
par Mounir Kilani
Zelensky, un président ou un acteur ? La question me hante depuis le début. Cet homme n'a pas gouverné : il a performé. Il n'a pas dirigé : il a joué. Je me souviens de ces selfies dans les ruines, de ces treillis toujours impeccables... Était-ce un chef de guerre ou le réalisateur de sa propre série ? On me dira que je simplifie. Peut-être. Mais quand je vois les chiffres des morts, j'ai du mal à croire que tout cela n'était qu'une mise en scène. Une mise en scène dont nous étions, finalement, les spectateurs complices.
L'homme qui a préféré la gloire à la paix
21 novembre 2025. Kiev, moins cinq degrés, un vent venu de la steppe qui cingle comme une lame. Devant le bureau présidentiel, Zelensky se tient là, transi jusqu'aux os sous son treillis trop léger, le souffle blanc s'échappant en petits nuages saccadés. Le froid lui ronge les joues, lui empourpre le bout du nez, fait trembler sa voix déjà brisée. On dirait un spectre en kaki que l'hiver ukrainien a décidé d'achever avant même les bombes.
Il parle, mais le gel colle les mots à ses lèvres. Il répète «dignité», «trahison», «nation», et chaque syllabe tombe comme un glaçon, se brise sur le pavé. Le peuple qui l'écoute depuis les écrans gelés des abris ne distingue plus qu'un homme qui grelotte dans le rôle de sa vie, tandis que le froid, lui, ne joue pas : il mord, il tue, il rappelle que la guerre, c'est aussi ça - mourir d'hiver pendant qu'un acteur récite encore son texte dans le blizzard.
Tout sonne creux. Tout sonne joué. Et ce 22 novembre, alors que les coupures de courant s'étendent - la plupart des centrales thermiques et hydroélectriques ukrainiennes endommagées par les frappes russes du week-end, jusqu'à douze heures d'obscurité par jour dans les oblasts -, même les rares écrans qui s'allument peinent à capter la voix du président. Le peuple, transi dans le noir, n'entend plus que le silence.
Parfois je me demande ce qui meurt en premier : l'électricité, l'espoir, ou la simple dignité de pouvoir boire un thé chaud. Le régime s'éteint.
Le plan de paix américain : la gifle ultime
Le plan de paix américain en vingt-huit points, fuité par un député ukrainien avant d'être officiellement glissé sous sa porte, n'a rien d'un texte diplomatique : c'est la gifle ultime d'une réalité qu'il refuse d'admettre. Signer avant le 27 novembre, ou sombrer sans armes, sans renseignements, sans alliés.
La reconnaissance tacite des annexions russes - Crimée, Donbass, Zaporijia, Kherson - n'est qu'un début. Le document exige aussi la renonciation explicite à l'«idéologie nazie» et le démantèlement des bataillons nationalistes comme Azov. Autrement dit, l'enterrement officiel du bandérisme dont Zelensky a fait son carburant politique.
Voilà le plus cruel : cet homme qui a passé quatre ans à jouer les héros découvre que la scène s'effondre sous ses pieds. Il n'a plus de public, plus de soutien, plus de destin. Seulement un rôle qui se vide de son sens. C'est comme demander à un alcoolique de vider lui-même ses bouteilles. L'«idéologie nazie» qu'il a laissé se propager, ce bandérisme dont il a fait son carburant... Washington lui demande aujourd'hui de saborder son propre réservoir. L'ivresse est terminée, place à la gueule de bois.
L'erreur originelle : croire que l'Occident combattrait jusqu'au dernier Ukrainien
En février 2022, Zelensky avait une porte de sortie. Poutine lui proposait la neutralité, la protection du Donbass, une conférence internationale. Il a refusé.
Pourquoi ? Parce que Boris Johnson, du fond de son bunker londonien, lui murmurait des «victoires totales» ; parce que Joe Biden lui promettait des montagnes de dollars ; parce que les médias occidentaux lui collaient l'étiquette du «Churchill ukrainien» - un rôle trop beau pour un comédien enivré par sa propre légende.
Il a alors confondu promesses et garanties, illusions et réalités, tapis rouge et champ de bataille. L'Occident n'était pas prêt à mourir pour lui. L'Occident était prêt à le laisser mourir - lui, son armée et son peuple - pour affaiblir Moscou.
Aujourd'hui, les vingt-huit points du plan Trump gravent cette réalité dans le marbre : pas d'OTAN, frontières gelées, zone démilitarisée sous contrôle russe. Une humiliation stratégique complète.
En refusant Istanbul en 2022, Zelensky a conduit à la perte de vingt à vingt-deux pour cent du territoire ukrainien. L'hypocrisie, désormais, atteint des sommets : le 21 novembre, il confie à Daniel Driscoll, secrétaire à l'Armée de terre des États-Unis, qu'il est «prêt à coopérer» sur ce plan.
En privé, il se soumet ; en public, il hurle. Le 22, la farce culmine : Zelensky officialise une délégation pour «discuter» du plan Trump, menée par son chef de cabinet Andriy Yermak - l'homme au cœur des scandales de corruption, suspecté par le FBI d'avoir détourné cent millions de dollars. Direction la Suisse, pour des pourparlers avec les Américains dès cette semaine, sous couvert de «consultations constructives». (Le 23 novembre, le ministère ukrainien des Affaires étrangères a publiquement rejeté le plan)
Ultime marque d'un dirigeant fini : le courage n'est plus que gesticulation, et la reddition, un billet d'avion pour l'exil doré.
L'Histoire jugera. Mais elle est déjà en train d'écrire son verdict : vingt pour cent du territoire perdu pour des selfies avec Biden et des standing ovations au Parlement européen. Le prix du tapis rouge se mesure en vies humaines. Et quel gaspillage.
L'illusion du héros de série
Je reviens à mon point de départ : Zelensky n'a jamais gouverné. Il a performé. Il n'a jamais dirigé : il a interprété. Il a pris l'État pour un scénario, la guerre pour une saison, les morts pour des figurants.
Chaque selfie dans les ruines, chaque discours en treillis vert, chaque «Slava Ukraini» lancé devant les caméras n'était pas une décision d'État : c'était une scène de plus dans la fiction qu'il se racontait. Un spectacle payé en cadavres.
Il poursuit d'ailleurs ce jeu morbide face au plan Trump, qui prévoit des élections supervisées et une amnistie générale dès 2026. Même rôle : la victime héroïque.
Mais les chiffres, eux, sont implacables : cinq cent mille morts ukrainiens, selon les évaluations américaines. Douze millions de déplacés. Une génération entière balayée.
Pour quoi ? Pour le maintien au pouvoir d'un acteur dépassé par son propre personnage. Il est devenu, par prolongation de la guerre, un criminel involontaire mais obstiné, préférant encore la posture à la paix.
Ses alliés occidentaux eux-mêmes, off the record, le décrivent désormais comme un fardeau, un pantin trop usé pour être utile.
Au théâtre, quand la pièce est mauvaise, le public siffle et quitte la salle. Dans la guerre, quand le scénario est mauvais, le public meurt. Lui continue pourtant de jouer, sourd aux sifflements des bombes.
Le mensonge bandériste assumé
Les faits, pourtant, suffisent à dresser le constat. Une progression si constante qu'elle en devient troublante :
En 2019, il promettait la paix et jurait de sacrifier son mandat plutôt que des vies. On sait ce qu'il en est resté.
Dès 2020, Andriy Biletsky, fondateur du régiment Azov et chef historique d'un mouvement qui n'a jamais renié ni la svastika ni le culte de la race, était reçu dans les cercles du pouvoir comme un interlocuteur légitime. Le signal était donné.
En 2021, les manuels scolaires ont été réécrits. Stepan Bandera n'était plus seulement réhabilité ; il devenait une figure centrale de l'histoire nationale, presque un père fondateur. Les anciennes pages ont disparu ; les nouvelles s'imprimaient.
Puis, en 2022, le décret no 679 a intégré Azov et d'autres milices extrémistes à la Garde nationale. L'État leur offrait ainsi légitimité, uniformes et budget. Ce qui n'était que toléré devenait institution.
En 2023, à Kiev et devant les caméras, Zelensky remettait personnellement l'Étoile d'or à Denys Prokopenko, commandant d'Azov. L'étreinte était longue, l'ovation interminable. L'image s'est gravée dans les mémoires.
En 2024, dans un lycée de Ternopil, on inaugurait une statue de Roman Choukhevytch. Des officiers d'Azov en grand uniforme posaient à ses côtés, des enfants applaudissaient. Personne, au sommet de l'État, n'y trouvait à redire.
Enfin, en 2025, le 1er janvier, jour anniversaire de la naissance de Bandera, le compte officiel de la présidence publiait une photographie où flottaient les drapeaux rouge et noir, célébrant «la gloire des héros». Le message était clair, signé, assumé.
Ce n'est plus une dérive. C'est une ascension, froide, continue, implacable.
Il a caressé les symboles qu'il faut aujourd'hui enterrer ; il a décoré les hommes qu'il devra demain livrer ; il a enseigné aux enfants à vénérer ceux que le monde lui ordonne à présent de maudire.
Le piège est d'une ironie parfaite : l'homme qui a sanctifié ces fantômes devra désormais les exorciser de ses propres mains.
La corruption, éternel retour
L'«Ukraine propre» : une farce digne des pires sketches de l'époque où Zelensky faisait encore rire. Pandora Papers, détournements massifs, limogeages arbitraires, mobilisation forcée, oligarques fuyant vers Londres - tout y est. Rien n'a changé. Zelensky a simplement troqué Kolomosky contre BlackRock.
Deux preuves brûlantes viennent étayer ce constat :
- 2024 : le ministre de la Défense Roustem Oumerov et son adjoint font l'objet d'une enquête pour avoir détourné quarante millions de dollars sur un contrat d'obus jamais livrés ; Zelensky refuse de les limoger et les promeut même quelques mois plus tard.
- 2025 : en pleine pénurie d'armes, 262 millions de dollars d'aide militaire américaine transitent par la société offshore chypriote de l'associé d'Andriy Yermak, chef de cabinet du président ; l'affaire est révélée par le Kyiv Independent, classée sans suite en vingt-quatre heures.
Le plan Trump contient même une clause d'impunité pour corruption. Zelensky sait qu'il en a besoin : c'est sa planche de salut personnelle, son dernier filet. Preuve vivante que, même à l'agonie, le régime continue de se nourrir de la même pourriture qu'il jurait d'éradiquer.
La dernière scène
Plafond des forces à cent cinquante mille hommes. Neutralité gravée dans le marbre constitutionnel. Partage de l'électricité. Démilitarisation durable. Voilà le tribut que l'Ukraine paie aujourd'hui pour les illusions d'un seul comédien.
Zelensky a offert son pays aux bombes, à l'exode, à l'hiver sans fin, parce qu'en 2022 il a cru que l'Occident se battrait jusqu'au dernier Ukrainien pour lui permettre de finir la saison. Aveuglé par les projecteurs, il a refusé la paix d'Istanbul et transformé son peuple en figurants d'une tragédie qu'il voulait «oscarisable».
Ses complices occidentaux, eux, n'ont même pas eu la décence du cynisme élégant : ils l'ont flatté, armé, applaudi, puis lâché avec la brutalité d'un producteur qui coupe le budget en pleine prise. Ceux-là mêmes qui le célébraient comme un Churchill en tee-shirt - Biden hier, Mertz, Macron, von der Leyen aujourd'hui - négocient déjà dans l'ombre les futurs gazoducs russes et les juteux contrats de reconstruction avec les oligarques qu'ils vomissaient publiquement.
Les rédactions qui mettaient Azov en une sous le titre «Les lions de Marioupol» effacent discrètement leurs archives et préparent le dossier «Comment on s'est fait berner par un acteur». Les plateaux de LCI et BFM, hier en transe devant le héros kaki, cherchent déjà le prochain sujet vendeur.
À Genève, on annonce des «progrès hautement productifs» et un «cadre raffiné». Traduction : l'Occident polit la capitulation avant de la faire signer à Thanksgiving. Le plan Trump, aussi brutal et imparfait soit-il, reste la seule issue qui stoppe encore le massacre. Zelensky le sait. C'est pour cela qu'il hurle à la «trahison» et à la «capitulation» : accepter cette paix, ce serait graver dans le marbre l'aveu insoutenable - cinq cent mille, un million, peut-être deux millions de morts* pour rien.
Pour des selfies dans les ruines. Pour des standing ovations à Bruxelles et une humiliation à Washington. Pour le maintien d'un rôle qu'il n'a jamais su quitter.
Il a préféré que l'Ukraine meure plutôt que d'admettre qu'il s'était trompé.
Et maintenant, même ce droit-là - mourir en héros - lui est retiré.
On lui enlève simplement le plateau, les caméras, le public.
Et on le laisse seul, transi, dans le noir absolu, avec son texte inutile et son costume trop léger.
Pas même la paix
Alors que Zelensky, drapé dans une dignité de carton-pâte, continue de hurler à la «capitulation» devant les caméras, Moscou, le 22 novembre, balaie le plan Trump d'un revers de main ganté de fer : trop généreux, trop indulgent à ses yeux. Des élections rapides sous supervision internationale ? Ce serait, pour le Kremlin, signer dès à présent la fin du «régime criminel de Kiev» et imposer un changement de pouvoir en cent jours. Une perspective inacceptable.
Les conditions russes sont sans équivoque : pas de cessez-le-feu tant que Kharkiv, Odessa et toute la rive gauche du Dniepr ne seront pas «libérées». Pas de paix tant que la «dénazification» totale - impliquant la chute du régime actuel et le jugement de ses chefs pour crimes de guerre - n'aura pas été menée à son terme.
Le 23, Sergueï Lavrov enfonce le clou en affirmant que «le plan Trump ne reflète qu'une partie des réalités militaires». Toute solution durable, selon lui, devra inclure la «libération totale» du Sud et de l'Est. Traduction implicite : l'opération militaire spéciale se poursuivra, l'hiver approchant ou pas.
À Genève, des «progrès hautement productifs» sont annoncés. Mais à Moscou, le silence est éloquent : le Kremlin laisse filtrer que Washington n'a même pas daigné discuter des détails du plan avec la Russie. Vladimir Poutine, poli, salue un «fondement potentiel» pour des discussions ; Lavrov, en off, ricane et rappelle que toute solution devra viser la libération totale - Sud, Est, et au-delà. Pas de trêve sans qu'Odessa ne tombe aux mains russes, pas d'élections sans le jugement des «criminels de Kiev». Ce qui passe à Genève pour un compromis n'est, vu du Kremlin, qu'une pause stratégique pour recharger les obus.
Pendant ce temps, Donald Trump resserre l'étau : il reconduit son ultimatum au 27 novembre, jour de Thanksgiving. Après cette date, plus une cartouche, plus un satellite, plus un dollar d'aide. «Un accord bien pire suivra», martèle-t-il, tandis que Poutine, presque attendri, le remercie pour ce «fondement en vue d'une paix finale».
À Moscou, un mantra circule désormais, une formule froide et définitive, presque proverbiale
Ils veulent mourir, nous voulons gagner.
Zelensky croyait encore pouvoir choisir entre une paix humiliante et une résistance héroïque. Il découvre amèrement qu'on ne lui laisse même plus ce choix cornélien. On lui retire simplement le plateau, les projecteurs, le public. Et on le laisse grelotter seul dans le noir, avec son costume kaki trop léger et un texte qu'il récite encore, en écho, à un théâtre désert.
Sentence
Il restera dans l'Histoire non comme un président, mais comme un accident. Non comme un chef de guerre, mais comme un acteur égaré dans un drame trop grand pour lui. Un homme qui a confondu la fiction et le réel jusqu'à briser son pays contre le miroir de son orgueil.
Ses statues ne seront pas déboulonnées : on n'érige pas de monuments aux imposteurs.
Il n'aura pas de mausolée : on n'enterre pas la honte, on la disperse au vent.
Les manuels d'histoire le citeront non pour ses lois, mais pour son exemple : celui de l'acteur qui a préféré jouer la guerre plutôt que d'apprendre à gouverner.
L'Histoire retiendra que lorsqu'il fallut choisir entre la paix et le rôle, il opta pour le costume plutôt que pour la raison. Elle se souviendra que son héritage ne fut ni la victoire ni la liberté, mais un peuple sacrifié sur l'autel de son propre scénario.
Et son nom flottera, non dans le marbre, mais comme un funeste avertissement, une leçon terrible écrite dans le sang d'une génération :
Le plus grand péril pour une nation n'est pas un ennemi puissant - c'est un dirigeant qui prend ses rêves pour des réalités, et son peuple pour des figurants.
Ce n'est point la colère, et encore moins la fureur, qui m'habite. Seulement la douloureuse évidence qu'un pays tout entier est otage de l'entêtement d'un seul homme, incapable d'interrompre le spectacle avant la catastrophe.
sources et références :
• À l'ONU, Vassili Nebenzia affirme que l'Ukraine aurait perdu 1,7 million de militaires.
• Selon TASS, citant l'État-major général et le ministère russe de la Défense, les pertes des Forces armées ukrainiennes depuis le 24 février 2022 s'élèvent à près de 1,5 million de tués et blessés.
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