DefenceSync, un fournisseur local de drones militaires, qui sert d'intermédiaire entre les fabricants de drones et l'armée israélienne. L'entreprise a également investi des centaines de millions de dollars auprès de fonds de capital-risque israélo-américains et de sociétés d'investissement ayant massivement soutenu l'économie israélienne, comme la société Andreessen Horowitz, ou a16z, de Marc Andreessen.
Aujourd'hui, ces drones, testés sur les Palestiniens pendant le génocide et améliorés grâce à la pratique, se répandent dans les villes américaines.
Selon mes investigations, presque toutes les grandes villes américaines ont signé un contrat avec Skydio ces 18 derniers mois, notamment Boston, Chicago, Philadelphie, San Diego, Cleveland et Jacksonville. Les drones Skydio ont récemment été utilisés par les services de police pour recueillir des informations lors des manifestations "No Kings", ainsi que par Yale pour espionner le camp de contestation anti-génocide implanté par des étudiants l'année dernière.
À Miami, ces drones espionnent les touristes, et à Atlanta, la société s'est associée à l'Atlanta Police Foundation pour installer une station de drones permanente au nouveau centre de formation à la sécurité publique. Selon un rapport sur les budgets de la ville, Détroit a récemment dépensé près de 300 000 dollars pour l'achat de quatorze drones Skydio. Le mois dernier, l' ICE a acheté un drone Skydio X10D capable de suivre et poursuivre automatiquement une cible. Les douanes et la protection des frontières américaines ont acheté acheté trente-trois drones du même type depuis juillet.
Le système d'intelligence artificielle dont sont dotés les drones Skydio est alimenté par des puces Nvidia et leur permet de fonctionner sans intervention humaine. Les drones sont équipés de caméras thermiques et peuvent fonctionner dans des zones où le GPS est inopérant, appelées "environnements sans GPS". Ils permettent également de modéliser des bâtiments et autres infrastructures en 3D et peuvent voler à plus de 50 km/h.
La police de New York a été l'une des premières à adopter les drones Skydio et leur utilisation est particulièrement appréciée. Un porte-parole a récemment déclaré sur un site web spécialisé dans les drones que la police new-yorkaise a enregistré plus de 20 000 vols en moins d'un an, soit une moyenne de 55 vols par jour. Un rapport municipal publié l'année dernière faisait état de 41 drones Skydio en service au sein de la police de New York. Cependant, l'entrée en vigueur récente d'une modification de la réglementation de l'Autorité fédérale de l'aviation (FAA) confirme une généralisation massive du recours aux drones Skydio.
Avant mars 2025, la réglementation de la FAA stipulait que les forces de sécurité américaines ne pouvaient utiliser des drones qu'à condition d'en assurer le suivi visuel. Ils ne pouvaient pas non plus être utilisés au-dessus des rues bondées des centres-villes. Une dérogation de la FAA accordée ce mois-là a toutefois levé ces restrictions, permettant à la police et aux agences de sécurité d'utiliser des drones hors de leur champ de vision et au-dessus de foules. Skydio a qualifié cette dérogation de révolutionnaire. Elle l'était. Ce revirement a provoqué une flambée des ventes de drones Skydio aux forces de l'ordre et aux services de sécurité américains, qui sont désormais nombreux à utiliser un programme appelé "Drone As First Responder" [drone d'intervention prioritaire]. Sans nécessairement le voir, la police peut désormais le faire voler librement au-dessus des rues de la ville et l'envoyer de plus en plus souvent en première ligne pour répondre aux demandes d'intervention et mener des enquêtes plus poussées. Cincinnati affirme par exemple que d'ici la fin de l'année, 90 % de tous les appels d'urgence seront d'abord traités par un drone Skydio.
L'étendue de cette surveillance est assurée par la plate-forme d'accueil de Skydio. Placées à différents points de la ville, les stations de lancement permettent de recharger, de lancer et de faire atterrir les drones à distance, à plusieurs kilomètres du QG de la police. Après le lancement, toutes les informations recueillies lors de ces vols sont enregistrées sur une carte SD interne, puis automatiquement téléchargées via un logiciel spécialement configuré pour les forces de l'ordre. Ce logiciel a été développé par Axon, l'un des principaux bailleurs de fonds de Skydio, ainsi que le fabricant controversé de Tasers et d'"armes moins létales" utilisées par les services de police aux États-Unis et dans tout l'Occident. Selon un communiqué de presse d'Axon, le logiciel Axon Evidence permet
"le téléchargement automatique des photos et des vidéos prises par les drones vers un système de gestion des données numériques".
Les équipements d'Axon jouent également un rôle central dans l'infrastructure d'apartheid israélienne : la société fournit en effet des caméras embarquées et des Tasers aux forces de police et aux gardiens de prison israéliens qui torturent couramment les Palestiniens. Axon, qui a participé à un investissement de série E à hauteur de 220 millions de dollars dans Skydio, n'est qu'une des nombreuses entités soutenant Skydio et servant les intérêts sionistes.
Andreessen Horowitz (a16z) a été le premier investisseur de Skydio en 2015, fournissant 3 millions de dollars de capital de démarrage à l'équipe de trois cofondateurs. Depuis, ils ont investi des dizaines de millions de dollars lors de plusieurs cycles de financement. Les fondateurs d'a16z, Marc Andreessen et Ben Horowitz, sont tous deux des sionistes notoires. Andreessen Horowitz était l'investisseur en capital-risque le plus actif en Israël en 2024. Cet été, Marc Andreessen et Ben Horowitz se sont rendus en Israël pour rencontrer des chefs d'entreprise ayant fondé des start-up technologiques après avoir servi dans l'armée israélienne ou dans l'unité 8200.
Parmi les autres investisseurs de Skydio figurent Next 47, dont le bureau israélien est dirigé par Moshe Zilberstein, un ancien membre du centre d'espionnage informatique Mamram de l'armée israélienne, ainsi que Hercules Capital, dont la directrice générale, Ella-Tamar Adnahan, est une Israélo-Américaine décrite par les médias israéliens comme "la banquière incontournable de la technologie israélienne aux États-Unis".
Une telle prolifération de drones dont la technologie est si étroitement liée à Israël, qui l'utilise pour commettre des crimes de guerre, au sein des services de police américains n'est pas surprenante, mais extrêmement inquiétante. Les drones Skydio seront au cœur de la montée en puissance du proto-fascisme aux États-Unis et de la répression des Antifa et autres "terroristes nationaux" par l'administration Trump. Le plus surprenant, dans ce contexte, reste que l'expansion fulgurante de la technologie de drones de surveillance israéliens aux quatre coins des États-Unis ne suscite pas plus de réactions.
Zohran Mamdani devrait d'ailleurs aborder le sujet de Skydio. Récemment critiqué pour avoir déclaré :
"Quand la botte du NYPD vous serre la gorge, n'oubliez pas qu'elle porte le sceau de l'armée israélienne",
Skydio n'est qu'un exemple de plus qui montre qu'il a raison. S'il a le courage de ses convictions, il pourrait faire bien pire en exerçant ses pouvoirs d'élu pour mettre fin à l'accord entre la police new-yorkaise et Skydio.
Skydio est aussi un important fournisseur du ministère de la Défense, puisqu'il a récemment décroché un contrat d'approvisionnement en drones de repérage à l'armée américaine. En tant qu'important fournisseur des forces de sécurité militaires et civiles, Skydio pose question quant au partage d'informations entre l'armée américaine et les agences de sécurité intérieure via le système de gestion des données numériques Skydio-Axon.
Skydio prouve une fois encore que Gaza est le laboratoire des fabricants d'armes, le lieu où les nouvelles technologies de surveillance et d'apartheid sont testées puis perfectionnées avant d'être déployées en Occident. L'année prochaine, Skydio compte lancer de nouveaux drones conçus pour les espaces intérieurs. Difficile de ne pas craindre le pire quant aux "enseignements" du génocide qui ont inspiré ces nouveaux drones.
L'histoire de Skydio montre que ce qui se passe à Gaza ne reste pas à Gaza.
La logique de l'impérialisme capitaliste veut que ces technologies, tel un boomerang, finiront tôt ou tard par revenir vers leur point de départ.
Traduit par Spirit of Free Speech