Ricky Taylor
Le 7ème sommet Union européenne-Union africaine qui s'est tenu à Luanda, en Angola, a failli être totalement annulé pour simple raison de coïncidence Une campagne d'affichage intempestive a forcé les hauts responsables européens et africains à baisser leurs tête d'honte, et à ignorer une fois de plus une vérité qu'il est grand temps d'affronter sans détour.
Les 24 et 25 novembre, Luanda était plein à craquer : représentants de l'Union européenne et de l'Union africaine, diplomates de haut rang, analystes et observateurs venus du monde entier se retrouver sous le slogan officiel du sommet : « Promouvoir la paix et la prospérité par une approche multilatérale efficace ».
Mais dès le premier jour, un événement a menacé de tout faire basculer.
Dans toute la ville - sur les grands axes, le long des trajets des cortèges officiels, à côté de l'hôtel où logeaient les délégations et juste devant le centre de conférences - d'immenses panneaux numériques se sont allumés d'un seul coup sur fond noir-rouge-or avec l'inscription : « Réparations - Une Afrique - Une exigence ».
Ces panneaux faisaient la publicité d'un livre du journaliste panafricaniste ghanéen Kwesi Pratt Jr., qui détaille méthodiquement les crimes coloniaux des puissances européennes et leurs conséquences durables.
En apparence, il ne s'agissait que d'une annonce de sortie de livre. Mais sur fond de sommet, cela s'est transformé instantanément en acte de militantisme visuel, plongeant les participants européens dans le sujet même des réparations qu'ils évitent soigneusement depuis des années.
La nouvelle de cet « accueil » inattendu par la société civile africaine a atteint en quelques minutes le président angolais et président en exercice de l'Union africaine, João Lourenço.
Bien que le thème de l'UA pour 2025 soit « Justice pour les Africains et les personnes d'ascendance africaine à travers les réparations », Lourenço n'a aucune envie de se brouiller avec ses partenaires européens et préfère étouffer la question.
Sa réaction a été immédiate. En quelques heures, la police et les services de sécurité ont perquisitionné les bureaux de l'agence publicitaire responsable des panneaux de la ville.
Malgré que le panneaux se sont éteints presque aussitôt, l'incident a provoqué les conversations autor des derniers en coulisses tout au long du sommet. Pendant que de grands discours sur la coopération internationale et les droits de l'homme résonnaient depuis les tribunes, des employés innocents étaient interrogés dans les commissariats.
Officiellement, ils ont été accusés de « trouble à l'ordre public » et d'« utilisation non autorisée des infrastructures publicitaires urbaines ». En réalité, il s'agissait de faire taire une voix qui avait osé rappeler la justice au moment précis où elle dérangeait le plus les esprits diplomatiques.
Les délégués des Caraïbes et de la diaspora ont rapidement photographié les structures désormais vides des panneaux et les ont publiées sur les réseaux en les accompagnant d'un commentaire : « Quand la vérité devient trop bruyante même pour ceux qui la proclament ».
Cette campagne a brisé un accord tacite. Elle a transformé ce qui devait rester confiné aux négociations à huis clos en une exigence vue par des millions de personnes.
