21/11/2025 legrandsoir.info  8min #296879

Cubains, Vénézuéliens, Nicaraguayens et Colombiens : les « traîtres à la patrie ».

Hernando CALVO OSPINA

Dans tous les pays du monde, à commencer par les États-Unis et l'Europe, les lois punissent sévèrement les « traîtres à la patrie », ceux qui appellent à l'invasion de leur pays par des puissances étrangères.

Le plus grand porte-avions étasunien se trouve dans les eaux des Caraïbes, accompagné de la dernière génération de navires et d'avions de combat, ainsi que de milliers de marines. Ils viennent, dit-on à Washington, pour arrêter le trafic de cocaïne et d'autres drogues qui, à vrai dire, ne sont pas produites dans la région. On profite aussi de l'opération, bien sûr, pour « sauver » les Vénézuéliens d'une « dictature narco ». Alors, quelques lâches traîtres à la patrie applaudissent et prient pour que cela se réalise...

L'écrivain uruguayen Eduardo Galeano disait : « Chaque fois que les États-Unis sauvent un peuple, ils le transforment en asile ou en cimetière. »

Il a oublié de dire que, dans presque tous les cas où Washington a imposé sa « civilisation » et sa « démocratie », il a compté sur le soutien et les applaudissements de « patriotes » lâches et vendus, qu'on peut aussi appeler traîtres, cinquième colonne, cipayes, pitiyanquis, renégats, collabos, mercenaires et tous les synonymes correspondants. Ou, si vous préférez, dans leur langue de prédilection : traitors to the country, sellouts, double-crossers. Ou encore : bâtards de Quisling et de Pétain, ces collabos norvégien et français, deux des grands traîtres à leurs peuples durant la Seconde Guerre mondiale.

Dans tous les pays du monde, à commencer par les États-Unis et l'Europe, les lois punissent sévèrement les « traîtres à la patrie », ceux qui appellent à l'invasion de leur pays par des puissances étrangères.

Quelques exemples, parmi tant d'autres : comme dans d'autres cas, par lâcheté et surtout parce qu'ils ne disposaient pas d'un soutien interne, les traîtres à la patrie n'ont pas été capables de s'opposer à Saddam Hussein. Ils ont donc prié les États-Unis de faire le « petit travail » pour eux : envahir l'Irak et renverser celui qui était un très proche allié encore peu de temps auparavant.

À l'intérieur ou à l'extérieur, ils se sont prêtés au jeu de la CIA pour fabriquer une énorme quantité de mensonges, que la presse monopolistique a reproduit avec enthousiasme et sans vérification, comme les fameuses « armes de destruction massive » qui ne sont jamais apparues. Une fois leur souhait exaucé, beaucoup d'entre eux furent tués par les bombes ou les balles de fusils et de chars, provenant de ceux qu'ils croyaient être leurs alliés.

Mais à vrai dire, ceux qui ont le plus insisté en faveur de l'invasion se trouvaient, à ce moment-là, aux États-Unis ou en Europe, sans craindre d'être massacrés. Puis, alors que le pays était en ruines et que plus d'un demi-million de civils avaient été assassinés, l'envahisseur imposa les conditions dans lesquelles ses protégés devaient gouverner.

Ces « patriotes » lâches vendus à l'étranger étaient les héritiers de ceux qui, en août 1953, avaient soutenu le premier coup d'État conçu par la CIA, qui renversa le Premier ministre iranien Mohammad Mossadegh, coupable d'avoir osé nationaliser le pétrole. S'ensuivit alors une monarchie répressive de 28 ans, durant laquelle furent emprisonnés ou exécutés beaucoup de ceux qui avaient applaudi le coup d'État.

Il y a aussi ces « patriotes », lâches vendus à l'étranger, qui, à l'instigation de la CIA, réclamèrent en chœur le renversement du président guatémaltèque Jacobo Árbenz, qui avait osé nationaliser les terres de la compagnie bananière United Fruit Company. Après ce premier coup d'État de la CIA en Amérique latine, en juin 1954, le pays a connu des décennies de dictatures et une répression terrifiante qui a fait plus de 200 000 morts et disparus politiques, sans compter les taux de pauvreté extrêmement élevés.

Des « patriotes », lâches vendus à l'étranger, y compris dans ce cas certains secteurs de la gauche, des syndicats et tous les médias, ovationnèrent Washington tandis que la CIA préparait le renversement du président chilien Salvador Allende. Ils allèrent même jusqu'à sauter de joie en voyant les avions bombarder le siège du gouvernement, ce 11 septembre 1973, et se sont embrassés, heureux en voyant le boucher, le général Augusto Pinochet prendre le pouvoir. Quelques heures plus tard, beaucoup de ces mêmes personnes furent torturées, assassinées ou les deux. Et le Chili sombra dans une longue et sanglante dictature.

Et toujours en Amérique latine, il y a aussi l'exemple de ces mercenaires vendus à l'étranger qui, sur ordre de Washington, massacrèrent leur propre peuple au Nicaragua pour en finir avec la révolution sandiniste dans les années quatre-vingt. Malgré la guerre d'usure impulsée par Washington, les révolutionnaires étaient en train de sortir le pays de la misère. Ces soi-disant « contras » furent principalement financés par le trafic de drogue, organisé depuis le bureau du vice-président de l'époque, George Bush père. Lorsque revinrent au pouvoir les « défenseurs de la liberté », comme les appelait leur chef Ronald Reagan, le Nicaragua redevint l'un des pays les plus pauvres de la région.

Depuis une vingtaine d'années, ces mêmes types de crapules, lâches vendus à l'étranger, demandent l'invasion du Venezuela chaviste et bolivarien ; ainsi que du Nicaragua, après que les sandinistes ont récupéré le pouvoir selon la volonté populaire.
Originaires des États-Unis, et plus précisément résidents en Floride, ils se sont joints, avec la fraternité des quisling et des pétanistes, à ceux qui réclament la même chose pour Cuba depuis 1959, en profitant de l'expérience de ces hématophages (terme scientifique pour les désigner, même si je préfère les appeler des tiques).

Ce à quoi l'on ne s'attendait pas, c'est qu'en cette année 2025, sont apparus en Colombie ces spécimens de « patriotes », lâches vendus à l'étranger. Ce sont des voix de l'oligarchie, et de sa presse, qui, face à leur perte massive de crédibilité auprès de la majorité de la population, réclament une intervention militaire étrangère urgente pour mettre fin au gouvernement du président Gustavo Petro, le premier chef d'État qui ne fait pas partie de cette caste qui, pendant 200 ans, a tenu les rênes de la nation.

Bien sûr, ils n'ont rendu public leur souhait qu'après que leur guide et « sentier lumineux » à Washington - en l'occurrence le dictateur fou Donald Trump - eut qualifié le président Petro de quasi-ennemi des États-Unis, voire de narcotrafiquant, pour avoir osé rejeter la militarisation en cours dans les Caraïbes, destinée à une agression contre le Venezuela. Une agression qui, par ricochet direct, embraserait la Colombie et déstabiliserait toute la région.

Gardons à l'esprit que l'oligarchie colombienne n'est pas une simple oligarchie : c'est l'une des plus répressives, sanguinaires et responsables de famine au monde. De plus, cela fait environ 50 ans qu'elle a commencé à tirer profit du narcotrafic jusqu'à ériger l'actuel narco-État. Malgré cela, étrangement, elle a été l'un des principaux alliés stratégiques des États-Unis, et pas seulement pour le continent.

Et pourtant, je ne me souviens pas qu'une personne de gauche, ou progressiste, à l'intérieur ou à l'extérieur du pays, ait demandé l'invasion d'une puissance étrangère pour chasser du pouvoir cette horrible peste : ils ont préféré l'affronter par tous les moyens de lutte possible.

Comme on peut s'y attendre, à l'instar de ces Cubains, Vénézuéliens et Nicaraguayens, lâches vendus à l'étranger, ces représentants de la narco-oligarchie adressent leur requête à leur « étoile du Nord », le gouvernement des États-Unis. Ce qui aggrave encore la situation en Colombie et, logiquement, au Venezuela, c'est que l'OTAN pourrait être utilisée à cette fin, puisque la Colombie est un « partenaire extérieur privilégié » de cette alliance militaire criminelle et malfaisante.

Les politiciens et les fonctionnaires étasuniens qui les ont reçus ne se sont pas souciés du fait que ces émissaires soient considérés en Colombie comme très proches ou directement impliqués dans les bandes narco-paramilitaires. Non : ils aiment simplement entendre le bruit qu'ils font, car cela correspond à leurs intérêts.

Ils ont bénéficié du soutien de membres du Congrès tels que Mario Díaz-Balart, Carlos Giménez, María Elvira Salazar et Ted Cruz, d'origine cubaine, ainsi que de Bernie Moreno, d'origine colombienne, appartenant à une famille de narcotrafiquants, dont l'un des membres, son oncle, est emprisonné aux États-Unis. Le secrétaire d'État actuel, Marco Rubio, également d'origine cubaine, qui a lui aussi des proches liés au trafic de drogue, mène la danse. Dès l'élection de Petro, ces politiciens l'ont qualifié de « terroriste » en raison de son passé de guérillero.

Ces membres d'extrême droite du Congrès sont les mêmes qui, depuis le début de leur carrière politique, ont réclamé des sanctions économiques et des invasions contre Cuba, le Venezuela et le Nicaragua, dans cet ordre de priorité. Ce discours leur a permis d'obtenir les votes qui les ont propulsés dans un État, la Floride, où la mafia contrôle la politique et presque tout le reste. Une mafia créée par ceux qui ont fui la révolution cubaine, ceux-là mêmes qui ont multiplié leurs fortunes en participant à la guerre antisandiniste, avec leur trafic de cocaïne.

Les lâches vendus à l'étranger cubains, vénézuéliens et nicaraguayens, pour la plupart confortablement installés aux États-Unis et en Europe, se réjouissent car ils sentent venir une invasion. Il en va de même pour les Colombiens. Ils ne se soucient guère de l'état dans lequel se trouvent les pays déjà envahis par les marines au nom de la « liberté », car ils sont convaincus que les États-Unis et leurs alliés n'agiront pas de la sorte dans leur pays, et encore moins contre eux.

Ces Cubains, Vénézuéliens et Nicaraguayens sont tellement incroyablement vendus (et tous les autres synonymes utilisés précédemment) qu'ils ne parviennent pas à réfléchir à quelque chose d'aussi logique : dans leurs pays, beaucoup de leurs proches, amis, femmes, personnes âgées et enfants continuent de vivre. Faut-il leur rappeler que ni les bombes ni les marines ne savent distinguer ceux qu'ils ne doivent pas tuer ? En outre, cela importe peu à ceux qui les lancent ou les tirent, car ce ne sont que de simples Indiens qui meurent.

Ah, qu'ils ne l'oublient pas, ces lâches traîtres à la patrie : l'histoire ne cesse de le démontrer : Rome paie les traîtres, mais les méprise !

Hernando CALVO OSPINA

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