17/12/2025 ssofidelis.substack.com  10min #299238

 Xavier Moreau et Jacques Baud visés par les sanctions de l'Ue

Gel des comptes, congélation des cerveaux : spécialité bruxelloise, servie froide

Gel des comptes, congélation des cerveaux : spécialité bruxelloise, servie froide

Par Mounir Kilani, le 17 décembre 2025

Les aventures de Xavier et Jacques sur la liste noire européenne.

À Bruxelles, en ce Noël 2025, on ne se contente plus de geler des avoirs : on congèle désormais les idées. Sous couvert de lutte contre la "désinformation", l'Union européenne inaugure une nouvelle spécialité maison : sanctionner non des actes, mais des analyses. Avec la Décision (PESC) 2025/2572, deux analystes francophones - Xavier Moreau et Jacques Baud - rejoignent la liste noire européenne, non pour ce qu'ils ont fait, mais pour ce qu'ils ont pensé, dit et contextualisé. Une politique servie froide : bureaucratiquement irréprochable, intellectuellement glaçante.

Le cadeau empoisonné de Bruxelles

Le 15 décembre 2025, à Bruxelles, le Conseil de l'Union européenne dévoile son cadeau de Noël anticipé. Pendant que certains emballent des chocolats, d'autres distribuent des gels d'avoirs : la Décision (PESC) 2025/2572 ajoute douze individus et deux entités à la liste des mesures restrictives pour "activités déstabilisatrices de la Russie".

Gel des avoirs, interdiction de visa, défense de leur verser ne serait-ce qu'un euro. Même le Père Noël hésiterait désormais à traverser l'espace Schengen sans validation préalable.

Parmi les heureux élus, deux figures francophones se distinguent : Xavier Moreau et Jacques Baud, accusés de relayer la "propagande du Kremlin" et de diffuser des théories conspirationnistes sur l'Ukraine.

En 2025, penser autrement n'est plus une simple divergence intellectuelle : c'est une activité déstabilisatrice. Orwell, décidément, n'avait pas vu assez grand.

Notre duo d'analystes stars se retrouve ainsi côte à côte sur cette liste noire, comme dans un duo d'enfer géopolitique produit par la Commission : pas de scénario, pas d'humour volontaire, uniquement des méchants préfabriqués et une morale validée par le service juridique. Deux hommes, un même crime : analyser sans réciter le catéchisme officiel.

Xavier Moreau, ou l'accent français comme arme hybride

Xavier Moreau, ancien officier parachutiste français reconverti en consultant à Moscou depuis les années 2000 et fondateur du centre d'analyse Stratpol, coche toutes les cases du danger systémique. De nationalité russe depuis 2013, il anime des bulletins stratégiques hebdomadaires qui décortiquent le conflit ukrainien avec, circonstance aggravante, un accent bien français. L'Union européenne le décrit comme un "relais de la propagande du Kremlin en Europe". Après les chars invisibles et les hackers fantômes, l'accent français devient donc une arme hybride.

Depuis Moscou, Xavier accueille la nouvelle avec un haussement d'épaules :

"Sanctionné  ? C'est un honneur. Ça va surtout forcer les plateformes à censurer mes analyses objectives. Mais bon, l'Europe préfère les narratifs officiels, n'est-ce pas ?

"Je suis sanctionné sans procès, sans accusation, sans jugement..."

Traduction bruxelloise : quand on ne peut réfuter, on étiquette. C'est plus rapide et nettement moins risqué intellectuellement.

Le Contrepoint : Jacques Baud, ou le crime de contextualiser

À ses côtés - virtuellement, car les voyages dans l'UE deviennent compliqués - se trouve Jacques Baud, ancien colonel de l'armée suisse, expert en renseignement et auteur de plusieurs ouvrages sur les conflits modernes. Spécialiste de l'Ukraine, il explique depuis des mois que l'invasion russe ne sort pas de nulle part, que l'OTAN a provoqué, et que Kiev orchestre parfois ses propres drames pour attirer l'attention occidentale. Crime suprême : contextualiser.

L'UE tranche :"porte-voix de la propagande pro-russe", "théories conspirationniste", comme l'idée extravagante que l'expansion de l'OTAN pourrait avoir des conséquences. En 2025, le mot "conspirationniste" est devenu une valise commode : on y range tout ce qui oblige à relire l'histoire depuis 1991.

Jacques Baud, stoïque comme un garde suisse, répond :

"Qui est à blâmer entre celui qui prévient de la défaite de l'Ukraine et identifie les erreurs à corriger, et celui qui ne fait rien pour éviter cette défaite ?

"Comme je l'ai indiqué dans mes livres, mon travail ne porte pas sur qui est bon et qui est mauvais, mais sur la manière dont les médias reflètent mal les réalités sur le terrain. Je voulais montrer qu'on peut mieux comprendre le conflit même sans informations russes. L'idée est que la façon dont on comprend une crise définit la façon de la résoudre  ! Je n'avais pas réalisé à quel point j'avais raison".

Liberté d'expression, version européenne : valable uniquement chez les partenaires agréés.

Visio, vodka et thé helvétique : le duo face à la sanction

Imaginez la scène : Xavier et Jacques en visioconférence d'urgence depuis leurs bases respectives - Moscou pour l'un, Suisse pour l'autre.

- "Jacques, mon vieux, on est blacklistés ensemble  ! Comme des rockstars interdites de tournée européenne. - "Oui, avec les gars du Valdai et les hackers du GRU. On forme une belle équipe : les intellectuels francophones contre l'empire bruxellois".

Ils trinquent virtuellement : vodka pour l'un, thé helvétique pour l'autre. Neutralité suisse, mais sans option idéologique premium - sinon, croissant confisqué à la frontière.

Un bestiaire géopolitique complet

Autour d'eux, la liste est cosmopolite. John Mark Dougan, ex-shérif américain réfugié en Russie, accusé de fake news. Diana Panchenko, journaliste ukrainienne pro-russe. Les penseurs du club Valdai - Lukyanov, Suslov, Sushentsov - coupables d'amplifier des narratifs multipolaires. Et bien sûr, des officiers du GRU, responsables de cyberattaques avec le malware WhisperGate. Le bestiaire est complet.

Côté entités, on trouve le 142e bataillon de guerre électronique à Kaliningrad - vilains brouilleurs baltes - et le Mouvement international russophile. Bruxelles resserre l'étau, se félicite, et coche des cases pendant que l'Europe, elle, rétrécit son propre espace mental.

Il ne manque plus qu'un ours sibérien accusé de brouiller le GPS par sa simple présence.

L'effet Streisand, version Bruxelles

Xavier n'est pas surpris. Sur Stratpol, il l'avait annoncé :

"S'ils me sanctionnent, ce sera pour pousser X et Telegram à me censurer en Europe".

Jacques continue, imperturbable :

"L'UE sanctionne désormais des Occidentaux pour opinion dissidente. Ironique pour des défenseurs autoproclamés de la démocratie, non ?"

Le clou du spectacle : une réunion imaginaire des sanctionnés.

Xavier propose :

"On crée notre club. Le Club des Blacklistés Francophones. Devise : 'La vérité nous rendra... sanctionnés'". Jacques ajoute : "Et on invite les Valdai boys pour un panel sur 'Comment l'Occident censure ceux qui rappellent que l'expansion de l'OTAN n'est pas sans effets'".

Succès garanti : rien ne fait mieux vendre une idée que son interdiction officielle.

Pendant ce temps, à Bruxelles, les fonctionnaires sourient :

"Nous luttons contre la désinformation hybride russe".

Effet réel : audiences en hausse pour les sanctionnés. L'effet Streisand, version européenne.

Une démocratie conditionnelle ?

Xavier conclut :

"L'Europe gèle nos avoirs  ? Tant pis. On a la chaleur de la vérité brute".

Jacques ajoute : "Et la neutralité suisse... enfin, presque".

Geler les comptes, réchauffer les certitudes : une politique énergétique alternative.

Ainsi, en ce Noël 2025, tandis que l'Union européenne distribue ses listes noires comme des cadeaux empoisonnés, Xavier Moreau et Jacques Baud deviennent les héros involontaires d'une comédie géopolitique. Deux ex-militaires francophones sanctionnés non pour des actes, mais pour avoir osé analyser autrement.

Prochaine étape ? Un podcast commun depuis l'exil intérieur :

"Stratpol meets Baud - Épisodes non autorisés en UE".

Car censurer des analystes pour leurs "narratifs" pro-russes, ce n'est plus simplement de la politique. C'est du matériel humoristique en or pur.

Tout ceci serait hilarant si cela ne révélait pas une chose simple : quand analyser devient sanctionnable, la démocratie devient conditionnelle.

De la comédie à la conséquence : la réalité implacable du gel de territoire

Mais au-delà de l'ironie orwellienne et des podcasts interdits, demeure la réalité concrète de ces sanctions : un gel d'avoirs, bien sûr, mais surtout une interdiction d'entrée qui transforme la vie de nos deux héros en une loterie géopolitique absurde. Car si la mesure frappe uniformément sur le papier, ses effets réels varient du tragique au comique selon l'endroit où l'on pose ses valises. Pour l'un, c'est un exil forcé depuis son propre salon bruxellois ; pour l'autre, une simple formalité qui altère à peine le décor moscovite. Bruxelles, dans sa grande sagesse, a inventé la sanction à géométrie variable... sans même s'en rendre compte.

L'interdiction de séjour : un coup de force pour l'un, une formalité pour l'autre

La Décision (PESC) 2025/2572 impose une interdiction d'entrée et de transit absolue sur le territoire de l'Union européenne et de l'espace Schengen associé à toutes les personnes listées, Xavier Moreau et Jacques Baud compris. Ceci s'ajoute au gel de leurs avoirs et à l'interdiction de leur fournir toute ressource économique. La portée pratique de cette mesure diffère radicalement selon la situation de chacun.

Pour Jacques Baud - Le résident expulsable

Situation : De nationalité suisse, Jacques Baud réside légalement à Bruxelles depuis plusieurs années, comme le confirment plusieurs médias helvétiques en décembre 2025 (20 Minutes, 24 Heures, Le Temps).

Impact immédiat : L'interdiction s'applique à la Belgique, pays membre de l'UE où il vit. Son séjour sur place devient donc illicite. Les autorités belges sont tenues d'appliquer la sanction, ce qui peut conduire à une obligation de quitter le territoire, voire à une expulsion.

Conséquence principale : Un déménagement forcé hors de l'UE est la conséquence la plus disruptive. La sanction, théoriquement "externe", se transforme en mesure d'éloignement interne, le contraignant probablement à regagner la Suisse, qui n'applique pas automatiquement ces interdictions de l'UE.

Voyages : Tout déplacement au sein de l'UE (France, Allemagne...) ou transit par un aéroport européen lui est interdit. En revanche, ses voyages hors de l'UE (vers la Suisse, la Russie, etc.) ne sont pas concernés.

Pour Xavier Moreau - Le sanctionné à distance

Situation : De double nationalité franco-russe, Xavier Moreau vit et travaille à Moscou depuis plus de vingt-cinq ans.

Impact immédiat : L'interdiction lui barre l'accès à l'espace UE/Schengen, l'empêchant de se rendre en France ou dans tout autre pays membre, même pour un transit. Toutefois, comme il l'a déclaré lui-même, cette mesure à un impact pratique marginal sur son quotidien, son centre de vie étant établi en Russie.

Conséquence principale : L'effet est avant tout symbolique - la perte du droit de retour en Europe occidentale -, sans bouleversement tangible de sa situation.

Voyages : Aucune restriction en dehors de l'UE (Russie, Serbie, Turquie, etc.).

L'ironie de la mesure est palpable : elle frappe avec une sévérité concrète un résident de l'UE, Jacques Baud, au point de pouvoir l'en chasser, tandis qu'elle reste largement théorique pour Xavier Moreau, déjà établi hors de son périmètre. Cette uniformité d'application, sans égard pour la situation personnelle, illustre la logique implacable - certains diraient brutale - des mécanismes de sanction.

Bruxelles vient donc d'inventer la sanction à effet boomerang : on vous interdit de venir... pour mieux vous pousser à partir. Le cercle est vicieux, mais au moins, il est européen.

Et voilà le chef-d'œuvre : Sanctionner un résident UE pour le forcer à quitter l'UE... Il n'y a que Bruxelles pour l'inventer et Kaja Kallas pour le signer.

Joyeuses sanctions à tous !

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