
Par Abdel Qader Sabbah & Sharif Abdel Kouddous, le 14 novembre 2025
Les violentes tempêtes hivernales à Gaza menacent des centaines de milliers de Palestiniens vivant sous la tente, alors qu'Israël continue de restreindre l'aide d'urgence.
Ville de Gaza - Vendredi matin, les Palestiniens de Gaza se sont réveillés sous de fortes pluies hivernales qui ont fait déborder les rues, mêlant les décombres à la boue, inondant les tentes, aggravant l'insalubrité et la misère des centaines de milliers de personnes déplacées par la guerre génocidaire d'Israël qui vivent sans abri adéquat.
"Nous avons été inondés par les eaux de pluie, nous et nos jeunes enfants", a déclaré à Drop Site Raed Al-Kafarna, déplacé avec sa famille de Beit Hanoun à la ville de Gaza. "Notre tente a été inondée et détruite. Nous n'avons plus rien pour nous protéger de la pluie. Nos vêtements sont trempés. Le sol de la tente est totalement inondé".
Les jeunes enfants d'Al-Kafarna l'entourent, pieds nus dans la boue. Dans sa tente, le sable et la boue se sont accumulés, noyant les maigres biens de la famille. Le service météorologique palestinien a émis des avertissements annonçant de nouvelles crues soudaines dans certaines zones de Gaza, avec des vents violents, des pluies diluviennes et des orages prévus dans les prochains jours.
"L'hiver est là et les tentes ont toutes été abîmées. Certaines se sont effondrées sur leurs occupants sous le cumul des trombes d'eau. Nous avons été déplacés, et nous devons maintenant affronter la pluie. Chaque jour, il nous faut trouver de quoi manger, de l'eau pour laver nos enfants et pour boire. Nous n'avons plus rien", a-t-il raconté. "Nous sommes au bout du rouleau. Minute après minute, nous nous attendons à un autre coup du sort. C'est même pire que le déplacement lui-même".
Pluies et inondations dans la ville de Gaza le 14 novembre 2025. (Vidéo d'Abdel Qader Sabbah.)
Les rues alentour sont complètement inondées et se sont transformées en un réseau de rivières peu profondes bordées d'amas de gravats. Les sinistrés ont creusé de simples tranchées entre les rangées de tentes surpeuplées, dans l'espoir vain de détourner l'eau de leurs abris.
"Nous creusons des tranchées pour détourner l'eau, mais c'est peine perdue", a déclaré Al-Kafarna. "Nous n'avons que des seaux et nos mains. Nous ne pouvons rien faire".
Un homme a tenté de balayer l'eau s'engouffrant dans sa tente avec un balai.
"Aujourd'hui, les gens n'ont qu'une obsession : empêcher la pluie et l'humidité de pénétrer dans leurs tentes", a écrit vendredi Eyad Amawi, représentant du Comité de secours de Gaza à Deir al-Balah. "En tant que témoin oculaire de ces événements, je peux vous dire que les gens se sont réveillés à l'aube - de nombreuses familles n'ont sans doute pas dormi de la nuit - parce que leurs tentes ont été inondées et que le sol est gorgé d'eau".
La Protection civile a déclaré avoir reçu toute la journée des appels à l'aide de familles déplacées installées dans des campements et des abris dans tout Gaza.
"L'inondation des tentes dans la ville de Gaza concerne surtout les quartiers d'Al-Nafaq, Al-Daraj, Yarmouk, Al-Zaytoun et le camp d'Al-Shati. Dans le gouvernorat central, des inondations touchent les zones d'Al-Baraka et d'Al-Bassa à Deir al-Balah, et les abords de la Banque islamique sur la rue Salah al-Din, à l'ouest du camp d'Al-Bureij, sans oublier certains camps de déplacés situés près du marché de Nuseirat", a déclaré l'agence dans un communiqué. "Nous appelons instamment au déploiement immédiat de logements, de caravanes et de tentes pour ces familles déplacées pour alléger leurs souffrances, d'autant que nous ne sommes qu'au début de l'hiver".
Selon les Nations unies, plus de 90 % de la population palestinienne de Gaza a été déplacée par la guerre et près de 1,5 million d'entre eux sont actuellement sans abri. Par ailleurs, plus de 80 % des structures de Gaza ont été détruites ou endommagées, et la plupart des gens n'ont plus ni abri ni protection contre les intempéries. L'ONU estime qu'environ un million de personnes survivent actuellement dans 862 sites de déplacement dans toute la bande de Gaza.
Drop Site on Instagram: ""We don't understand what the world is...
Pluies et inondations à Gaza le 14 novembre 2025. (Vidéo d'Abdel Qader Sabbah.)
Israël continue de restreindre drastiquement l'acheminement de tentes, de nourriture et d'autres aides, en violation de l'accord de cessez-le-feu entré en vigueur le mois dernier. Depuis le 10 octobre, plus de 6 490 tonnes de matériel de secours coordonné par l'ONU ont été refusées. Les infrastructures d'assainissement ont été détruites ou endommagées. Les quelques usines de retraitement de l'eau encore en activité sont confrontées à des pénuries de carburant et au risque croissant de débordement massif des égouts.
À l'hôpital Patient's Friends Benevolent Society de Gaza, les infirmières et les parents sont contraints de transporter les enfants malades dans les escaliers, le rez-de-chaussée étant inondé.
"La situation dans l'hôpital est très préoccupante", selon Hassan al-Shaer, le directeur de l'hôpital, dans une interview diffusée en ligne.
"C'est le seul hôpital pour enfants du nord de Gaza. Les enfants étaient coincés dans leurs chambres au rez-de-chaussée et nous nous efforçons actuellement de les transférer dans les étages. La plupart des patients souffrent de malnutrition et de perte d'immunité, et cette inondation soudaine pourrait gravement les affecter".
Mohammed al-Kafarna, un parent de Raed, a également été déplacé de Beit Hanoun vers la ville de Gaza et vit avec sa famille de six personnes dans une tente précaire.
"Il a plu, notre tente a été inondée et nos enfants sont trempés. J'ai dû creuser le sol sans cesse pour essayer de détourner l'eau et empiler du sable pour l'empêcher d'entrer. Mais c'est peine perdue, il pleut beaucoup trop. Nos vêtements sont trempés, nos couvertures aussi, et nous espérons que quelqu'un viendra nous aider", a-t-il déclaré à Drop Site. "Cette tente ne nous protège ni de la pluie, ni du froid, ni de la chaleur, ni de quoi que ce soit d'autre. Mais ma famille de six personnes et moi vivons dedans et personne ne vient nous aider", a-t-il ajouté."Comme vous voyez, nous sommes submergés par l'eau, le sable et la boue. Mes enfants sont trempés, nos maigres réserves de nourriture sont irrécupérables, nos draps et nos lits aussi. On a tout perdu".
* Sami Vanderlip a monté la vidéo de ce reportage.
Traduit par Spirit of Free Speech