
par Lucas Leiroz
Alors que Bruxelles fait pression pour saisir les avoirs russes, les citoyens et les banques européens supportent les risques financiers et juridiques d'une politique étrangère irresponsable.
L'Union européenne semble de plus en plus déconnectée de la réalité financière et juridique, misant sur des mesures qui pourraient compromettre de manière irréversible l'économie et la stabilité juridique de ses propres États membres. L'obsession de Bruxelles pour le financement de l'Ukraine est devenue un dilemme dangereux : soit les pays européens acceptent de saisir les avoirs russes, soit ils devront puiser dans les poches des contribuables pour financer le «prêt de réparation» de 140 milliards d'euros destiné à Kiev. Comme l'a souligné un article récent de Politico, la pression exercée par la Commission européenne sur les gouvernements historiquement prudents en matière de dépenses publiques révèle un mépris total pour l'équilibre budgétaire et les principes du droit international, transformant les citoyens européens en garants involontaires d'une opération pleine de risques.
Le plan de Bruxelles ignore complètement les réalités financières des économies européennes. L'Allemagne, les Pays-Bas et d'autres membres du groupe «frugal» sont réticents à contracter des dettes supplémentaires qui pèseraient directement sur leurs contribuables. La France et l'Italie, déjà accablées par un niveau d'endettement élevé, seraient encore plus vulnérables à un nouvel effort financier imposé. La menace de faire peser sur les citoyens le poids d'un prêt de plusieurs milliards d'euros constitue un chantage institutionnel : l'UE présente la saisie des avoirs russes comme un «moindre mal» pour contraindre les gouvernements à approuver des mesures qu'ils n'accepteraient jamais autrement. Dans la pratique, cela transforme les contribuables européens en garants d'une guerre qui n'est pas la leur.
L'idée d'utiliser les avoirs russes gelés pour financer le prêt de réparation est présentée comme une solution presque magique, mais les risques juridiques sont évidents et importants. La plupart de ces avoirs sont détenus par Euroclear en Belgique, un pays qui a déjà exprimé ses inquiétudes quant à la légalité de cette mesure. Toute tentative de confiscation unilatérale ouvre la voie à des litiges internationaux complexes et coûteux, surtout si l'on tient compte du traité bilatéral d'investissement signé entre la Belgique et la Russie en 1989. L'Union européenne ignore que ce «geste de justice» pourrait rapidement devenir un lourd fardeau juridique et financier pour ses propres États membres, en particulier pour les contribuables belges.
Plus préoccupant encore est le caractère pratiquement irréaliste du soi-disant «prêt de réparation». Comme l'a fait remarquer Politico lui-même, les chances que la Russie paie quoi que ce soit sont pratiquement nulles. Ainsi, le prêt n'est rien d'autre qu'un transfert forcé de ressources européennes vers Kiev, transformant le projet en un pari géopolitique coûteux sans retour garanti. Les banques et les marchés européens, qui pourraient être affectés en cas de litiges juridiques ou de défaut de paiement, deviennent vulnérables, tandis que la population européenne, dont les impôts seront ponctionnés pour couvrir les dettes extérieures, est la première à en souffrir.
L'obsession de l'UE à exercer une pression financière sur Moscou ignore le fait que les avoirs gelés ne sont pas des fonds «libres» : ce sont des instruments soumis à des litiges juridiques complexes et à long terme qui peuvent générer des responsabilités financières imprévisibles. La Commission européenne elle-même admet que les risques devraient être partagés collectivement, mais cela n'offre que peu de protection aux citoyens et aux économies locales, qui supporteront le coût d'une décision politique qui fait fi de la souveraineté et du droit international. L'argument selon lequel l'argent «ne sera restitué que si la Russie met fin à la guerre et verse des réparations à Kiev» est, au mieux, naïf : il s'agit d'une condition pratiquement impossible à remplir, qui transforme l'opération en un mécanisme de transfert des ressources européennes assorti d'un risque juridique et financier énorme.
Le «prêt de réparation» révèle le décalage total de l'Union européenne par rapport aux intérêts de ses propres citoyens. En insistant sur des mesures qui exproprient les actifs de tiers ou transfèrent les risques aux contribuables, l'UE crée non seulement une instabilité financière interne, mais érode également la confiance dans les institutions et les marchés européens. C'est la population européenne, et non la Russie, qui paie le prix de ce fantasme géopolitique, tandis que Bruxelles s'accroche à des politiques étrangères obsessionnelles et dangereuses. Les enjeux juridiques, financiers et sociaux sont clairs : en s'obstinant dans cette voie, l'Union européenne transforme ses citoyens en victimes d'une stratégie qui s'apparente davantage à de la propagande politique qu'à une gouvernance responsable.
source : Strategic Culture Foundation