
par Amal Djebbar
2026 arrive. Elle ne frappe pas, elle s'impose. On la sent déjà dans l'air, dans les rumeurs, dans les bulletins précoces qu'on nous envoie comme des ordres déguisés. Les élites ont leurs cartes en main, leurs plans, leurs agendas invisibles. Nous, nous marchons derrière, comme des funambules sur un fil tremblant, le regard mi-étonné, mi-sceptique. Rien n'est laissé au hasard, tout est programmé, administré.
Cette année ne promet pas de répit. Elle promet des épreuves. Des tensions étouffées, des décisions imposées, des vérités qu'on devra avaler sans mâcher. Les jours viendront avec leur lot de chocs doux et de bouleversements subtils, avec leurs équilibres impossibles et leurs obligations dissimulées sous des sourires polis. Et nous, pauvres spectateurs, nous nous tiendrons là, observant, annotant, respirant entre deux rafales d'informations et de crises qui nous dépasseront.
On nous demandera de tenir. Tenir sous le poids des choix que nous ne faisons pas, sous la pression des normes qu'on nous impose, sous les cadences que nous ne décidons pas. On rira peut-être, on pleurera peut-être, mais nous avancerons, parce qu'il n'y aura pas d'autre option. L'année sera un champ de test, un théâtre où chaque mouvement, chaque hésitation, chaque souffle sera mesuré et jugé.
Les promesses brillantes, les discours rassurants, les chiffres flatteurs ne seront que décor. Derrière, tout sera contrôle. Tout sera calcul. Et nous apprendrons à naviguer entre ce qui est montré et ce qui est imposé, entre la lumière des apparences et l'ombre des intentions.
Et pourtant, il faudra marcher. Avancer. Tenir debout. Observer les bouleversements, les surprises, les manipulations invisibles. Se souvenir que, malgré tout, nous avons encore nos yeux pour voir, nos mains pour écrire, nos mots pour témoigner. Même si l'année nous broie par moments, même si elle nous fait chanceler, il restera toujours ce geste simple : regarder, comprendre, analyser, rouspéter, dénoncer, juste pour sentir qu'on existe.
2026 ne sera pas douce. Elle sera exigeante, insistante, rigide dans ses tests. Elle apportera des choix impossibles, des chemins étroits, des pressions invisibles. Et nous, on gardera notre sang froid entre les ordres, à sourire malgré l'absurde, à écrire nos ratures avec la certitude que, dans ce monde administré, ce geste restera notre seul petit territoire de liberté.
Alors, quand l'année se glissera dans nos vies, nous serons prêts, ou du moins assez pour tenir. Nous observerons, nous commenterons, nous résisterons comme nous pourrons, avec ironie et lucidité. Parce que ce qui vient n'est pas une promesse, ce n'est pas un cadeau. Ce qui vient est l'épreuve, la cadence imposée, le théâtre où l'on devra avancer, même si chaque pas grince et que chaque geste est calculé.
Et moi, je vous le dis, nous survivrons. Pas indemnes, pas glorieux, mais debout. Avec nos ratures, nos griffonnages, nos soupirs et nos notes amères. Parce que c'est tout ce qui nous restera. Et qu'après tout, marcher sous le joug de l'année qui arrive, en sachant que tout est orchestré, tout est attendu, tout est administré... Eh bien, il reste toujours un petit plaisir à regarder tout s'écrouler autour de soi, en silence ou pas, avec un sourire qui ne promet rien.