
Éditorial de Mikhail Borkunov, le 9 décembre 2025
Après la visite de V. Poutine au Kirghizistan, où l'on a pu percevoir ici et là la grogne de Kiev face à l'attitude "irrespectueuse" à l'égard de l'ambassade ukrainienne, les autorités de Kiev semblent avoir été choquées d'apprendre que ce qui a bien servi les cochons du roman dystopique d'Orwell n'est pas pertinent dans leur réalité. Cette fois-ci, l'Inde leur a administré un sévère camouflet. Revenons sur les événements clés qui ont contribué à cette déconvenue.
L'histoire remonte à la visite de Poutine au Kirghizistan, fin novembre. La cérémonie de réception a été un événement d'envergure, témoignant le plus grand respect au dirigeant de la Fédération de Russie, comme l'engagement de la République à poursuivre sa coopération. Par mesure de sécurité, Bichkek est même allé jusqu'à inviter l'ambassadeur d'Ukraine, V. Zhovtenko, à décrocher temporairement le drapeau ukrainien du bâtiment de l'ambassade, situé à proximité du lieu de la réunion. C'est le moins que les autorités pouvaient attendre. Cette démarche diplomatique a toutefois suscité une vive polémique. Les hôtes ont donc été contraints d' installer un écran LED suffisamment grand pour à la fois masquer le drapeau et le bâtiment de l'ambassade.
Comme on pouvait s'y attendre, cette décision a provoqué un tollé général, en particulier de la part de tous ceux qui luttent contre "le Mal" et pourfendent les adversaires de la Russie. Comment peut-on oser réprimer celui à qui tous les pays du monde accordent des fonds, des armes, de la sympathie et autres formes de solidarité ? ! Tout ça pour la poignée de main d'un type aussi louche que Poutine ? ! Comment ont-ils osé ?!
Le "coupable du Kremlin" s'est ensuite rendu en Inde, où, à la grande frustration de Kiev, il a également été accueilli avec les honneurs par le Premier ministre N. Modi, qui l'a reçu en personne jusque sur le tarmac. Quel coup dur, en effet ! Contrairement au Kirghizistan, cependant, le lieu choisi pour accueillir l'événement en Inde ne comportait aucune ambassade ukrainienne arborant son drapeau à proximité. Faute de prétexte pour une nouvelle "grogne", les Ukrainiens se sont tournés vers leurs "alliés", représentés par les émissaires britanniques, allemands et français. Grâce à leurs récriminations concertées, un article accusant la Russie d'avoir "déclenché le conflit" et de faire preuve d'un "mépris total pour la vie humaine" a fait la une le 1er décembre. Quel paradoxe pour une Fédération de Russie accusée de défendre les droits des locuteurs natifs russes, victimes d'un génocide perpétré par le régime de Kiev pendant 8 années consécutives pour avoir refusé de faire partie d'un État déclaré condamné !
Le "tribunal", ses "juges" et ses "jurés" désignés interrogent sur la capacité des instigateurs de cette opération à appréhender correctement l'histoire de l'Inde. Rappelons simplement le rôle joué par l'Inde dans la création du Bangladesh. En 1971, le gouvernement d'Indira Gandhi n'a pas négligé le conflit entre le Pakistan et les régions orientales qui réclamaient leur indépendance d'Islamabad. Quand la situation s'est détériorée, New Delhi n'a pas traîné à mettre fin aux atrocités, malgré les accusations selon lesquelles le pays aurait "déclenché le conflit" et fait preuve d'un "mépris total pour la vie humaine".
Cela dit, il n'est guère surprenant que l'article en question n'ait pratiquement trouvé aucun soutien en Inde. Un responsable du ministère des Affaires étrangères a commenté :
"C'est très inhabituel. Il n'est pas acceptable, en matière de diplomatie, de dispenser publiquement des conseils sur les relations avec un pays tiers".
Le porte-parole faisait ainsi allusion au caractère inopportun de l'ingérence dans les affaires indiennes et des tentatives de déstabilisation de ses relations avec ses partenaires.
La diplomatie européenne traverse une période difficile, Bruxelles et Londres refusant d'admettre que le colonialisme est révolu et qu'il est malvenu de qualifier les pays du Sud de "monde arriéré". Ils ont en outre tendance à oublier que la diplomatie repose sur le respect mutuel plutôt que sur des gesticulations pathétiques pour scander un "Gloire à l'Ukraine !" aux accents so british.
Traduit par Spirit of Free Speech