Brigitte Challande, 20 décembre 2025.- Compte rendu du soutien psychologique et d'autonomisation pour les femmes déplacées du camp Al-Hourriya, 18 décembre.
« Dans le camp de déplacés, la femme n'est pas un simple membre de la famille ; elle en est le pilier central, le socle sur lequel reposent les détails de la vie quotidienne. Elle constitue le premier rempart face aux pressions successives : la responsabilité des enfants, la quête des besoins essentiels, la recherche de l'aide humanitaire, la gestion de la tente ou de la chambre partagée, l'affrontement de la peur de l'avenir, et le poids du traumatisme qui ne l'a pas quittée depuis le moment du déplacement. Dans un tel contexte épuisant, offrir un véritable soutien psychologique aux femmes devient une nécessité humanitaire urgente, un besoin fondamental qui n'est pas moins important que la nourriture ou l'abri, car la santé mentale de la femme est la pierre angulaire de la continuité de la famille et de sa cohésion, quelles que soient la dureté des circonstances.
L'équipe de UJFP est arrivée au camp Al-Hourriya, à l'ouest de la ville de Gaza, pour mettre en œuvre une séance avec 30 femmes : Nous retrouvons notre force.
La séance a débuté par un moment de présentation chaleureuse puis l'équipe a souligné l'importance de ces rencontres, qui allient sensibilisation, interaction et exercices pratiques, affirmant que l'existence d'un espace sûr où les femmes peuvent s'exprimer, rire et respirer profondément constitue une forme de résistance psychologique qui préserve l'esprit humain dans les circonstances les plus sombres.
L'équipe a commencé par expliquer la notion de régulation émotionnelle, l'un des concepts les plus importants aidant la femme à réajuster ses émotions et à maîtriser ses réactions dans les moments de stress. L'équipe a ensuite abordé l'importance des techniques quotidiennes de relaxation, et la manière dont la femme - même à l'intérieur de la tente ou dans un moment de promiscuité - peut s'accorder une courte pause empêchant l'accumulation de l'épuisement psychologique chronique. Les formatrices ont présenté des exemples pratiques facilement applicables, seulement un instant de conscience permettant à la femme de se reconnecter à elle-même, de réguler sa respiration et d'observer son corps.
La première partie de la séance : Mon corps est le miroir de mes émotions. Les participantes ont été formées à identifier les zones de tension dans le corps, telles que les épaules, la mâchoire et les mains, et ont appris comment relâcher ces zones à l'aide de mouvements simples pouvant être réalisés en position assise, avant de dormir ou même sous la couverture pendant les nuits froides. Beaucoup de femmes ont exprimé une réelle surprise en découvrant que leurs tensions corporelles étaient directement liées à leurs émotions refoulées et à la peur qu'elles vivent depuis le début du déplacement.
Puis le concept de l'énergie des cinq minutes a été présenté, il consiste à consacrer seulement cinq minutes par jour à une activité procurant à la femme un sentiment de confort : respirer, rester en silence, boire une tasse de thé calmement, ou simplement s'asseoir sans interruption. L'équipe a insisté sur le fait que ces quelques minutes peuvent faire une grande différence dans la capacité de la femme à tenir bon et à réorganiser sa journée. Certaines femmes ont partagé leurs expériences passées, évoquant leurs tentatives infructueuses de trouver du temps pour elles-mêmes, mais elles ont exprimé leur volonté d'essayer cette approche.
La troisième proposition, Nous résistons ensemble, a porté sur l'importance de construire des réseaux de soutien au sein du camp, et sur la manière dont les femmes peuvent être un appui pratique et émotionnel les unes pour les autres. Les formatrices ont évoqué l'importance du partage des charges simples, comme garder les enfants quelques minutes, partager la nourriture ou échanger des conseils, offrant ainsi à chaque femme l'occasion de reprendre son souffle.
La séance est passée à un volet pratique plus approfondi à travers une activité de soutien psychologique basée sur la respiration profonde et la relaxation progressive. Les participantes se sont assises en large cercle, et les formatrices ont fermé les ouvertures de la tente afin de réduire la luminosité et de créer une atmosphère plus apaisante.Après l'exercice, l'une des participantes a murmuré que sa poitrine était devenue plus légère et qu'elle n'avait pas ressenti un tel relâchement depuis le début de la guerre. Une autre a ajouté que ce type d'exercices lui donnait le sentiment de conserver un contrôle sur son corps malgré le chaos environnant.
Un large espace a ensuite été offert aux femmes pour exprimer leur réalité, dans un moment profondément humain. Elles ont parlé de leurs traumatismes, des mères qui pleurent en silence pour ne pas inquiéter leurs enfants, de leurs efforts constants pour afficher la force malgré la douleur, et des nuits sans sommeil, marquées par la peur de l'avenir. Cet espace est devenu un véritable exutoire, où les femmes ont senti que ce qu'elles portaient n'était pas un fardeau individuel, mais une expérience collective dans laquelle les cœurs se rejoignent avant les mots.
Afin de ramener la joie dans l'atmosphère de la séance, l'équipe a mis en œuvre une activité récréative nouvelle et originale, basée sur le jeu : des sons et du rire. Chaque femme devait choisir un son amusant ou un mouvement léger et le transmettre à la suivante, transformant l'activité en moments de rires collectifs, empreints de chaleur et de convivialité. Les femmes ont exprimé leur grande joie face à cette activité. L'une d'elles a déclaré avoir beaucoup entendu parler des séances de l'UJFP par d'autres femmes du camp ayant participé à des ateliers précédents, mais qu'elle ne s'attendait pas à ressentir un tel niveau de confort et de bonheur. Une autre a affirmé que ces ateliers leur offrent une occasion rare de rire au milieu d'une vie pleine de pressions, et que le jeu n'est pas un luxe, comme certains le pensent, mais un besoin humain qui redonne vie au corps. « Nous sommes des êtres humains, nous avons besoin de vivre tous les moments, même ceux de l'enfance de jeunesse qui nous ont été volés par la guerre. »
L'équipe a souligné que son rôle ne se limite pas à fournir des outils pendant la séance, mais inclut la garantie de la continuité de ces programmes et leur adaptation aux besoins changeants des femmes dans les camps. Un voyage collectif construit par la respiration, le rire, la parole, le jeu et tous ces petits détails qui maintiennent l'esprit vivant malgré le poids de la réalité. »
Photos et vidéos ICI.
Retrouvez l'ensemble des témoignages d'Abu Amir et Marsel :
*Abu Amir Mutasem Eleïwa est coordinateur des Projets paysans depuis 2016 au sud de la bande de Gaza et correspondant de l'Union Juive Française pour la Paix. *Marsel Alledawi est responsable du Centre Ibn Sina du nord de la bande de Gaza, centre qui se consacre au suivi éducatif et psychologique de l'enfance. Tous les deux sont soutenus par l'UJFP en France.



