
Par Larry Johnson
Trump et Witkoff ont-ils bien compris ?
Le président russe Vladimir Poutine a tenu sa conférence de presse annuelle « Direct Line » et sa conférence de presse de fin d'année le 19 décembre 2025 à Moscou, qui a duré plus de 4 heures. L'Ukraine et les négociations de paix ont dominé les premières questions, Poutine affichant sa confiance dans la position militaire de la Russie tout en exprimant une ouverture conditionnelle à la diplomatie, mais il a insisté sur le fait que la Russie neassouplirait pas ses conditions fondamentales et que la guerre se poursuivrait jusqu'à ce que ces conditions soient remplies. J'ai résumé les points clés abordés par Poutine :
En ce qui concerne la situation militaire en Ukraine, Poutine a déclaré que les forces russes « avancent sur tous les fronts » et ont pris l'initiative stratégique, prédisant de nouveaux succès avant la fin de l'année. Il a souligné des gains spécifiques (par exemple, près de Kupyansk et Pokrovsk) et a déclaré que les objectifs de la Russie seront atteints « d'une manière ou d'une autre », de préférence pacifiquement, mais par la force si nécessaire. D'autres questions ont porté sur les négociations avec les États-Unis.
Poutine a réaffirmé que la Russie est "prête et disposée à mettre fin au conflit" et à résoudre les "causes profondes" (terme du Kremlin pour désigner des exigences telles que la neutralité de l'Ukraine, la démilitarisation, la "dénazification" et la reconnaissance des territoires annexés : la Crimée, le Donbass et certaines parties du sud de l'Ukraine). Il a de nouveau fait référence à ses propositions de juin 2024 comme base, excluant toute nouvelle concession.
Rappelons que le 14 juin 2024, le président Poutine a prononcé un discours au ministère russe des Affaires étrangères où il a présenté ce qu'il qualifie de propositions "réalistes" et "concrètes" pour mettre fin à la guerre en Ukraine et parvenir à une "résolution définitive" (et non à un statut quo). Ce discours a été prononcé juste avant un sommet de paix organisé par la Suisse, dont la Russie était exclue.
Les conditions de Poutine ont été présentées comme des conditions préalables non négociables pour un cessez-le-feu immédiat et des négociations :
- Retrait complet des forces ukrainiennes : l'Ukraine doit retirer complètement ses troupes de l'ensemble des territoires administratifs des oblasts de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijia (les quatre régions partiellement occupées et annexées par la Russie en 2022), y compris les zones qui n'étaient pas sous contrôle russe à l'époque.
- Neutralité de l'Ukraine : Kiev doit officiellement renoncer à ses aspirations à rejoindre l'OTAN et s'engager à adopter un statut de neutralité permanente, sans bases militaires étrangères ni alliances.
- Démilitarisation et "dénazification" : limitations importantes de la taille et de l'armement des forces armées ukrainiennes, et élimination des influences "néonazies".
- Reconnaissance du contrôle russe : reconnaissance internationale de la Crimée comme territoire russe (annexée en 2014) et des quatre régions en tant que territoires russes.
- Levée des sanctions : l'Occident doit lever toutes les sanctions contre la Russie.
- Autres questions : protection des droits des populations russophones. L'Ukraine doit rester non nucléaire.
Pour Poutine, la Russie négocie "en position de force" et affirme qu'il n'est "pas nécessaire" que Moscou fasse de nouveaux compromis au-delà de ceux qu'il dit avoir déjà concédés lors de précédentes discussions autour de propositions de paix soutenues par les États-Unis.
Poutine a déclaré que "la balle est désormais dans le camp de l'Ukraine, de ses dirigeants et de ses sponsors occidentaux (en particulier européens)".
Il a noté "certains signaux" de Kiev indiquant une volonté de dialogue, mais n'a constaté aucune réelle volonté de compromis, reprochant à Zelensky de refuser toute discussion territoriale.
Poutine est resté inflexible sur la question de la renonciation aux territoires que la Russie a incorporés (décrits comme "partie intégrante de la Russie"). Sa réponse à une question sur les territoires ukrainiens intégrés par la Russie en septembre 2022 est celle qu'il a fournie mercredi lors de la réunion élargie du Conseil du ministère russe de la Défense (souvent décrite en anglais comme la réunion annuelle du ministère russe de la Défense ou du Conseil du ministère de la Défense). Il a fermement rejeté toute présence de troupes de l'OTAN ou européennes en Ukraine. Il a suggéré une suspension des frappes intensives si l'Ukraine organise des élections (actuellement interdites par la loi martiale), mais a présenté cette proposition comme hypothétique. Poutine a par ailleurs salué les initiatives de paix du président Trump en général et déclaré qu'un projet d'accord entre les États-Unis et l'Ukraine "pourrait servir de base" à un accord, mais seulement sous réserve du respect des exigences de la Russie et que les "causes profondes" du conflit soient traitées.
Poutine s'est montré inflexible envers l'Europe, accusant les dirigeants européens d'"hystérie guerrière", se livrant au "vol" via le gel des avoirs russes, qualifiant les plans de l'UE de "braquage éhonté") et les discours européens de mensongers tout en saluant les actions américaines sous Trump.
Dans l'ensemble, Poutine s'est montré optimiste et combatif, conciliant ouverture diplomatique (selon les conditions de Moscou) et menaces de pression militaire accrue. Il n'a pas mentionné Trump, laissant entendre que l'approche américaine est plus pragmatique que celle de l'Europe. Son discours souligne qu'il n'y aura pas de progrès significatif dans les négociations en cours (par exemple, les propositions post-Berlin) sauf si l'Ukraine et l'Occident respectent les exigences russes.
J'espère que Steve Witkoff et les analystes des services du renseignement américains prêteront attention aux propos tenus par Poutine lors de cette longue séance de questions-réponses avec le peuple russe. Comme le fait souvent remarquer Ray McGovern, "si vous voulez savoir ce que les Russes vont faire, écoutez ce qu'ils disent". Vladimir Poutine a été très clair quant aux conditions russes de paix en Ukraine... Donald Trump a-t-il écouté ?