
Par H. Scott Prosterman, le 6 novembre 2025
Après avoir démissionné en guise de protestation contre le gouvernement du Likoud, puis avoir disparu le temps d'une journée mouvementée, l'avocate générale de l'armée israélienne, le général de division Yifat Tomer-Yerushalmi, a été arrêtée et accusée de "fraude et abus de confiance, abus de pouvoir, obstruction à la justice et divulgation illégale de documents". Elle était la plus haute responsable juridique de l'armée israélienne et a ouvertement reconnu avoir divulgué la vidéo afin de révéler la gravité des crimes sur lesquels elle était en train d'enquêter : les tortures infligées à des prisonniers palestiniens dans le tristement célèbre camp de Sde Teiman. Mais les bonnes actions sont sévèrement punies de nos jours, et pour toutes les mauvaises raisons. Dans ce cas précis, elle a été arrêtée pour avoir révélé les incohérences de la "hasbara" du Likoud, la campagne de propagande destinée à influencer l'opinion publique mondiale en faveur d'Israël.
Le sens littéral du terme hébreu "hasbara" est "explication", ou "moyen de persuasion". Mais sous le gouvernement du Likoud de Netanyahu, il a évolué pour désigner une stratégie de relations publiques agressive visant à blanchir, dissimuler et nier la réalité du génocide perpétré par Israël à Gaza, de la torture des prisonniers et d'autres abus commis en Cisjordanie. La "hasbara" est une campagne de propagande assortie de visites soigneusement organisées pour les journalistes, conçues pour dissimuler les aspects négatifs et promouvoir un visage plus positif d'Israël. Le Likoud a recruté de jeunes Juifs américains et européens en organisant des visites et des séjours soigneusement planifiés pour blanchir ces crimes.
La générale Tomer-Yisraeli a démissionné sa décision d'enquêter sur les abus commis par l'armée israélienne à Sde Teiman a donné lieu à une "campagne diffamatoire" orchestrée par le Likoud. Lors de sa démission, elle a déclaré :
"Cette campagne se poursuit encore aujourd'hui et cause de profonds et graves préjudices à l'armée israélienne, à son image et à la résilience de ses soldats et de leurs commandants".
La chroniqueuse de Haaretz, Noa Levin, a résumé la situation en ces termes :
"La faute de l'avocat général militaire n'est pas d'avoir porté atteinte à l'image internationale des soldats israéliens, mais plutôt d'avoir porté atteinte à l'État de droit en tentant de dissimuler l'enquête sur la fuite. Mais même dans ce cas, une attaque bien plus grave contre l'État de droit est en train de se préparer, comme toujours, depuis l'extrême droite".
Sde Teiman est une base militaire israélienne située dans le désert du Néguev, à proximité de Gaza. Après l'adoption par la Knesset, en décembre 2023, de la loi sur les combattants illégaux, elle a été transformée en camp de détention et en centre de torture. Les détenus y sont incarcérés sans représentation juridique ni inculpation, et beaucoup ignorent les raisons de leur détention. Les détenus ont plutôt le sentiment d'avoir été pris dans un coup de filet et emprisonnés arbitrairement pour s'être trouvés au mauvais endroit au mauvais moment. Les détenus y sont soumis à diverses formes de torture "médiévale". L'organisation israélienne de défense des droits humains B'Tselem a publié un rapport le 5 août 2024 affirmant que
"les Palestiniens actuellement détenus dans les prisons israéliennes sont fréquemment soumis à des violences arbitraires extrêmes, à des agressions sexuelles, des humiliations, des pratiques dégradantes, à la famine délibérée, à un manque d'hygiène forcé, à la privation de sommeil, à la restriction et/ou à la suppression de leur culte religieux, à la confiscation de tous leurs biens personnels et collectifs, ainsi qu'au rejet de soins médicaux adéquats".
L'ONG rapporte également que, depuis le 7 octobre, plus d'une douzaine d'autres bases militaires et prisons israéliennes ont été transformées en lieux de torture.
Yuli Novak, le directeur exécutif de B'Tselem, a qualifié Sde Teiman de
"partie émergée de l'iceberg", car "des milliers de Palestiniens sont détenus dans des conditions inhumaines et soumis à des sévices incessants. Certains ignorent les raisons de leur arrestation. Beaucoup seront libérés sans procès. C'est la définition même d'un camp de torture : peu importe qui vous êtes ou pourquoi vous avez été arrêté, une fois que vous y êtes, vous serez soumis à des souffrances et des humiliations graves, délibérées et systématiques".
La détention et la torture de professionnels de santé ont en outre aggravé la crise sanitaire qui sévit actuellement à Gaza.
L'année dernière, le ministre iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanani, a comparé les pratiques de torture à Sde Teiman aux abus commis par les Américains à Abu Ghraib et à Guantánamo Bay. Israël a également torturé des travailleurs de la santé palestiniens à Sde Teiman détenus sans fondement. Selon Human Rights Watch, des médecins, des infirmières et des ambulanciers ont témoigné des
"mauvais traitements subis pendant leur détention par Israël, notamment des humiliations, des coups, des postures stressantes prolongées, l'utilisation de menottes et de bandeaux sur les yeux, ainsi que le refus de soins médicaux. Ils ont également signalé des actes de torture, notamment des viols et des abus sexuels commis par les forces israéliennes, ainsi que le refus de soins médicaux et les conditions de détention inhumaines de la population carcérale en général".
En novembre-décembre 2023, des travailleurs palestiniens du secteur de la santé ont été
"détenus sans inculpation pendant une période allant de sept jours à cinq mois. Six d'entre eux ont été arrêtés sur leur lieu de travail, alors que les hôpitaux étaient assiégés par les Israéliens, ou pendant l'évacuation de ces derniers, organisée par l'armée israélienne. Aucun de ces travailleurs de la santé n'a déclaré avoir été informé de la raison de sa détention ou avoir été inculpé d'une infraction".
Ces abus constituent évidemment des violations flagrantes du droit international et alimentent les accusations portées contre Netanyahu et ses ministres Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich devant la Cour pénale internationale. Techniquement, ils sont des criminels internationalement recherchés.
Ces exemples d'agissements d'Israël enfreignent l' article 3 de la quatrième Convention de Genève de 1949, qui stipule que
"les personnes qui ne participent pas activement aux hostilités [...] doivent être traitées avec humanité en toutes circonstances". Il interdit expressément "les traitements cruels et la torture" ainsi que "les atteintes à la dignité personnelle, en particulier les traitements humiliants et dégradants".
Il stipule également que les combattants blessés et les prisonniers "doivent être [...] convenablement soignés". Israël viole également de manière systématique et flagrante l'article 49 de la même convention, qui interdit les transferts forcés individuels à l'intérieur du territoire occupé ainsi que les déportations de civils du territoire occupé vers le territoire de la puissance occupante, quel qu'en soit le motif.
Les accusations du général Tomer-Yerushalmi sont étayées par celles de la police militaire israélienne (MP), qui a arrêté et détenu, en juillet 2024, neuf soldats de l'unité Force 100, qui servaient comme gardiens de prison à Sde Teiman. Ces derniers sont soupçonnés d'avoir violé et sévèrement torturé sexuellement des détenus. Les soldats ont été arrêtés après qu'un prisonnier palestinien a été transporté à l'hôpital Soroka de Beersheba, souffrant de graves blessures au rectum et au haut du corps, causées par une sodomie avec un objet contondant. Le prisonnier a été transporté dans un hôpital civil, car il était dans l'incapacité de marcher. Cette affaire a fait scandale car les médecins et les infirmières ont estimé devoir dénoncer ces faits. L'arrestation des gardiens a provoqué une violente réaction de l'extrême droite, notamment des députés du Likoud, du Parti sioniste religieux et du Parti juif, qui ont tenté de prendre la prison d'assaut pour maltraiter les détenus et attaquer leurs collègues députés.
Informed Comment a précédemment cité un rapport du journaliste Haggai Matar, qui a déclaré :
"En substance, les soldats se rebellent ouvertement pour être autorisés à violer les prisonniers, et de plus en plus de politiciens de la coalition se joignent à eux, qu'ils soient du Likoud, de Jewish Power ou d'autres partis".
L'arrestation du général est contestable car les crimes commis à Sde Teiman ont été largement rapportés bien avant qu'elle ne divulgue la vidéo, lorsque les membres d'extrême droite de la coalition de Netanyahou ont "pris d'assaut la Bastille" pour libérer les soldats de Force 100 et se joindre à la torture des prisonniers palestiniens.
Novak, de B'Tselem, a déclaré :
"Le gouvernement israélien a cyniquement exploité le traumatisme collectif lié à l'attaque du 7 octobre pour mettre en œuvre le projet raciste et meurtrier du ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir. Ce gouvernement fait preuve d'une dépravation morale sans précédent, prouvant une fois encore son mépris total pour la vie humaine, qu'il s'agisse de celle des otages israéliens à Gaza, de celle des Israéliens et des Palestiniens piégés dans un conflit permanent, ou de celle des Palestiniens détenus dans des camps de torture".
On ne peut ignorer les nombreux parallèles entre l'illégalité du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et celle du criminel condamné Donald Trump. Ils considèrent tous deux que les fuites sont plus répréhensibles que les crimes odieux qu'elles révèlent, ce qui constitue aujourd'hui leur point commun le plus frappant. Une "chasse aux sorcières" similaire a d'ailleurs lieu dans les ministères de la Justice israélien et américain. Le chroniqueur Yossi Verter, du média Haaretz, a notamment déclaré à propos de Netanyahu :
"Plus la durée du mandat de Netanyahu s'allonge, plus il se comporte en souverain tyrannique, impulsif et malveillant, traitant le pays et ses institutions comme sa propriété exclusive".
Ces propos s'appliquent d'ailleurs à merveille au président américain Donald Trump.
Traduit par Spirit of Free Speech
* H. Scott Prosterman est écrivain et consultant en communication dans la région de la baie de San Francisco. Il est titulaire d'une maîtrise en études moyen-orientales de l'université du Michigan.