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Un boucher charcutier français. [Photo d'illustration]
Le gouvernement tarde à émettre des recommandations pour réduire la consommation de viande en France pour préserver le climat. Ce tabou gouvernemental a été transmis d'une administration à l'autre sans réelle décision en la matière, une situation due surtout aux allers-retours ministériels, à l'action des lobbies et à l'instabilité gouvernementale.
La viande, un sujet tabou pour les gouvernements qui se sont succédés en France. La question est d'autant plus importante qu'il en va de la stratégie pour le climat qui préconise de réduire la consommation de viande de 30 % à 70 % pour atteindre la neutralité climatique en 2050, selon les chiffres de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), cités par l'Opinion dans un article paru ce 21 décembre.
En France, le secteur agricole est le secteur le plus polluant, après celui des transports, avec un taux d'émissions de 20 % de gaz à effet de serre. La majeure partie de ces émissions, soit 60 %, proviennent essentiellement de l'élevage. De ce fait, pour se conformer aux engagements de la France en matière de réduction de gaz à effet de serre, la Cour des comptes a fait pression sur le ministère de l'Agriculture en indiquant qu'il fallait « définir et rendre publique une stratégie de réduction du cheptel bovin ». Un rapport de la Cour a aussi souligné en 2023 que « les agences de santé conseillent toutefois d'opter pour une consommation de viande raisonnable compte tenu, à l'inverse, des risques cardiovasculaires, de diabète ou de cancer associés à une consommation trop importante ».
28 % des adultes consomment encore plus de 500 grammes de viande rouge par semaine en France
Une enquête de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a indiqué que 28 % des adultes consommaient encore plus de 500 grammes de viande rouge par semaine. Or, le ministère français de la Santé recommande 300 grammes par personne et par semaine, voire moins, selon d'autres organismes de santé. Si plusieurs pays ont émis de nouvelles recommandations nutritionnelles revoyant à la baisse la consommation de viande durant les dernières années, la France n'a encore entrepris aucune démarche en la matière.
Le gouvernement, qui accuse un retard de deux ans dans la publication des rapports sur la stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) et sur la stratégie nationale bas carbone (SNBC), doit combler cette lacune avant le 31 décembre 2025. Ce retard s'explique surtout par les allers-retours ministériels, par l'action des lobbies et par l'instabilité gouvernementale.
Quand le ministère de la Transition écologique renvoie la balle au ministère de la Santé
La SNANC a été dévoilée à la presse fin novembre par les ministères de l'Agriculture, de la Santé et de la Transition écologique, avec la recommandation d'une « consommation limitée de viande (hors volaille) et de charcuterie », qui devait être formulée dans la stratégie nationale bas carbone, selon le ministère de la Transition écologique. Le gouvernement de Sébastien Lecornu a cependant annulé la publication de la SNANC, prétextant ignorer la décision des arbitrages, et ce, à un moment où le gouvernement doit gérer le dossier épineux de la dermatose nodulaire, la reprise des discussions avec le Mercosur et la réforme de la politique agricole commune européenne.
Pour sa part, le ministère de la Transition écologique a décidé de renvoyer la question de la consommation de viande au ministère de la Santé, soulignant que la question de la SNBC « est une stratégie climat [et non] une stratégie de santé publique, elle n'a pas vocation à être prescriptive sur la consommation de viande ». Le ministère a tout de même émis la thèse que les émissions de l'agriculture, étant par nature incompressibles, pourraient cependant être compensées par les puits de carbone (forêts, océans, sols...). Une thèse défendable, selon les chercheurs, dans le cas où l'on atteindrait le seuil d'émission zéro dans l'industrie, l'énergie ou le transport, tout en évitant la déforestation et une augmentation trop forte de l'élevage.