22/12/2025 dedefensa.org  23min #299700

'Delenda Est' Europe-Ue ?

 Ouverture libre  

• On poursuit ici l'appréciation somme toute très nouvelle que l'"Europe-UE", c'est-à-dire la bureaucratie bruxelloise de l'Union Européenne et sa direction, constitue un des principaux sinon le principal acteur de la GrandeCrise. • L'administration Trump le réalise de plus en plus, les États-Membres sont de plus en plus divisés à cet égard (y compris avec la nouveauté Merz contre Macron), les Russes hurlent dans ce sens comme le fait Douguine dans l'interview reprise ci-dessous. • Ne pas oublier non plus les Britanniques et leur MI6...

22 décembre 2025 (18H15) - En un sens bien précisé comme on va le voir, nous enchaînons ici  sur le texte d'hier qui s'attachait au constat d'une hostilité grandissante entre les USA et l'Europe-UE (c'est-à-dire la machinerie bruxelloise qu'affrontent également, encouragés par les USA, plusieurs États-membres), avec la thème entrelacé de la possibilité d'une guerre entre l'Europe-UE et la Russie. Cette hostilité au Système (« Nous appelions aussi l'UE " la Secte" ou " l'"Orque" ») est un phénomène nouveau, une sorte de révélation qui permet de préciser de façon décisive quelle est l'une des sources les plus importantes de la  GrandeCrise, peut-être la plus importante alors que les USA se trouvent plongés dans leur propre crise et balancent entre deux orientations antagonistes.

Nous terminons ce rapport sur l'évolution de cette grandissime affaire sur un long texte (interview) de Douguine qui poursuit sa ligne de soutien à Trump en affirmant que le président US applique à nouveau la politique MAGA-populiste et en exposant l'antagonisme qu'il décrit et ressent comme étant d'une puissance inouïe existant entre la Russie (potentiellement comme pour les USA et divers États-membres en quelque sorte) et la machinerie bruxelloise 'Europe-UE'.

Le MI6 est partout

La colère des trumpistes contre l'Europe n'épargne pas l'Angleterre, malgré les 'special relationships' et la sortie de l'Angleterre de l'Europe-UE. L'administration, et notamment Tulsi Gabbard, a très largement identifié l'omniprésence de la présence britannique dans le jeu européen pour pousser les feux de la guerre, avec le MI6 dans une position de puissance à Londres comme il n'en a sans doute jamais eu. Quelques éléments à cet égard :

• Les déclarations du général Flynn ancien conseiller (de courte durée) pour la sécurité de Trump 1.0, mettant en cause la CIA, - ou une partie de la CIA, - dans le jeu du MI6. Selon  Elena Fritz :

« La CIA agit de concert avec le MI6 britannique et certains services de sécurité européens pour stabiliser un conflit prolongé avec la Russie. Non par nécessité d'autodéfense, mais parce que le conflit est institutionnellement avantageux : pour les budgets, l'influence et la pertinence politique. »

• La décision US  de geler un accord signé il y a trois mois, pour un investissement USA-UK dans un programme commun d'IA de 40 $milliards. Signature en septembre avec les ors et les pompes qui vont bien lors du dîner offert par Charles III à Trump.

« Le motif officiel invoqué [pour le gel de l'accord] est la violation des droits de l'homme et de la liberté d'expression [contre les populistes] au Royaume-Uni.

» L'équipe Trump est également mécontente de la tentative du Parti travailliste de prélever des taxes auprès des géants du numérique américains. Dans le même temps, Starmer [et le MI6] est sanctionné pour sa précipitation excessive au sein de la "coalition des volontaires" en Ukraine. »

Enfin, pour terminer le registre des reproches, on notera que l'entourage de Trump estime que l'Angleterre est "en cours de vassalisation" de la Chine pour obtenir des investissements chinois et faire pression sur les USA ;... et que la Maison-Blanche veut couler la BBC, radio-télévision officielle, en obtenant 10 $milliards de dédommagements pour diffamation antiTrump.

• Et puis, comme une cerise sur le gâteau, l'interview de l'analyste Alex Krainer sur la chaîne 'Dialogue Works' de Nima Alkhorshid, le 20 décembre 2025 . Krainer parle au début (puis au cours de l'entretien) du rôle et du poids du MI6 en Ukraine, et du rôle de la Grande-Bretagne où une réforme fondamentale, quasiment révolutionnaire, est nécessaire pour anéantir la tendance colonialiste des Britanniques, et l'établissement d'une paix totale en Europe. Dans une autre intervention Krainer rappelle une révélation qui vient d'être faite par un journal ukrainien : la première visite à l'étranger en Europe occidentale du nouveau président Zelenski fut pour la Grande-Bretagne, en 2020. Durant cette visite, Zelenski eut un entretien secret de deux heures avec le directeur du MI6, alors qu'on le croyait avec le Premier Ministre Boris Johnson.

Macron et les Allemands

Au-delà du Chanel, par ailleurs, la situation de l'Europe belliciste chez les États-membres n'est pas des meilleures. C'est le sacro-saint 'Financial Times' qui a lancé un perfide pétard en révélant une méchante querelle franco-allemande. Macron l'européiste, germanophile convaincu (par simple respect de la force supposée) n'a pu s'empêcher de  faire une bêtise...

« "Macron a trahi Merz, et il sait qu'il en paiera le prix. Mais il est tellement faible qu'il n'avait pas d'autre option que de plier devant Georgia Meloni"

» Le journal britannique a noté que, bien qu'Emmanuel Macron ne se soit pas ouvertement opposé à l'idée de Friedrich Merz sur la nécessité d'utiliser les avoirs russes, l'équipe du dirigeant français a exprimé en privé ses doutes quant à la légalité de cette décision et a averti qu'il serait difficile pour la France de fournir des garanties à la Belgique au cas où les actifs devraient être restitués d'urgence à Moscou. En fin de compte, la France s'est rangée du côté des pays qui ont rejeté l'utilisation des avoirs russes, parmi lesquels l'Italie et la Belgique. »

La chose ne déplaira pas à ceux qui jugent que la proximité, voire la complicité entre Merz et Von der Layen donne à l'aventure ukrainienne de l'Europe-UE un goût franchement germanique, et qui plus est de cette germanité qui rêve à un IVème Reich via l'Europe-UE. Dans tous les cas, cette affaire divise encore plus le camp des bellicistes et affaiblit d'autant l'Europe-UE, accentuant son insupportabilité ressentie par tant de gens.

Les anathèmes de Douguine

... Et c'est le cas de Douguine, sans aucun doute  ! On le lit dans le texte ci-dessous, qui retranscrit une longue interview du philosophe par Radio-Spoutnik.

Le thème principal est une analyse de la politique de l'administration Trump, qui marque un retour à la doctrine MAGA-populiste, avec le  document NSS-2025 ('National Security Strategy'). Mais il se trouve que les éléments les plus marquants, mis en évidence avec fougue par le philosophe, concernent l'Europe-UE dans la guerre en Ukraine, et avec ses projets de guerre contre la Russie. On peut juger avec deux extraits des réponses de Douguine dans quels termes furieux il parle de l'Europe-UE

«...Parce qu'il est impossible d'imaginer quelque chose de plus répugnant, détestable, agressif, cynique, trompeur, toxique, pourri de l'intérieur et répandant cette pourriture au reste de l'humanité, que l'actuelle Union européenne. »

« Et c'est là une différence fondamentale avec l'Union européenne, qui, au contraire, se prépare ouvertement à la guerre contre nous. Il y a eu une vraie scission dans le camp de nos adversaires - et, disons, chez nos ennemis. Si nous avions les outils et la force suffisants pour participer activement à ce processus, je suis convaincu que l'effondrement de l'Union européenne, et la contribution à celui-ci, devraient devenir notre principale tâche étrangère en Europe. Parce que l'humiliation que nous avons subie de la part de l'Union européenne - pas du peuple européen, mais de cette construction euro-bruxelloise - est impossible à pardonner. Ils sont en guerre contre nous; ils financent, arment, soutiennent moralement et politiquement nos ennemis. Ils sont tout simplement l'ennemi. Nous devons appeler un chat un chat: l'Union européenne est un ennemi. A ce titre, elle doit être détruite. [...]

» Si nous avions de telles opportunités - des représentants officieux dans toutes les capitales européennes, distribuant des biscuits, soutenant tous ceux qui sont prêts à détruire cette structure - nous pourrions établir d'excellentes relations avec une nouvelle Europe : une Europe des nations, une Europe des traditions, une véritable démocratie européenne, avec sa culture et ses intérêts. Il n'est pas certain qu'elle devienne immédiatement notre alliée automatique - j'en doute beaucoup - mais il faut détruire la pathologie que véhicule l'actuelle Union européenne. L'Union européenne, dans son état actuel, doit être détruite. »

Voici donc l'interview de Douguine sur Radio-Spoutnik, programme 'Escalation'. Repris de 'euro-synergies.hautetfort.com' du  17 décembre 2025.

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Retour à MAGA, contre l'UE

Dans l'émission 'Escalation' de Radio Sputnik, Alexandre Douguine accueille la nouvelle Stratégie de Sécurité Nationale des États-Unis comme un retour à MAGA et à un « ordre des grandes puissances », promettant un retrait de l'interventionnisme mondialiste et déclenchant un tsunami destiné à faire s'effondrer la dernière tentative de croisade libérale de l'UE.

Animateur de Radio Sputnik : « Commençons par le document qui fait actuellement l'objet d'un débat enflammé en Russie, en Europe, et même en Chine. Je parle de la nouvelle Stratégie de Sécurité Nationale des États-Unis. En particulier, les médias suisses déclarent carrément que ce texte fait en grande partie écho au discours de Munich de notre président Vladimir Vladimirovitch Poutine. Alexandre Gelyevitch, selon vous, est-ce vraiment le cas  ? »

Alexandre Douguine : « Vous savez, avec la publication de cette Stratégie de Sécurité Nationale américaine, nous assistons une fois de plus à l'oscillation emblématique de Trump entre le camp MAGA et les néoconservateurs - oscillation dont nous parlons constamment dans nos programmes et que nous suivons de près. Et on peut dire sans détour : la doctrine actuelle a été rédigée spécifiquement au nom de MAGA. C'est la véritable doctrine "Make America Great Again ", la voix des opposants résolus au globalisme et des critiques sévères des thèses néoconservatrices, le noyau même qui a permis à Trump de remporter l'élection.

En substance, cette stratégie est très proche de ce que j'appelais dans mon livre l'"ordre des grandes puissances".

De nos jours, ce terme se fait de plus en plus entendre dans l'espace public - l'"ordre des grandes puissances". Cela signifie que l'Occident ne se considère plus comme le garant de la démocratie, ne s'engage pas dans la diffusion des valeurs libérales, ne se sent pas responsable de toute l'humanité, et ne se voit pas comme faisant partie d'un espace unique avec l'Europe. L'Amérique est désormais seule. Elle aspire toujours à la grandeur, au développement et à la domination, mais elle définit clairement le territoire de cette domination - principalement l'hémisphère occidental, les deux Amériques. C'est de là que vient l'expression "corollaire à la doctrine Monroe". Un corollaire est une addition, un développement d'un certain projet géopolitique, et ce corollaire de Trump est, en essence, l'ordre des grandes puissances.

Que disent Trump et ses soutiens dans ce document  ? L'Amérique se préoccupe principalement de deux continents: l'Amérique du Nord (y compris, si vous voulez, le Groenland comme une extension naturelle de l'Alaska) et toute l'Amérique du Sud. C'est leur zone, et ils se la réservent sans condition. Quant au reste du monde, la principale thèse mondialiste selon laquelle la Russie et la Chine sont les principaux adversaires stratégiques a disparu. De telles formulations n'existent plus. La Russie est évoquée de manière plutôt neutre, voire amicale - comme un partenaire potentiel. La Chine est considérée comme une concurrente économique sérieuse et une menace relative, mais plus comme un ennemi au sens traditionnel. L'intervention dans les affaires du Moyen-Orient et dans d'autres zones eurasiennes sera quasiment nulle. L'Afrique a été déclarée zone indifférente, et l'Inde n'est pas du tout mentionnée - c'est-à-dire qu'elle n'est plus considérée comme un partenaire stratégique.

Le résultat est un monde véritablement multipolaire. Trump déclare ouvertement: oui, nous restons la plus grande puissance, nous maintiendrons et affirmerons notre hégémonie, mais nous allons la réduire considérablement. Le rejet de l'agenda globaliste ouvre objectivement la voie à d'autres pôles - la Russie, la Chine, l'Inde - pour s'affirmer pleinement. Quant au reste, Trump dit simplement : je m'en fiche, créez vos propres pôles ou pas, comme vous le souhaitez. Bien sûr, l'hégémonie américaine reste extrêmement méfiante envers les BRICS et envers toute consolidation d'autres civilisations. Ce corollaire de la doctrine Monroe constitue un défi direct à toute l'Amérique latine, qui sera contrainte de chercher une stratégie commune pour éviter la domination totale des Etats-Unis sur son continent. La même logique s'applique à l'Afrique.

En réalité, il s'agit d'une stratégie profondément anti-européenne. La solidarité atlantique n'est évoquée qu'avec sarcasme et mépris. Elle propose de "partager le fardeau" des dépenses militaires de l'OTAN: l'Amérique renonce à sa responsabilité première en Europe, en laissant seulement quelques positions clés. C'est, en essence, la fin de l'atlantisme en tant que tel. L'Europe doit désormais penser par elle-même et créer son propre pôle civilisateur.

Cette doctrine reflète l'approche même du mouvement MAGA grâce à laquelle Trump est arrivé au pouvoir. Ensuite, il s'en est très fort éloigné: il ne s'est pas vraiment impliqué dans le conflit ukrainien, l'a couvert d'un faux-fuyant plutôt que de proposer une solution réelle, a bombardé l'Iran, a soutenu de façon radicale Netanyahu - il s'est considérablement éloigné de son programme initial. Et dans cette stratégie nouvelle, il revient à ses racines : un retour aux principes du mouvement MAGA.

Il n'est pas surprenant que le document ait provoqué une véritable panique chez les globalistes - aussi bien en Europe qu'aux États-Unis eux-mêmes. Ils hurlent sur un ton hystérique: qui a écrit ça  ? Si la première doctrine de Trump a été rédigée par des néoconservateurs et des globalistes - Pompeo, Bolton, Pence - maintenant, elle est en train d'être écrite par de véritables supporters de MAGA: Hicks, Vance, Miller. Le paradigme a complètement changé. C'est un réalisme émergent - agressif, hégémonique, mais néanmoins réaliste. L'idée de promouvoir les valeurs libérales a été rejetée une fois pour toutes.

L'Amérique devient une puissance militaire et politique concrète, clairement délimitée, avec des intérêts évidents qu'elle défendra bec et ongles dans son hémisphère. Quiconque se retrouve à mettre des bâtons dans les roues aura des ennuis. Mais il n'est plus question de libéralisme, de démocratie ou de droits de l'homme. America First - point final. Objectivement, le monde multipolaire dont notre président parlait dans son discours de Munich [en février 2007], rejetant les prétentions occidentales à l'universalité et au globalisme, est désormais en grande partie déclaré par Trump lui-même. Reste à savoir si le successeur de Trump, par exemple Vance, pourra maintenir cette ligne après Trump qui aura alors plus de 80 ans. Ou si, après tout, les néoconservateurs reviendront à l'avant-poste. Pour l'instant, c'est une déclaration de guerre - pas contre nous, mais contre l'élite libérale-globale mondiale. »

Animateur : « En parlant de l'Ukraine, on entend actuellement dire que Trump n'est pas content du fait que Zelenski ne semble pas accepter son plan de paix. Le fils de Trump suggère même qu'au milieu de toutes ces histoires de corruption, l'Amérique pourrait cesser complètement son implication dans le conflit ukrainien dans les mois à venir. Quelle est la crédibilité de cette hypothèse ? »

Alexandre Douguine : « Le plan que Trump promeut actuellement est précisément celui qui nous convient. Nous lui avons expliqué très clairement: ce qui est acceptable pour nous et avec quoi nous ne pouvons en aucun cas avoir de rapport. Cependant, ce que nous lui avons expliqué et qu'il a apparemment accepté ne sera pas une victoire totale pour nous. Malheureusement, c'est encore un compromis. Ce n'est pas une défaite - en aucun cas - mais ce n'est pas non plus une victoire dans le sens profond du terme. On peut l'appeler une certaine réussite, on peut l'appeler une humiliation de l'Occident idéologique, et c'est indubitablement une défaite personnelle et finale pour Zelenski - mais ce n'est en aucun cas la fin de l'Ukraine en tant que projet, ni la fin de l'Occident en tant que force civilisatrice.

Trump a parfaitement compris cela. Il a compris l'essentiel: s'il veut vraiment sauver l'Ukraine - c'est-à-dire sauver la tête-de-pont de l'anti-Russie, la tête-de-pont russophobe qui s'est construite contre nous depuis tant d'années - il doit immédiatement accepter nos propositions. Pour les globalistes, pour les Européens, et bien sûr pour Zelenski lui-même, cela représentera une défaite sérieuse et douloureuse. Mais pour l'Ukraine elle-même, cela ne sera pas le cas. L'Ukraine sera sauvée. Et elle sera sauvée dans le but même pour lequel elle a été créée: en tant qu'anti-Russie. Et c'est Trump qui la sauve, en sacrifiant Zelenski et toute une cohorte d'idiots européens qui ne peuvent toujours pas croire à ce qui se passe.

Si Trump, ayant fait tout ce qui était en son pouvoir, se retire simplement du conflit et le laisse à l'Europe et à l'Ukraine - ce qu'il a d'ailleurs laissé entendre à plusieurs reprises, voire dit très ouvertement - ce serait la véritable option idéale pour nous. Oui, nous devrions encore lutter - peut-être longtemps et avec beaucoup de difficulté - mais alors, nous aurions la vraie perspective d'une victoire authentique, complète et irréversible. Toute trêve que nous pourrions conclure maintenant n'est qu'un répit provisoire, et très court. Ni l'Ukraine, ni l'Union européenne, ni même les États-Unis ne continueront à respecter cette trêve une fois qu'ils sentiront qu'ils ont même la moindre possibilité de la violer à nouveau. »

Animateur : « Si Trump décide de s'attaquer au Venezuela, et que nous développons une alliance avec le Venezuela, comment la Russie doit-elle réagir ? »

Alexandre Douguine : « C'est une question difficile. D'un côté, nous avons une alliance avec le Venezuela, et si nous étions plus forts, nous devrions nous engager pleinement dans ce conflit du côté de Maduro contre l'agression américaine. Mais, malheureusement, nous ne sommes pas dans cette position : toutes nos forces sont complètement mobilisées dans la guerre en Ukraine - comme en Syrie et en Iran. Après la victoire, nous nous engagerons sûrement. Mais pour l'instant, hélas, nous sommes entravés. »

Animateur : « Commençons cette partie du programme par une déclaration du représentant spécial du président russe, Kirill Dmitriev. Il a dit que les meilleurs diplomates de l'Union européenne sont maintenant en panique. C'était son commentaire sur un rapport de la Pologne selon lequel Dmitriev lui-même et l'homme d'affaires américain Elon Musk auraient décidé de diviser l'Europe. Quelle est la raison de ce genre de discussions sur la division de l'Europe  ? Pourquoi Musk est-il redevenu plus actif  ? Il a pratiquement disparu de la scène publique pendant un certain temps, et maintenant il a repris sa polémique avec l'Union européenne au sujet de la liberté d'expression et des lois européennes. À quoi cela mène-t-il  ? »

Alexandre Douguine : « En réalité, ici, comme dans l'adoption de la nouvelle doctrine de sécurité nationale et dans les négociations sur l'Ukraine, nous voyons la même tendance générale - un puissant mouvement vers un retour au projet original du mouvement MAGA. Parce que lorsque Trump est arrivé au pouvoir, il a essentiellement proclamé une refonte complète de toute l'architecture mondiale, et les projets MAGA ont effectivement été lancés. Puis il s'en est éloigné de façon sérieuse et significative. Pendant presque un an - huit, neuf mois - il s'est consacré à des choses complètement différentes: dissimuler les listes d'Epstein, se dérober à la pression énorme exercée par le lobby israélien sur la politique américaine, trahir ses fidèles camarades. En un sens, il a cessé d'être MAGA. Il s'est éloigné de MAGA, à une distance critique. Mais tout cela a commencé exactement comme cela commence maintenant. Et maintenant, il revient - Trump revient, et, par conséquent, Musk revient aussi.

Parce que Musk a clairement reçu le feu vert pour commencer à démanteler l'Union européenne. Les "meilleurs diplomates" dont nous parlons, qui détiennent le pouvoir dans l'Union, sont des ultra-globalistes, des ennemis absolus et irréconciliables de Trump, les adversaires les plus acharnés de sa ligne, de ses idées, de sa vision du monde et de la société. L'hiver dernier, en janvier de l'année dernière, il y a presque un an, Musk a lancé ces campagnes contre Starmer, en soutien à l'AfD, contre Macron. Et en réalité, Twitter - son réseau, interdit en Fédération de Russie - est devenu une plateforme qui a consolidé l'opposition populiste dans chaque pays européen, la portant de la même manière que Soros a jadis soutenu les globalistes, mais en miroir, dans la direction opposée. Maintenant, Musk a simplement repris les mêmes tactiques, mais à l'envers. Et il a commencé à faire cela il y a un an: en soutenant l'AfD, en soutenant les opposants à Starmer en Grande-Bretagne, Marine Le Pen, Meloni - tous ceux qui s'opposent à l'Union européenne, à l'establishment européen, et soutiennent le populisme européen, si vous voulez.

Et puis, Musk lui-même a été écarté de son poste chez DOGE, l'agence pour l'efficacité gouvernementale. En résumé, il a rompu avec Trump, et en même temps, Trump lui-même s'est lancé dans des stratégies complètement différentes, que Musk a seulement critiquées. Mais Musk s'est retenu. D'abord, il a commencé à critiquer Trump, puis il a fait une pause. Et il a attendu que les fluctuations du trumpisme entrent à nouveau dans la phase MAGA. C'est-à-dire qu'on revient à MAGA. Nous avons commencé cette émission avec cela: en Amérique, on voit que Trump revient à son plan initial, au Plan A, au plan MAGA. Et, bien sûr, Musk s'est immédiatement impliqué activement dans ce processus et continue de s'attaquer à l'Union européenne.

Cette fois, c'est beaucoup plus sérieux. Je pense que la deuxième tentative de MAGA pour démanteler l'Union européenne sera bien plus décisive et cohérente. Cela est confirmé par la nouvelle stratégie de sécurité nationale et par le comportement de l'Union dans la crise ukrainienne, qui contrecarrent constamment les plans de Trump pour sauver l'Ukraine. En ce moment, toutes les conditions sont réunies pour simplement détruire l'Union européenne. Plus personne ne cache rien. Musk dit ouvertement: plus d'UE, détruisons l'Union européenne. Il a toutes les raisons de le faire: il soutient un projet conservateur-populiste high-tech, que les libéraux au pouvoir veulent empêcher simplement de vivre et de respirer.

Je pense que l'Amérique elle-même, Trump, et son équipe de trumpistes, où MAGA commence à sortir de son coma et à jouer un rôle de plus en plus important, ont effectivement commencé à démanteler l'Union européenne. Il ne faut que l'applaudir et, si possible, pousser ce qui tombe déjà. Si nous avions le pouvoir et l'influence pour agir sur l'Union européenne, je suis sûr que nous pourrions envoyer ces "meilleurs diplomates européens" dans l'oubli, des deux côtés. Parce qu'il est impossible d'imaginer quelque chose de plus répugnant, détestable, agressif, cynique, trompeur, toxique, pourri de l'intérieur et répandant cette pourriture au reste de l'humanité, que l'actuelle Union européenne. »

Animateur : « Et cette amende que la société X a reçue en vertu de la nouvelle législation européenne n'était qu'un prétexte pour Musk pour relancer sa campagne contre l'Europe. Tout cela s'est en réalité produit à la demande de Trump, puisque cela coïncidait avec la publication de la nouvelle stratégie. »

Alexandre Douguine : « C'est juste un prétexte, mais cela s'inscrit parfaitement dans la fluctuation générale du cap de navigation choisi par l'actuel pouvoir américain - du MAGA aux néoconservateurs et retour au MAGA. Il y a un an, lorsque notre programme 'Escalation' s'est fixé pour objectif de suivre de près ces fluctuations de la politique américaine, nous avons décrit avec précision la logique de formation du nouveau régime trumpiste, comme il s'avère maintenant: il oscillera constamment entre MAGA, en s'approchant du projet MAGA - c'est-à-dire en préconisant l'ordre des grandes puissances - et en s'en éloignant. Évidemment, je ne m'attendais pas à ce qu'il aille si loin, si honteusement et si longtemps, en repoussant tous ses soutiens les plus proches. Mais Trump est une personnalité vraiment imprévisible. Avec la même facilité qu'il les a repoussés, il les a rassemblés à nouveau. Tout comme il a naguère chassé tout le monde, maintenant il a autorisé tout le monde à revenir. L'amplitude de ces fluctuations s'est révélée complètement différente de ce que nous avions prévu lorsque nous avons formulé nos hypothèses, mais l'essence du processus est exactement celle-ci.

Et maintenant, je suis convaincu que Musk a simplement utilisé cette amende comme excuse pour se remettre au travail. Trump lui a donné sa bénédiction silencieuse, et leur relation est progressivement en train de se rétablir. Il a été condamné à plus d'une centaine de millions de dollars, mais dans les premières heures qui ont suivi, X - son réseau, interdit en Fédération de Russie - est devenu la plateforme la plus téléchargée dans tous les pays de l'Union européenne. En d'autres termes, il a déjà gagné. Il a réussi à mettre en exergue la véritable attitude des braves Européens envers leurs détestables gouvernements - c'est, en fait, un vote tacite pour ou contre l'Union européenne. Personne ne défend l'Union européenne aujourd'hui sauf les Eurocrates eux-mêmes, sauf cette clique euro-bruxelloise - un ramassis international de maniaques globalistes et Starmer, qui les a rejoints, qui est également un maniaque absolu. Ces maniaques tentent maintenant fébrilement de supprimer toute dissidence en Europe. Il circule en ce moment un 'meme' : une photo de Starmer avec la légende "Nous avons une liberté d'expression totale. Quiconque remet cela en question sera immédiatement arrêté". C'est à peu près l'état général des Européens aujourd'hui. Et puisque X n'est pas censuré par lui-même, ils essaient de supprimer ce domaine de liberté. Mais derrière Musk et son réseau se trouve le pouvoir des États-Unis d'Amérique, et Trump a maintenant ouvertement soutenu Musk. Hicks l'a soutenu, Vance aussi. Ils ont dit que censurer la liberté d'expression est sans précédent. En fait, c'est un casus belli, une raison de guerre, un conflit diplomatique et politique direct entre les États-Unis et l'Union européenne. Je pense que cette fois, c'est vraiment très sérieux. Bien sûr, on ne peut pas exclure que Trump se retire encore une fois de sa stratégie MAGA.

Pourtant, pour l'instant du moins, nous assistons à une nouvelle et puissante vague de retour à MAGA. Tout se déroule strictement selon le plan. L'Union européenne et les États-Unis - en particulier les États-Unis dans leur ensemble - avancent dans cette direction. Bien sûr, les démocrates, les libéraux et les globalistes ont un point de vue totalement différent. Ils sont en état de panique, ressentent une véritable terreur. J'ai lu les commentaires de McFaul, l'un des globalistes et architectes de la politique sur la Russie et l'Ukraine: ce sont simplement des appels terroristes, extrémistes, pour renverser le gouvernement en Russie, pour un changement de régime, etc. Il est un ancien ambassadeur, démocrate, globaliste - et il est tout simplement devenu hystérique : "ce qui se passe, au lieu de combattre la Russie et la Chine, nous sommes en guerre contre nos principaux alliés en Europe !". Il y a une panique totale - en Europe et chez les mondialistes américains.

C'est sur cette vague que nous surfons actuellement. Et nous pourrions nous réjouir de tout ce qui se passe, sans regard en arrière, s'il n'y avait pas un moment extrêmement problématique pour nous - le plan de paix pour l'Ukraine que Trump promeut. Il ne le fait pas par malveillance; il a simplement son propre agenda, sa propre vision du monde. Il a effectivement exclu la Russie de la liste des principaux ennemis et cibles des campagnes de haine. Nous ne sommes pas fondamentalement importants pour lui; il a d'autres priorités. Et c'est là une différence fondamentale avec l'Union européenne, qui, au contraire, se prépare ouvertement à la guerre contre nous. Il y a eu une vraie scission dans le camp de nos adversaires - et, disons, chez nos ennemis. Si nous avions les outils et la force suffisants pour participer activement à ce processus, je suis convaincu que l'effondrement de l'Union européenne, et la contribution à celui-ci, devraient devenir notre principale tâche étrangère en Europe. Parce que l'humiliation que nous avons subie de la part de l'Union européenne - pas du peuple européen, mais de cette construction euro-bruxelloise - est impossible à pardonner. Ils sont en guerre contre nous; ils financent, arment, soutiennent moralement et politiquement nos ennemis. Ils sont tout simplement l'ennemi. Nous devons appeler un chat un chat: l'Union européenne est un ennemi. A ce titre, elle doit être détruite.

Et nous voyons que les États-Unis aujourd'hui - en particulier la mouvance MAGA de Trump - ont effectivement commencé à la démanteler. Tout le monde s'est aussitôt écrié: regardez, ils sont avec Poutine  ! Je pense qu'ils ont une meilleure opinion de nous que ce que nous sommes réellement. Si nous avions de telles opportunités - des représentants officieux dans toutes les capitales européennes, distribuant des biscuits, soutenant tous ceux qui sont prêts à détruire cette structure - nous pourrions établir d'excellentes relations avec une nouvelle Europe : une Europe des nations, une Europe des traditions, une véritable démocratie européenne, avec sa culture et ses intérêts. Il n'est pas certain qu'elle devienne immédiatement notre alliée automatique - j'en doute beaucoup - mais il faut détruire la pathologie que véhicule l'actuelle Union européenne. L'Union européenne, dans son état actuel, doit être détruite. »

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