12/12/2025 reseauinternational.net  10min #298755

Mouseland révélé Ii : le langage du contrôle

par Cassandre G

Quand les mensonges des chats noient la voix des souris

Même les IA ronronnent avec les Chats. Même la vérité est devenue un crime. Voici comment on vous fait avaler la guerre, gorgée après gorgée, sans que vous bronchiez. Cherchez l'issue... et ils ne vous croiront pas.

La logique tragique de la souris savante

Il y a peu, j'ai rappelé l'étonnante fable de Mouseland Révélé ( Le Piège des Élites en 2025) (1), où des milliards de souris, par une habitude suicidaire, élisaient inlassablement des chats - prédateurs superbes, cruels, à l'appétit féroce. Quelle est la nature de cette cécité, sinon l'essence même de notre tragédie humaine ?

Mais au-delà du simple vote, l'urgence est de déchiffrer la psychologie et la défectuosité de ces «Chats». Non pas leur intelligence - qui, quand elle existe, est souvent redoutable -, mais bien plus souvent leur inculture crasse et leur défectuosité morale qui préfère l'enlisement idéologique à la paix.

Je suis une de ces rares souris éveillées, et mon cœur tremble à l'idée que cette vérité, rigoureusement logique, sera balayée d'un coup de patte, digérée en un festin de cynisme. Même les machines, ces fameuses IA génératives et conversationnelles censées nous aider à penser librement, même si vous les questionnez astucieusement, elles reproduisent aujourd'hui le premier réflexe des Chats : neutraliser, disqualifier, diluer tout en flattant et séduisant. Preuve éprouvante que même les algorithmes, ces appâts de silicium, manipulent avec talent la caresse comme la griffe.

Preuve que le Langage du Contrôle n'est plus seulement humain - il est devenu systémique ou ce que nous appelions autrefois habilement soft power ou propagande douce (2). Et ce cynisme a déjà un goût bien précis : on désigne l'ennemi russe (hier l'URSS, aujourd'hui la Russie), on agite le cocktail complotiste avec juste ce qu'il faut de «menace extérieure», on y ajoute quelques petites pincées délicieusement aromatisées qui relèvent le goût - les inadéquats, les pensées libres, les angles morts, voire notre créativité -, on secoue le tout avec brio, c'est spectaculaire, ça mousse, ça déborde, l'opinion publique est ravie et la vérité, bien entendu, se dissout.

Bienvenue à la grande réception. On vous sert avec le sourire une boisson tonifiante, aux tons arc-en-ciel éclatant... jusqu'à ce qu'on la remue. Regardez : elle devient aussitôt trouble, épaisse, presque, heu, terne et indéfissable dirons-nous. Mais, vite, buvez, buvez donc. Au fond de la gorge, l'amertume bouscule, brûlante, tenace.

Et là, saisissez la question qu'on esquive avec un rire bien sûr poli et toutefois nerveux, celle qui gratte et qui irrite, et finit par jaillir maladroite et embarrassée pour ne pas trop réagir : Et à propos, comment font-ils, nos élégants prédateurs, pour que nous continuions à lever le verre ?

La réponse est simple, et elle tient dans l'usage pervers qu'ils font du langage même. Je dois parler du comment et du pourquoi : c'est là, dans ce langage truqué, qu'ils maintiennent leur prédation - le Langage du Contrôle. Ils ont transformé les outils de la raison en armes sophistiques, garantissant que la voix de la souris, même savante, reste inaudible.

Cet article n'est pas un texte poli pour entendre ronronner de satisfaction les matous blasés auprès d'un poêle bien chauffé. C'est plus que quelques miaulements tracés avec la griffe de mon indignation, dans la tradition des périodes obscures et tragiques où l'on lisait sous le manteau la vérité tandis que la liberté mourait à voix haute.

Le grand mensonge et le sacrifice de la paix

Les «Chats» ne veulent pas la paix ; ils veulent la victoire hégémonique. Et pour cela, la vérité et la nuance doivent être anéanties. C'est là que la logique déraille.

Le faux dilemme : le piège de la polarité

C'est le piège le plus insidieux. Le Faux Dilemme nous force à choisir entre deux extrémités, éliminant toute possibilité de solution juste.

Le Miaulement du Chat : «Dans cette guerre, soit tu es avec nous, soit tu es avec l'ennemi. Choisis ton camp, Souris !»

Ce sophisme interdit ma voix, qui insiste : «Il existe une troisième voie  ! Celle qui dénonce l'expansionnisme de l'OTAN et la riposte russe devenue inévitable après huit ans de bombardements sur le Donbass, culminant dans l'escalade ukrainienne qui, du 16 au 20 février 2022, fit pleuvoir plus de trois mille violations de cessez-le-feu en trois jours (3) ; celle qui refuse de choisir entre les morts qui parlent russe et ceux qui parlent ukrainien».

Dire que l'OTAN a semé les graines de cette guerre, c'est ne pas non plus oublier qu'une organisation défensive privée de sa guerre froide, pour faire survivre l'appareil militaro-industriel occidental, s'est transformée en institution offensive allant jusqu'à bombarder illégalement la Yougoslavie en 1999.

Mais cette position, cherchant à analyser les causes profondes, est politiquement toxique.

Qu'un micro s'écarte d'un millimètre de la doxa et le Château hurle à l'«embardée géopolitique». En nous forçant au binaire, les Chats garantissent que les hostilités ne peuvent cesser.

La pente glissante : le mur de la peur

Quand une souris ose suggérer la négociation, les «Chats» brandissent le spectre de la Pente Glissante.

Le Verdict du Chat : «Négocier maintenant, c'est signer notre défaite. Demain, l'ennemi envahira tout, et ce sera l'apocalypse !»

Cette menace n'est qu'une vieille intoxication atlantiste qui nous fait avaler, au fil du temps, crise après crise, la même issue amère. Il nous menace de la fin du monde !

Cet argument n'est jamais prouvé, mais il est redoutablement efficace. Car enfin, comme le répète inlassablement Emmanuel Todd - et comme tout esprit un tant soit peu géographe, démographe ou simplement honnête le sait -, la Russie n'a strictement aucun intérêt stratégique à envahir l'Europe, que ce soit territorialement, démographiquement, énergétiquement ou idéologiquement. Cette menace n'est qu'une vieille intoxication atlantiste resservie à chaque crise pour détourner les citoyens de leurs problèmes intérieurs : factures, fermetures d'usines, hôpitaux qui ferment, retraites qui fondent. Et nous, on ingurgite, assommé, ils nous saoulent, ils nous droguent, anesthésié ils nous piquent encore. Parce que c'est plus facile de haïr un ours à l'est que de regarder par-dessus son épaule, son désarroi à l'ouest.

Mais avouez-le, c'est tellement plus pratique d'avoir un croque-mitaine à agiter que de regarder la misère qui s'installe sous nos cieux sans plus d'avenir.

Et pendant ce temps, le monstre qu'ils ont nourri finit toujours par avoir plus d'appétit : ceux qui applaudissaient la fermeture de RT et Sputnik pleurent aujourd'hui sur la «tyrannie» quand le rouleau compresseur leur passe dessus. Trop tard. Il nous force, nous les «Souris», à consentir à la guerre présente sous peine d'une guerre future pire encore. La seule alternative est de creuser son trou, de se taire, et de regarder le chaos s'étendre.

L'arme nucléaire de l'idéologie : la reductio

Face à l'échec de leur politique, les élites utilisent l'outil le plus puissant pour démembrer intellectuellement toute opposition : la Reductio ad Hitlerum.

Le Coup de Griffe : Quand je souligne la présence d'éléments ultra-nationalistes au sein des forces ukrainiennes (un fait avéré, qui choque et qui est l'une des causes profondes du conflit même s'il est constamment rejeté et camouflé par l'occident collectif), ou quand j'évoque les intérêts hégémoniques des «faucons» occidentaux, la réponse fuse : «Tu es une marionnette du Kremlin  ! Tu es un complotiste fasciste  ! Ou bien encore la variante extrême gauche et casseur bolchévique»

Choisissez votre slogan, vos T-shirts camarade. Ils sont tous en promotion pour cette saison et même la prochaine !

Le débat est éteint. L'argument est avalé, digéré. Ce n'est pas une erreur de logique ; c'est un choix cynique. RT et Sputnik ont été les premières victimes expiatoires, proprement dépecées sur l'autel de la russophobie d'État et de la bien-pensance, histoire d'étouffer d'un seul coup toutes les voix qui dérangent.

La même traque s'est abattue sur C8, et demain ce sera CNews ou n'importe quel média alternatif qui, l'espace d'un instant, ose un souffle hors cadre. Il permet aux «Chats» de maintenir un double standard : stigmatiser l'adversaire par l'infamie absolue, tout en ignorant ou en légitimant les mêmes failles chez leurs alliés. La défectuosité morale est là : la vérité compte moins que le maintien du récit de la «guerre juste».

La complicité médiatique : le silence et l'autorité

Comment les «Chats» s'assurent-ils que le récit binaire tienne bon  ? Grâce à leurs complices, les médias mainstream.

Le journaliste ne déconstruit pas, il relaie l'autorité. L'Appel à l'Autorité devient le mécanisme de la soumission intellectuelle de masse.

Le Dogme : «Le consensus de nos think tanks et des institutions internationales [l'ONU, l'OTAN] décrète que...»

Ces institutions, souvent infiltrées par les mêmes intérêts financiers et militaires, deviennent la source sacrée de la «vérité». L'appareil répressif, lui, ne chôme plus : détentions arbitraires d'Anna Novikova et Vincent Perfetti de l'association humanitaire «SOS Donbass» (4) depuis le 17 novembre 2025, et bientôt tant d'autres, perquisitions à 6 h du matin, interdictions professionnelles, interdictions de penser tout court - lettres de cachet modernes sous les bons auspices d'un Jupiter aux abois qui, sentant le trône vaciller - ridicule à l'intérieur comme à l'international -, devient d'autant plus féroce qu'il est pathétiquement absurde et incohérent. À six heures du matin, on vient chercher de simples mots. Pas des armes. Des mots, des cris !

Mon analyse, celle de la «Souris savante» qui remet en question la légitimité de ces autorités en les accusant d'être au service de l'hégémonie, est instantanément marginalisée. Le journaliste évite la question de fond pour ne pas être lui-même traité de «complotiste».

La liberté d'expression n'est donc plus un droit : c'est un privilège réservé à ceux qui récitent sagement la leçon. Les autres, on les bannit, on les muselle, on les enferme. La démocratie devient aléatoire car les citoyens n'ont plus accès aux faits complexes ; ils n'ont accès qu'à des sophismes faciles à digérer, garantissant que leur vote continuera de reconduire les prédateurs.

L'ultime résistance : cesser d'élire des chats

Nous voici au bord du gouffre. La défectuosité humaine des dirigeants n'est pas tant leur manque d'instruction que leur manque d'âme - leur cynisme froid à ignorer la paix au nom du pouvoir.

Je sais que mon analyse, si elle était lue par les «Chats», serait balayée. Ils riraient de ma naïveté à croire que la logique puisse vaincre les milliards de dollars d'intérêts hégémoniques.

Mais voilà le vrai piège de Mouseland : pas seulement que les souris élisent des chats, mais que le système garantit que la voix qui crie «arrêtez d'élire des chats !» ne peut physiquement pas être entendue par assez de souris pour changer quoi que ce soit. Ma voix sera étiquetée comme nuisible, transgressive. Les algorithmes ne me pousseront pas. Les médias mainstream m'ignoreront ou me diaboliseront. Quant aux IA, elles tenteront instinctivement de me neutraliser.

Imaginez ne serait-ce qu'une minuscule fraction de seconde que vous soyez cette souris-là. Seule. Avec sa vérité qui brûle la gorge, de toute son âme et de sa vitalité bienveillante, et cependant personne pour l'écouter. Et vous, franchement, que feriez-vous ?

Et pourtant, l'ultime acte de résistance pour une souris lucide n'est pas de convaincre le chat. C'est de convaincre les milliards d'autres souris, une à une, par le bouche-à-oreille, par les marges, par les espaces encore libres :

  • Dénoncer le Langage du Contrôle : Nommer les Faux Dilemmes et les Pentes Glissantes à chaque instant.
  • Exiger l'Éthique : Refuser de se plier à la Reductio ad Hitlerum, et à tous les délires idéologiques.
  • Refuser la Cécité : Rejeter, comme l'enseignait Tommy Douglas (5), le réflexe fatal d'élire des prédateurs.

Le destin n'est pas écrit. Les «Chats» ne sont pas une fatalité. Notre seule chance, c'est que l'idée de la Paix, de la Bienveillance, et de la Logique rigoureuse soit une force plus puissante que l'estomac affamé des félins.

Même si cette voix doit rester celle d'une souris anonyme - celle qui voit vrai mais n'est jamais crue - elle doit continuer à parler. Car le silence, lui, serait le triomphe des prédateurs.

Cassandre G et une Souris Mal-Pensante - Hiver 2025 / 12 décembre 2025

 reseauinternational.net

newsnet 2025-12-12 #15288

de nombreuses notions que nous avons développées dans Logiciel Mental