Par Daniel Vanhove
Comme à chaque fois, parler aujourd'hui de la Palestine m'est une gageure, ayant la douloureuse sensation d'en avoir tout dit, ou presque à travers livres et articles... sans voir les prémices d'un quelconque résultat allant dans le bon sens de l'histoire, qui serait une plus juste équité dans la manière dont les choses évoluent, et assister même à tout l'inverse. A me demander parfois, dans les pires moments de doute, si écrire est encore utile.( Nous paierons cher notre lâcheté vis-à-vis de la Palestine)
Et pourtant, si plus personne n'écrivait, si les auteurs renonçaient à dire ce qu'ils pensent et se contentaient d'adopter une attitude passive, comme on peut la voir gagner du terrain, s'ils décidaient de se taire et ne plus partager leurs analyses, leurs approches différentes de celles imposées par les médias de grands chemins, l'anesthésie cérébrale deviendrait générale, et le pouvoir impérialiste n'aurait plus d'obstacles pour enrayer ses plans sordides. Ses torrents de mensonges deviendraient LA vérité et nous serions petit à petit privés du peu de liberté qu'il nous reste encore. Parce que dans ce monde préfabriqué et concocté par d'autres qui sont à la manœuvre afin de nous formater toujours plus, la première des libertés se bâtit à titre personnel, dans la tête, et celle-ci a besoin d'être nourrie par autre chose que les écrans omniprésents et leurs contenus décidés par ces forces malfaisantes qui n'ont pour seul objectif que de nous faire obéir, de briser nos résistances à leurs complots ourdis en hauts lieux, et nous faire aller là où elles veulent. Écrire est donc un mode de résistance, une respiration que l'on peut encore prendre et partager avec ceux qui ont compris que l'écriture représente un acte de subversion et de révolte contre l'ordre établi, avec son corollaire évident, dans ce mouvement respiratoire d'inspiration/expiration qu'est la lecture
Aussi, sans reprendre les différentes étapes anticipées et annoncées depuis plus de 20 ans dans mes observations de la situation en Palestine, je veux revenir sur ce que je publiais déjà en 2008 (!) sous le titre ''La Démocratie Mensonge'' (Ed. M. Pietteur), et qui me paraissait comme une évidence:
«Il est temps d'oser dire, d'oser qualifier du seul nom qui convienne à ces procédés, la nature de l'Etat d'Israël: un Etat raciste, pratiquant l'apartheid, le transfert de populations, le nettoyage ethnique ! Il est temps d'arrêter l'autocensure qui nous fait ergoter sur le terme approprié ou non, dès qu'il s'agit de parler des méthodes du gouvernement et de l'armée d'Israël. Et de dénoncer le lent génocide que subit depuis 60 ans, le peuple palestinien, sans avoir peur des mots.» Avec renvoi en bas de page, le rappel de la définition:
Génocide = destruction méthodique d'un groupe ethnique (définition du Petit Robert)
Par ailleurs, dans la Convention des Nations-Unies du 9 décembre 1948 pour la Prévention et la Répression du Crime de génocide, celui-ci s'entend lorsque l'un des actes ci-après, est commis dans l'intention de détruire, tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel:
a - Meurtre de membres du groupe;
b - Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c - Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d - Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e - Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.
Sans le moindre risque de se tromper, l'occupant israélien est coupable de plusieurs de ces crimes...
Or, voilà plus de deux ans que les plus hautes instances gouvernementales ergotent et discutaillent pour savoir si l'on est face à un génocide ou non... quand des milliers d'enfants, de femmes et de malades sont désormais exterminés à vitesse accélérée par tous les moyens possibles qu'utilise un régime qui ce faisant, pratique du terrorisme à échelle étatique. Allant même jusqu'à imposer la famine pour éliminer les individus les plus faibles. Il s'agit donc bien d'une entreprise mise en place pour éradiquer un maximum de vies humaines. D'une méthode pensée, étudiée et organisée pour provoquer un maximum de dégâts. Tant aux infrastructures vitales qu'aux êtres humains. Donc, d'un génocide, sans l'ombre d'un doute. Alors, quoi, comment tolérer ces atermoiements des plus hautes instances internationales?!
Mais rien n'y fait. L'impunité laissée à ce régime et pointée de longue date, dépasse l'entendement et bafoue tout ce que le Droit avait mis en place au fil du temps et à travers les innombrables miasmes d'une humanité à la recherche d'une hypothétique rédemption. Nous assistons à l'exact contraire, à un recul terrible, à la mise à mort de ce Droit si difficilement construit, ayant nécessité tant d'efforts des uns et de sacrifices de tant d'autres. Ce qui induit une violence absolument insupportable pour tout individu raisonnable et normalement constitué. La part d'humanité de chaque personne est écrasée, broyée jusqu'à l'âme, et de profondes blessures risquent d'en laisser bien des traces. A commencer par cette sorte de tétanisation dans laquelle se sentent étouffer de nombreuses personnes. Avec l'impuissance comme corollaire.
Sans remonter aux siècles d'abominables carnages occidentaux sur le reste du monde dans sa prédation insatiable, je sais que l'Algérie a connu plus de 130 ans d'occupation coloniale féroce de la part de la France; je me rappelle aussi le combat opiniâtre mené pendant vingt ans par Hô Chi Minh et l'insaisissable résistance vietnamienne à l'encontre des États-unis surpuissants; ainsi de la lutte déterminée de l'Afrique du Sud contre l'abject apartheid qui y régnait, avec la complicité de nos pays ''démocratiques''. Se débarrasser d'une entreprise coloniale est un défi colossal, qui provoque quantité de victimes la plupart du temps, civiles. Le coût d'une telle résistance à ces machines étatiques relève presque du suicide collectif. Mais, le monde désormais connecté ne peut plus tolérer ce genre de situation. Ce qui était caché et parfois méconnu auparavant ne passe plus. Se heurte à l'immédiateté des images et de l'instant, et d'une information qui circule à la vitesse de l'éclair, renversant le narratif fallacieux des autorités. Les paradigmes d'antan ont profondément changé. Il n'y a que la bureaucratie politique qui semble ne pas en avoir pris conscience. D'où la césure de plus en plus criante entre les citoyens et les élus. Jusqu'à un point de fracture voire de non-retour qui paraît imminent.
En cette fin d'année, après bientôt 28 mois de génocide à Gaza, le constat est sans appel ! La situation catastrophique à laquelle fait face la population de Gaza n'est pas un échec réduit à l'Occident, c'est un échec collectif des nations du monde entier. Avec à l'évidence, une responsabilité écrasante du Conseil de sécurité des Nations-unies et ses cinq pays qui y siègent de manière permanente, au premier rang desquels les Etats-unis, mais aussi la Chine, la Russie, la Grande-Bretagne et la France. Incapables sinon refusant de faire appliquer le Droit international et le Droit humanitaire qu'ils manient pourtant à la moindre occasion quand leurs intérêts seraient menacés, ils démontrent au monde entier leur inaptitude et leur incompétence à en faire respecter les règles et les lois, dès qu'il s'agit d''Israël'. Et par là, illustrent de manière flagrante le deux poids, deux mesures qui prévaut dans leur manière d'agir, qui est de connivence.
L'on ne compte plus le nombre de réunions ''au sommet'' - et ses coûts prohibitifs - que cet épineux dossier a entraîné, se soldant à chaque fois par de consternantes conclusions, passant de la ''préoccupation'', parfois ''vive'' - ne riez pas, c'est suffisamment grave - à la ''condamnation'', sans oublier les multiples ''demandes'' adressées aux gouvernements de Tel-Aviv, qui ont intégré depuis longtemps qu'armés de leur joker ''d'antisémitisme'' à la moindre remarque, se contre-fichent de ce que peuvent bredouiller la kyrielle de fonctionnaires surpayés de ces prestigieuses institutions, qui ont bien trop peur de perdre leurs postes avantageux et s'autocensurent tout seuls sur le sujet. Renvoyant au mieux occupants et occupés dos-à-dos, comme s'il s'agissait-là de la seule issue possible aux crimes avérés des premiers sur les seconds. On voit les résultats de cette ''équidistance'' de salon, présentée comme impartiale, alors qu'elle soutient de facto la poursuite de la colonisation meurtrière. Face à l'indicible que traversent les Palestiniens de Gaza, les positions de nos gouvernements sont intenables, injustifiables et il faut en exiger des comptes.
En attendant, deux choses. La première est que les Palestiniens qui ont compris cela depuis longtemps, ne se font plus aucune illusion et savent qu'ils ne doivent compter que sur eux-mêmes et leurs propres calculs et stratégies pour espérer renverser l'équation actuelle. La seconde, plus large et tout aussi accablante, sont les conséquences qu'une telle incurie au niveau international, entraîne pour les peuples. Les rues sont noires de monde depuis des mois, pour dénoncer les positions plus qu'ambiguës et souvent complices des gouvernements qui continuent par différents mécanismes à soutenir cet ignoble régime israélien, et les responsables politiques n'étant pas au rendez-vous avalisent par-là même la dichotomie de plus en plus flagrante entre leurs déclarations creuses et les réalités du terrain. Le peu de crédibilité qu'ils avaient aux yeux de certains s'érodent chaque jour un peu plus. L'espoir des derniers citoyens en le peu d'humanité qui traînait encore ici-et-là au sein de ces élus fond comme neige au soleil et cela prépare des lendemains sulfureux pour les générations futures. La règle qui s'impose et dominera désormais les rapports entre États mais aussi entre individus, sera la loi du plus fort. Toutes les conventions, lois, résolutions et décrets divers réunis dans le Droit international et ses annexes volent en éclats et ne pèsent plus rien aux yeux des citoyens qui découvrent l'inanité de tout ce qu'on leur rabâche comme balivernes et rappelle comme ''valeurs'' depuis des décennies. Cela prépare un monde d'une violence et d'une brutalité inédites, pendant que d'autres nous annoncent les progrès inouïs de la science et son accès possible à l'éternité, sans doute pour les plus fortunés. Assurément, le chaos se prépare si tout cela n'est pas urgemment réorienté et balisé par les règles d'un Droit qui serait identique et équitable pour tous, et enfin respecté: pas de paix sans justice!
Chaloka Beyani, Conseiller spécial pour la prévention du génocide vient d'ailleurs de lancer une alerte sur le sujet, lors de l'inauguration du mémorial de la Fleur de Srebrenica: «Le monde assiste à une érosion alarmante du respect du droit international, les conflits ciblant de plus en plus les civils et augmentant le risque de crimes atroces», avertit le nouveau Conseiller spécial des Nations Unies pour la prévention du génocide. ( Prévention du génocide : les atrocités dans le monde risquent de s'aggraver, avertit l'ONU)
Ces derniers temps, l'on peut lire et entendre certains intellectuels qui, soit déçus soit moralement épuisés de voir le sort abominable fait aux Palestiniens de Gaza, souhaitent qu'une force internationale se coalise pour contraindre le régime israélien à se plier au Droit, puisqu'il ne connaît que le rapport de forces. Mais, sérieusement, qui peut croire à un tel scenario ? Sachant qu''Israël' dispose d'alliés non négligeables qui se feront un devoir, sinon un plaisir de rappeler leur mantra ''qu''Israël' a le droit de se défendre'', et de le soutenir contre toute tentative de velléités extérieures ? Et tout le monde a pu voir de manière claire et évidente que la clé de la solution se trouve entre les mains des États-unis étant parvenus à imposer un ''cessez-le-feu'', très théorique, au régime de Tel-Aviv, dans la mesure où celui-ci ne le respecte pas... sans que la moindre sanction ne soit prise contre lui? ! Les choses se sont donc encore clarifiées quelque peu pour ceux qui en doutaient encore: c'est bien Washington qui dicte le tempo!
Pour tous les militants pro-palestiniens, la cible n'en devient dès lors que plus évidente. Nombreux me répondent, ''oui, mais que faire? ! Nous savons tout cela, mais en pratique, que pouvons-nous faire à notre petit niveau?'' A quoi je leur réponds inlassablement: pour commencer, il faut s'informer aux bonnes sources; et ensuite, il faut bien réaliser à quel point nous représentons une force que beaucoup semblent sous-estimer voire ignorer, qu'est notre puissance de consommateurs. Si ce n'était pas le cas, les entreprises tous secteurs confondus, ne dépenseraient pas tant de milliards à nous inonder de leur pub, pour tenter de nous séduire par leurs produits ! En tant que militants, nous devons comprendre le rôle et l'importance de la culture dans nos sociétés. Et traquer sa capacité à infiltrer les moindres interstices du quotidien, dans les grandes choses comme dans les plus insignifiantes. Pourquoi est-ce important ? Afin de démonter pièce par pièce cette culture toute puissante américaine dont tant d'Européens semblent toujours hypnotisés, quand c'est manifestement de cet endroit du monde que partent les pires crimes commis contre l'humanité depuis plusieurs décennies. Et que le fascisme, sournoisement déguisé, y est à l'œuvre. Si nous voulons ardemment un changement des règles dans nos sociétés et nos vies, il faut contrecarrer la puissance culturelle américaine qui est parvenue à s'imposer un peu partout dans le monde, comme idéal de ce qu'il y aurait de mieux et d'indépassable pour chacun d'entre nous. Et l'arme que nous possédons pour la combattre est le boycott.
Si nous comprenons et intégrons pleinement ce qui précède, nous ne pouvons en conséquences qu'opter pour le boycott de tout ce dont nous pouvons nous passer qui provient des États-unis d'Amérique. C'est par l'affaiblissement de l'économie américaine que nous pourrons observer la diminution du soutien de cette nation au régime sioniste. Les autres États alliés de ce régime, comme d'habitude, suivront. Et privé de cet allié vital, le régime génocidaire sera contraint de s'asseoir et d'accepter enfin une solution équitable pour l'avenir, dans l'écoute des exigences palestiniennes. Toute autre approche semble à ce jour, illusoire. Les forces en présence n'autorisent rien d'autre qu'une résistance déterminée, en fonction des moyens de chaque acteur: sur le terrain là-bas, une résistance armée, chez nous ici, une résistance par un boycott puissant et assidu, sans oublier d'interpeler nos responsables politiques, jusqu'à l'usure.
Il faut boycotter tout ce qui est en provenance des États-unis, tout, tout, absolument tout ce qui provient de ce pays, pour mettre leur économie à genoux et les priver des moyens de soutenir le régime terroriste israélien qui alors, ne pourra plus imposer son fascisme sioniste comme elle le fait depuis des décennies. Il faut s'y investir à fond, ne pas relâcher la pression, rester déterminés et comprendre qu'ainsi, vous aidez directement le peuple martyr palestinien: Boycott USA, à tous niveaux !!!
Et se rappeler, en guise de conclusion et en ne l'oubliant jamais, cette phrase: «Le fascisme ça commence avec les fous, ça se réalise grâce aux salauds, et ça continue à cause des cons». (Henry de Montherlant).
Daniel Vanhove
23.12.25
La source originale de cet article est Mondialisation.ca
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