23/11/2025 reseauinternational.net  12min #297014

 L'Onu adopte le Plan Trump qui bafoue les droits du peuple palestinien

L'Onu légitime le colonialisme : décryptage du mandat du Conseil de sécurité pour l'administration de Gaza par les États-Unis

par Craig Mokhiber

Le soutien du Conseil de sécurité au plan Trump pour Gaza ignore le droit international, punit les Palestiniens et récompense les responsables du génocide.

Plus de deux ans après le début du génocide en Palestine, le Conseil de sécurité de l'ONU a enfin agi. Mais au lieu de faire respecter le droit international, de protéger les victimes et de faire en sorte que les coupables rendent des comptes pour leurs crimes, il a adopté une résolution qui bafoue ouvertement des dispositions essentielles du droit international, prive les victimes de leurs moyens d'action et les punit davantage, tout en récompensant et en confortant les auteurs.

Plus inquiétant encore, il confie le contrôle de Gaza, ainsi que des survivants du génocide, aux États-Unis, coauteurs du génocide, et prévoit la participation du régime israélien au processus décisionnel. Selon ce plan, les Palestiniens eux-mêmes ne se verront accorder aucune participation aux décisions concernant leurs propres droits, leur gouvernance et leur vie.

Ce faisant, le Conseil devient en pratique un instrument de l'oppression américaine, un vecteur de la poursuite de l'occupation illégale de la Palestine et un acteur complice du génocide commis par Israël.

Depuis que l'ONU a partagé la Palestine en 1947 contre la volonté du peuple autochtone, ouvrant ainsi la voie à 80 ans de Nakba, jamais l'organisation n'avait adopté une posture aussi ouvertement coloniale (et juridiquement ultra vires, ce qui signifie qu'il a excédé ses compétences), ni foulé avec autant d'insouciance les droits d'un peuple.

Une résolution venue tout droit de l'enfer

Le lundi 17 novembre, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté une proposition américaine visant à confier le contrôle de Gaza à un organe colonial dirigé par les États-Unis, appelé le «Conseil de paix», tout en déployant une force d'occupation par procuration, également placée sous direction américaine, dénommée «Force internationale de stabilisation». Les deux devront, en fin de compte, rendre compte personnellement à Donald Trump. Et les deux fonctionneront en consultation avec le régime israélien.

Dans ce qui restera longtemps dans les mémoires comme un jour de honte pour l'ONU, la Russie et la Chine se sont abstenues, sans toutefois utiliser leur veto ; et aucun membre du Conseil de sécurité n'a eu le courage, le sens du principe ou le respect du droit international nécessaire pour voter contre ce qui ne peut être considéré que comme un outrage colonial américain, une ratification du génocide et une abdication flagrante des principes de la Charte des Nations unies.

La résolution rejette implicitement une série de conclusions récentes de la Cour internationale de justice (CIJ), nie ouvertement le droit des Palestiniens à l'autodétermination et renforce l'impunité dont jouit le régime israélien, alors même que le génocide se poursuit.

Bien que la CIJ ait conclu que le peuple palestinien a le droit de s'autodéterminer sur sa terre, la résolution lui retire ce droit en confiant son avenir à des forces étrangères hostiles.

Bien que la Cour ait établi que Gaza (ainsi que la Cisjordanie et Jérusalem-Est) est illégalement occupée et que cette occupation doit prendre fin rapidement et totalement, la résolution prolonge l'occupation israélienne, entérine la présence indéfinie des forces du régime israélien et lui superpose une seconde occupation, dirigée par les États-Unis.

Et bien que la Cour ait conclu que les Palestiniens n'ont pas à négocier leurs droits avec leurs oppresseurs et qu'aucun accord ou processus politique ne peut primer sur ces droits, la résolution annule ces droits et les place à la discrétion des États-Unis, d'Israël et d'autres partenaires.

Même au cœur d'un génocide perpétré par un régime d'apartheid, la résolution ne mentionne nulle part les crimes de génocide, d'apartheid ou de colonisation, ni les milliers de Palestiniens toujours détenus dans les camps israéliens de torture et de mort, ni les principes de responsabilité des auteurs ou de réparation pour les victimes.

Israël n'est pas davantage sommé de respecter ses obligations juridiques en matière d'indemnisation et de réparations ; cette responsabilité est plutôt transférée aux donateurs internationaux et aux institutions financières internationales, ce qui équivaut à un plan de sauvetage de plusieurs milliards de dollars pour le régime israélien. En résumé, la résolution garantit l'impunité totale du régime israélien et facilite en outre sa normalisation.

Une administration coloniale

La résolution va même jusqu'à accueillir favorablement, approuver et annexer la version largement discréditée du plan Trump (celle du 29 septembre) et, sans en citer toutes les dispositions problématiques, appelle toutes les parties à l'appliquer dans son intégralité.

Elle habilite le Conseil de paix dirigé par Trump à agir comme administration transitoire gouvernant l'ensemble de Gaza, à contrôler tous les services et toute l'aide, à contrôler les mouvements de personnes entrant et sortant de Gaza, ainsi qu'à contrôler le cadre, le financement et la reconstruction de Gaza. Elle inclut en outre une autorisation dangereusement vague, formulée en termes très généraux, pour «toute autre tâche pouvant s'avérer nécessaire». Elle accorde également au Conseil de Trump le pouvoir préalable d'établir, à sa discrétion, des «entités opérationnelles» et des «autorités transactionnelles» non définies.

La résolution envisage même la création d'un organe collaborateur composé de technocrates palestiniens, qui recevraient leurs instructions du Conseil de paix de Trump et lui rendraient des comptes, sur leur propre terre. En violation flagrante du droit international, elle refuse aux Palestiniens le contrôle de leur territoire à Gaza jusqu'à ce que Trump et ses collaborateurs jugent que l'Autorité palestinienne a satisfait aux exigences de réforme définies par Trump lui-même et par la «proposition franco-saoudienne», tout aussi odieuse. Elle ne contient aucune promesse d'indépendance ou de souveraineté palestinienne.

Au contraire, en contradiction directe avec les conclusions de la CIJ, elle fait reculer la cause de la liberté et de l'autodétermination palestiniennes en se contentant d'une phrase vague, fortement conditionnelle et non engageante, affirmant qu'APRÈS que les organes dirigés par Trump auront décidé que les Palestiniens ont satisfait à des critères INDÉFINIS de «réforme et de développement», «les conditions POURRAIENT enfin être réunies pour une VOIE crédible vers l'autodétermination et la création d'un État palestinien».

Et la dernière lueur d'espoir que pourraient laisser entrevoir ces conditions est finalement anéantie par une clause coup de grâce décisive stipulant que tout processus visant ces objectifs doit être placé sous le contrôle direct des États-Unis. En d'autres termes, le Conseil de sécurité de l'ONU a accordé aux États-Unis, principal soutien du régime israélien et coauteur du génocide, un droit de veto sur l'autodétermination palestinienne.

La résolution n'offre même pas l'espoir que la privation systématique subie par le peuple palestinien à Gaza prenne fin. Alors que la CIJ a déclaré que les restrictions à l'aide doivent cesser, la résolution se limite à «souligner l'importance» de l'aide humanitaire. Elle n'exige ni son acheminement ni sa distribution sans entrave.

Une force d'occupation par procuration

La résolution mandate également une force armée d'occupation par procuration, appelée «Force internationale de stabilisation», chargée d'opérer sous l'autorité du Conseil de paix dirigé par Trump. Cette force sera placée sous un commandement approuvé par le Conseil de Trump et opérera explicitement en collaboration avec Israël, auteur du génocide (ainsi qu'avec l'Égypte).

Ses membres seront désignés «en coopération avec» le régime israélien et travailleront avec celui-ci pour contrôler les survivants palestiniens à Gaza.

Elle sera chargée de sécuriser les frontières (c'est-à-dire d'enfermer les Palestiniens), de stabiliser l'environnement sécuritaire de Gaza (c'est-à-dire de réprimer toute résistance à l'occupation, à l'apartheid ou au génocide), de démilitariser Gaza (mais pas le régime israélien), de détruire les capacités de défense militaire de Gaza (mais pas celles d'Israël), de désarmer la Résistance palestinienne (mais pas le régime israélien), de former la police palestinienne (afin de contrôler la population palestinienne à l'intérieur de Gaza) et de travailler à la réalisation des objectifs (malfaisants) du «plan global» de Trump.

La force est également chargée de «protéger les civils» et de contribuer à l'aide humanitaire, dans la mesure où les États-Unis l'y autorisent (ou y consentent). Mais il devrait désormais être évident qu'une telle force, appelée à collaborer avec Israël, ne ferait rien pour s'opposer à l'agression israélienne et aux attaques visant les civils.

Elle est aussi chargée de «surveiller le cessez-le-feu», un cessez-le-feu garanti par les États-Unis et qui a permis à Israël de poursuivre ses attaques quotidiennes contre Gaza depuis sa déclaration (tuant des centaines de personnes et causant des destructions massives aux infrastructures civiles), tout en ne tolérant aucune riposte de la Résistance palestinienne. Il est raisonnable de supposer que toute surveillance du cessez-le-feu par une telle force se concentrera essentiellement sur la partie palestinienne et non sur le régime israélien en tant que puissance occupante.

En d'autres termes, la mission de cette force d'occupation par procuration est de contrôler, de contenir et de désarmer la population victime du génocide, et non le régime qui le perpètre, et d'assurer la sécurité non pas des victimes du génocide mais de ses auteurs.

Dans une nouvelle violation manifeste du droit international, la résolution autorise les forces du régime israélien à continuer d'occuper (illégalement) Gaza jusqu'à ce que le Conseil de paix dirigé par les États-Unis et les forces israéliennes en décident autrement. Et, quoi qu'il en soit, la résolution prévoit que les forces d'occupation israéliennes peuvent rester à Gaza afin d'occuper indéfiniment un «périmètre de sécurité».

Enfin, le Conseil de paix colonial et sa «force de stabilisation» d'occupation par procuration se voient attribuer un mandat de deux ans, avec possibilité de prolongation en consultation avec Israël (et l'Égypte), mais pas avec la Palestine.

La folie des colonisateurs

Il va sans dire que cette résolution a été rejetée par la société civile palestinienne, par la quasi-totalité des factions politiques et de résistance palestiniennes, ainsi que par les défenseurs des droits humains et les experts en droit international à travers le monde.

En vertu du droit international, l'occupation de la Palestine est illégale, le peuple palestinien a droit à l'autodétermination et il a le droit de résister à l'occupation étrangère, à la domination coloniale et aux régimes racistes tels qu'Israël. Non seulement cette résolution cherche à nier ces droits, mais elle va jusqu'à conforter la présence illégale d'Israël et à autoriser ses propres mécanismes d'occupation étrangère et de domination coloniale.

De plus, le Conseil de sécurité tire l'intégralité de ses pouvoirs de la Charte des Nations unies. Cette Charte, en tant que traité, fait partie du droit international : elle ne lui est pas supérieure. À ce titre, le Conseil est lié par les règles du droit international, y compris, et en particulier, par les normes les plus élevées, dites jus cogens et erga omnes, telles que le droit à l'autodétermination et l'inadmissibilité de l'acquisition de territoires par la force. Son mépris flagrant des conclusions de la CIJ sur ces questions révèle à quel point nombre des dispositions de cette résolution sont, en réalité, illégales et ultra vires (au-delà de l'autorité du Conseil).

En tant que telle, cette initiative illégitime du Conseil de sécurité des Nations unies aura des répercussions bien au-delà de la Palestine. Un Conseil de sécurité non contraint par le droit international devient un instrument dangereux de répression et d'injustice. C'est précisément ce à quoi nous avons assisté dans cette affaire : le Conseil a ignoré le droit international et a, de fait, livré les survivants de Gaza aux coauteurs du génocide.

Et les observateurs du Conseil savent parfaitement que le veto y a été utilisé à maintes reprises pour nier les droits des Palestiniens. Dans ce cas précis, alors qu'il aurait pu servir à protéger ces droits, le veto a brillé par son absence. En une minute de vote, le Conseil de sécurité a perdu toute légitimité.

La voie à suivre

La tentative des États-Unis d'imposer une forme de colonialisme du XIXe siècle au peuple palestinien de Gaza, meurtri depuis si longtemps, tout comme le projet colonial franco-saoudien qui l'a précédée, est vouée à l'échec. De tels projets sont fondamentalement viciés dès le départ, puisqu'ils cherchent à imposer des résultats dénués de légalité (au regard du droit international), dénués de légitimité (puisqu'ils excluent l'action des Palestiniens eux-mêmes) et sans aucune perspective pratique de réussite (compte tenu de leur rejet quasi universel en Palestine comme dans le reste du monde).

Les États-Unis peuvent peut-être menacer et soudoyer suffisamment d'États pour obtenir leur soutien lors d'un vote à l'ONU, mais réunir assez de troupes et de personnel pour appliquer la résolution sur le terrain, contre la volonté de la population indigène, est une tout autre affaire. Et maintenir ce soutien lorsque le plan commencera (inévitablement) à se déliter sera encore plus difficile.

En attendant, pour celles et ceux qui sont attachés à la justice, aux droits humains et à l'État de droit, la tâche est claire : ce plan doit être combattu dans chaque capitale et à chacune de ses étapes. Les gouvernements doivent être sommés de mettre fin à leur complicité dans les abus israéliens, les excès américains et ce projet colonial atroce. Le régime israélien doit être isolé. Les efforts de boycott, de désinvestissement et de sanctions doivent être redoublés. Un embargo militaire, énergétique et technologique doit être instauré. Les responsables israéliens doivent être poursuivis devant toutes les juridictions disponibles. Et les rues doivent résonner du rugissement juste de millions de personnes réclamant la liberté palestinienne à travers des manifestations, des grèves, la désobéissance civile et l'action directe.

Et lorsque ce château de cartes colonial s'effondrera, une autre solution, plus juste, sera prête à prendre sa place. Si la majorité mondiale se relève de son asservissement à l'empereur et affirme son pouvoir collectif, en s'appuyant sur le mécanisme de l'Assemblée générale «Uniting for Peace» pour contourner le veto américain, en adoptant des mesures de responsabilisation afin d'isoler et de sanctionner le régime israélien, et en déployant une véritable protection en Palestine, alors l'ONU pourra survivre et continuer de se battre. Sinon, elle se desséchera et mourra presque certainement, victime de blessures qu'elle se sera infligées elle-même, dont aucune n'est plus profonde que la résolution honteuse du 17 novembre 2025.

source :  Mondoweiss via  Le Cri des Peuples

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