
NB : Par une coïncidence remarquable, l'artiste dissident Bob Moran 1 sortait ce jour même un dessin dont le sujet est le Christ arpentant les ruines de Gaza. Moran a généreusement accepté de permettre à Réseau International de le republier en tête du présent article.
par Mendelssohn Moses
Dans le jardin hirsute et passablement décati de l'établissement Mendelssohn vit une ménagerie : un petit âne, deux chèvres, quatre ou cinq chats, un chien et depuis peu des perroquets verts en nombre. Il a donc passé un très mauvais moment en lisant l'article paru ce jour sur Réseau International 2, où des colons se réclamant abusivement de sa religion ont pratiqué des sévices sur des brebis et agneaux, ce afin de terroriser les «indigènes» palestiniens.
Exercer de la violence gratuite sur tout être vivant est la prohibition la plus stricte depuis l'origine de l'Homme.
Agnus Dei, qui tollis peccata mundi (Voici l'Agneau de Dieu qui porte les péchés du monde)
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Originaire de Beit Sahour près d'où naquit l'Agneau de Dieu en question, le Rév. Dr. Munther Isaac, théologien formé en Angleterre, est Palestinien, et pasteur de plusieurs églises protestantes en Cisjordanie. Suite à des prêches en 2023 et 2024 et à un entretien avec Tucker Carlson 3 qui ont fait la tour du monde, il se décrit lui-même comme le «pasteur virtuel» des millions qui l'ont depuis écrit ou contacté - musulmans, chrétiens de toute confession et juifs. En décembre 2023, sa congrégation à Bethlehem bâtit devant l'autel une crèche avec l'Agneau de Dieu enfant, enveloppé dans le keffiyeh et posé sur des amas de pierres et de poussière à l'image de Gaza. Ainsi le titre de son ouvrage «Christ in the Rubble», paru aux USA il y a quelques mois et préfacé par Willie James Jennings, chef d'un groupe de pasteurs noirs avec lesquels le Dr Isaac collabore.
Si le contenu politique-historique de «Christ in the Rubble» (le Dr. Isaac renvoie par notes en pied de page à toutes ses sources) ne surprendra pas les lecteurs de Réseau International, pris heure par heure par les évènements depuis le début, le livre vise non à éduquer le «profane» mais avant tout à dénoncer le refus net d'agir des autorités dites chrétiennes quelle que soit leur dénomination : «les dirigeants religieux sont généralement perçus comme des êtres clivants, étroits d'esprit et friands de conflits» écrit Isaac, car «exiger que paix soit faite veut nécessairement dire choisir son côté»... «nulle part ai-je vu une déclaration d'une église qui reconnaisse aux Palestiniens le droit de se défendre» (p. 137). Les débats entre le Dr Isaac et l'Archevêque anglican Welby, que le premier a mis dos au mur, sont étonnants de franchise.
En effet, quoique strictement non-violent à l'instar de ses modèles Martin Luther King et Nelson Mandela, le Dr Isaac n'a rien de la grenouille de bénitier croassant la bonne parole sur mode lénifiant. Radicale, sa critique de l'État sioniste - nettoyage ethnique dès le germe du projet, apartheid, colonisation violente, état de siège - l'est tout autant que celle prononcée par les grands dissidents juifs tels Yakov Rabkin, Max Blumenthal, Ilan Pappé ou par les dirigeants des mouvements de résistance non-violente partout dans le monde musulman.
À titre personnel le Dr Isaac est loin d'être convaincu par le Hamas en ses différentes itérations et financements qataris sous bene placit jabotinskien. Néanmoins, il insiste que celui qui ose se dire horrifié par l'action survenue le 7 octobre 2023 sans toutefois l'être par le déferlement de haine meurtrière anti-palestinienne au long du siècle, a zéro crédibilité. Comment écrit Isaac, fait-on en bonne conscience expier par les Palestiniens une faute perpétrée en Europe entre '39 et '45, en arrogeant un «droit de retour» à ceux qui n'y ont jamais vécu historiquement tout en le niant aux indigènes ? «Les Occidentaux ont exporté leur racisme vers la Palestine». Pour Isaac, il s'agit de la Théologie du sionisme, qui englobe non seulement les sionistes chrétiens, qui se comptent par centaines de millions, mais aussi la faction majoritaire («mainline 'progressive' Christians») des dénominations chrétiennes en Occident. Désormais, écrit-il, la priorité de toutes les religions doit être de combattre le Sionisme chrétien et ainsi forger de nouvelles alliances.
Cette Théologie du sionisme a été agressivement bâtie en deux siècles sur un récit fantastique, par où le mot «Israël» dans l'Ancien Testament - mot dont le sens est tout sauf clair et tout sauf géographique - est censé dépeindre les terres convoitées par l'actuel «Israël» et son Hégémon impérial, tandis qu'on fait jouer aux Palestiniens le rôle des centaines de tribus disparues, qui dans le brouillard des temps se seraient portés «ennemis» des tribus elles-aussi disparues etsporadiquement dénommées «Israël».
Pervers, ce récit omniprésent en Occident est l'échafaudage sur lequel le présent génocide se tient, et pour tout vous dire, même des gens relativement instruits comme Mendelssohn Moses n'avaient, jusqu'à lire Shlomo Sand récemment, que vaguement entendu parler des Kazars et pensaient encore que les Ashkenazes fussent des sémites !
Pour le non-chrétien, «Christ in the Rubble» fait réfléchir à ces problèmes sous un angle différent.
(En passant, notons que le Dr Isaac écrit en anglais ; d'une part ce n'est pas sa langue maternelle ni celle qu'il utilise tous les jours ; le lecteur ne doit donc pas espérer des effets de style ou de majestueuses périodes Miltoniennes. D'autre part, il est peut-être un peu regrettable que le Dr Isaac ait préféré une traduction récente à celle de la Bible dite du Roi Jacques (1610), monument de la langue anglaise. Mais, comme dit, passons, vu l'importance du contenu).
La croix que l'on porte ?
Sans vouloir être irrespectueux, il sera permis au non-chrétien Mendelssohn, pour qui l'Agneau de Dieu est un prophète révolutionnaire, de souligner le discours du Dr. Isaac sur la signification de la croix.
La croix, qu'est-elle ? Elle nous apparaît en tant que bijou, sur une parure ouvragée en or, argent, platine, piquée de pierre précieuses. Dans les églises, la valeur des matières dont est fait l'objet est souvent inestimable.
Or le Dr. Isaac tient à rappeler que la croix est l'instrument du supplice.
Un instant de focalisation sur ces planches de bois brut hérissé d'échardes et de vieux clous, que les Jabotinskiens n'ont pas (encore ?) choisi d'intégrer dans leur arsenal de distractions.
N'en déplaise aux Bonapartiens, l'Empire romain n'y allait pas par quatre chemins contre la dissidence politique, et c'est en trouble-fête que les autorités voyaient le Christ. Forme particulièrement monstrueuse de la peine capitale, pornographique et donc attirant les voyeurs et sadiques, la crucifixion était communément pratiquée par les autorités romaines pour n'être abolie qu'en l'an 337 apr. JC. 4
Porter la croix autour de son cou, s'incliner devant la croix sur l'autel, proclame en théorie que le croyant aura réfléchi à l'horreur à laquelle le Christ s'est volontairement soumis. Tel Socrate repoussant les encouragements à la fuite, confronté à l'idéologie d'empire qui revendique «Tu ne penses pas comme moi ? Alors tu meurs !», le Christ conclut que seul le jusqu'au-boutisme convainc.
D'où l'image du Christ enfant dans les ruines : l'imitation du Christ 5 entraîne ne pas fuir la souffrance lorsqu'elle vient vous chercher.
Par ailleurs, le Dr Isaac, qui grâce à ses titres et contacts influents, pourrait encore abandonner la Cisjordanie avec femme et enfants et enseigner dans une grande université à l'étranger, reconnaît avoir eu peur d'éventuelles représailles des «autorités» jabotinskiennes lorsque son sermon du 23décembre 2023 fut publié sur toutes les chaînes de réinformation et jusque sur YouTube. Il reconnaît également qu'aucun jour ne passe que sa foi ne se trouve ébranlée par ce qu'il ressent comme «l'inaction» de Dieu face aux exactions Isrxxx en Palestine.
De langue maternelle arabe, Isaac a entendu les Palestiniens tirés des ruines de Gaza lancer non des imprécations mais exclamer Hasbiy-allah wa ni'mal Wakeel ! 6, ce qui veut dire «Dieu nous suffit ! Nous plaçons notre foi en sa Grandeur», et Isaac en a pris leçon. En Lutherien, pour que le réflexe appris serait, avouons-le «When in doubt, blame someone else» (Un doute ? Trouvons sur qui rejeter la culpabilité !) par des chemins un peu tortueux Isaac choisit d'affirmer que la présence du Divin ne s'évanouit pas lorsque l'Homme souffre. Si c'était le cas, le Divin serait le Guide des seuls forts.
Le fort, le Hégémon, s'il veut bien jouer aux rites prescrits par sa secte, ne prêt aucun égard à Dieu puisqu'il se place au-dessus de Dieu - du moins jusqu'à voir la Mort en face. De même, il rejette la Loi et les lois qu'à loisir il foule sous pied.
Il est également permis de penser que le fait même que l'Homme opprimé et meurtri en soit conscient, est la preuve même de sa conscience du contraire : du Bien et de la Liberté en tant que principe inné dans l'Homme. Pouvant être appelé la Présence du Divin, sauf à froisser les athées et communistes qui peut-être liront ce texte.
Dans ce contexte, il est notable qu'Isaac cet homme de religion affirme que «le point de référence ne peut nullement être les textes religieux car ces textes sont spécifiques à chaque religion. Le point de référence doit être le droit international», celui-ci étant universellement reconnu, car «à supposer que je veuille faire prévaloir mes propres croyances sur les vôtres, cela ne peut que se muter en guerre entre les Dieux» (p. 132)
Où nous sommes censés prendre l'Ancien Testament à la lettre ! Soit !
En opposant invétéré à la peine de mort et au lynchage, Mendelssohn n'est pas spécialement fan de la plupart des Livres de l'Ancien Testament, qui pour lui ne présentent qu'un intérêt historique relatif à des temps où l'Homme se débattait pour émerger de l'anarchie voire de l'anomie spirituelle et morale. Quoique les chiffres, les nombres, les listes sans fin des Livres peuvent attirer les férus de calcul, les superstitieux et les généalogistes, à la longue une telle somme de prescriptions et prohibitions étourdit jusqu'à provoquer la narcolepsie.
Cependant le récit propagé depuis des siècles par les Théologiens de l'Empire et leur mini-Rottweiler qu'est l'état Jabotinski, repose sur une interprétation littérale des textes - quand seulement cela leur arrange.
Or, ce jour seulement, cela arrange Mendelssohn AUSSI. Et il nous demande de bien mastiquer et avaler les chapitres du Livre dit saint, qui prescrivent la PEINE DE MORT pour les amusements auxquels se livrent les Jabotinskiens et leurs commanditaires en ce moment même.
Lév. 19:16 Tu ne t'élèveras pas contre la vie de ton prochain. Car je suis l'Eternel. 7
Nombres 35:33 Et vous ne profanerez point la terre car le sang profane la terre ; et l'expiation du sang ne pourra être faite pour le pays où il a été versé que par le sang de celui qui l'a versé.
Esaïe 24:5 Le pays était profané par ses habitants ; Car ils transgressaient les lois, violaient les ordonnances, Ils rompaient l'alliance éternelle.
Publié le 11 novembre 2025 Documentaire ITV : douze soldats ont décrit comment... leurs officiers leur ont dit de faire fi du droit international, de prendre des civils y compris des adolescents comme boucliers humains, de se réjouir d'attaques par drone, et de «se venger sur eux tous». 8
Deut. 27:17 Maudit soit celui qui déplace la borne de la propriété de son voisin. Et tout le peuple répondra : «Amen !» 9
Deut. 27:18 Maudit soit celui qui fait égarer un aveugle dans le chemin ! Et tout le peuple dira : Amen ! 10
Deut. 27:19 Maudit soit celui qui porte atteinte au droit de l'étranger, de l'orphelin et de la veuve ! -Et tout le peuple dira : Amen ! 11 «Le peuple juif possède le droit exclusif et inaliénable à toutes les parties du pays d'Israël» - Lignes directrices de la Coalition gouvernementale 2023.
Deut. 27:24 Maudit soit celui qui frappe son prochain en secret ! Et le peuple dira : Amen ! 12
Deut. 27:25 Maudit soit celui qui reçoit un présent pour répandre le sang de l'innocent ! - Et le peuple dira : Amen ! 13
Lévitique 24:17-22 Et si quelqu'un a frappé à mort un homme, il sera certainement mis à mort 14. Et celui qui aura frappé à mort une bête, fera compensation, vie pour vie 15. Il y aura une même loi pour vous : il en sera de l'étranger comme de l'Israélite de naissance 16 ; car je suis l'ÉTERNEL.
Lévitique 20:13-15 : Et si un homme couche avec un mâle, comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable ; ils seront certainement mis à mort : leur sang est sur eux. 17
Lévitique 19:33-34 Si quelque étranger séjourne avec toi dans votre pays, vous ne l'opprimerez pas.
L'étranger qui séjourne parmi vous sera pour vous comme l'Israélite de naissance, et tu l'aimeras comme toi-même ; car vous avez été étrangers dans le pays d'Égypte. Je suis l'Eternel. 18
Et nous qui pensons que Pikuach nefesh (פיקוח נפש, sauver une vie) prime sur toute autre loi ?
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- togetheragainstapartheid.org