AUTEUR: Hans-Jürgen FALKENHAGEN & Brigitte QUECK
Traduit par Michèle Mialane. Édité par Fausto Giudice
Le dimanche 22 novembre 2009 a eu lieu le premier tour des élections présidentielles. Il était couplé avec un référendum sur l'abolition du Sénat et donc du bicamérisme ainsi que sur la réduction du nombre des députés au Parlement (Chambre basse) qui devait passer de 471 à 300.
Aucun des 12 candidats n'a pu franchir la barre des 50% au premier tour. Le tenant actuel du titre, Traian Bacescu (longtemps capitaine de vaisseau de commerce et apparatchik de la marine de commerce sous Ceaucescu) était en tête à l'issue du premier tour avec 32,44% des votants, son concurrent Mircea Geoana du Parti social-démocrate (PSD) suivait avec 31,15%. La troisième place revenait au Président du Parti national-libéral, Crin Antonescu, avec 20,02%.
Venaient ensuite Corneliu Vadil Tudor, leader du parti d'extrême-droite Grande Roumanie, avec 5,56% de voix, le Président de l' Union démocratique magyare Kelemen Huner, puis Sorin Oprescu, candidat indépendant (3,18%) et George (Gigi) Becali, du parti Nouvelle Génération - Chrétiens démocrates (PNG-CD), un parti d'extrême-droite (1,91%). Les autres candidats ont obtenu moins de 1% des voix.
Crin Antonescu Corneliu Vadim Tudor Sorin Oprescu Gigi Becali
La participation se situait au total autour de 54,37%, c'est à dire que seulement 9 946 748 électeurs et électrices sur les 18 millions environ d'inscrits ont pris part au vote (la participation se situait à 51,5% dans les zones urbaines, à 56,3 dans les zones rurales) .
Selon les résultats officiels 77,78% d'entre eux ont voté pour la suppression du Sénat et 88,84% pour la réduction du nombre de députés.
Il y aura donc ballottage, le 6 décembre entre le Président roumain actuel, Trajan Basescu, et celui qui le suit, Mircea Geoana.
Bãsescu et son pote Berlusconi
Quelles chances a Basescu d'être réélu ? Ce Président passe pour autoritaire et a déjà tout fait, en amont des élections, pour assurer son pouvoir. Il a veillé à ce que le Premier ministre Emil Boc, qui dirigeait jusqu'au premier octobre 2009 une coalition gouvernementale du Parti démocratique-Libéraux (PD-L) et du Parti social-démocrate (PDS) exige la démission du ministre de l'Intérieur social-démocrate, Dan Nica. Ce dernier a été remplacé par un collègue du PD-L. Un parti auquel appartient également Bacescu. Cela conduisit le premier octobre à une rupture de la coalition entre le PD-L et le parti social-démocrate, ce dernier considérant le renvoi de Dan Nica comme une tentative très claire de Basescu pour se procurer les moyens de manipuler les prochaines présidentielles, puisque c'est le ministre de l'Intérieur qui est en charge de l'organisation des élections.
Le 13 octobre une importante majorité du Parlement a refusé la confiance au Premier ministre Boc et demandé son remplacement par Klaus Johannis, un homme politique bien connu et populaire. Mais Basescu a maintenu en place son affidé Boc et l'a nommé Premier ministre intérimaire d'un gouvernement minoritaire, ce qui lui permettait de garder la haute main sur le ministère de l'Intérieur et donc sur l'organisation des élections. Il a pu mettre en route son projet de réduction des pleins pouvoirs du Parlement et imposer de coupler le référendum déjà cité avec l'élection présidentielle, dont l'issue a ensuite été de toute évidence manipulée par la Commission centrale électorale mise en place par le ministère de l'Intérieur.
La résistance à Basescu s'est accentuée. On l'a accusé de menées dictatoriales. On a rappelé qu'il avait déjà été suspendu par le Parlement en 2007 pour violation de la Constitution et infractions au droit et parce que de lourds soupçons de corruption pesaient sur lui. Seul un référendum, de toute évidence fortement manipulé, lui avait permis d'être réintégré dans sa charge.
Désormais une vaste alliance contre Basescu s'est reformée en Roumanie. Une importante majorité du Parlement continue à réclamer un nouveau Premier ministre, en l'occurrence Klaus Johannis. Mais Basescu ne veut pas lâcher son poulain Emil Boc, et se contente de garder sous le coude pour ce poste un certain Lucian Croitoru, un expert en finances et en opérations boursières assez louche.
Mircea Geoanã
Après les élections du 22 novembre Antonescu, arrivé en troisième position, a apporté son soutien à Geoana. Il a appelé à voter pour lui le 6 décembre, imité par Kelemen Huner et Sorin Oprescu. Geoana semblerait donc largement assuré de remporter le second tour, d'autant plus que le pays semble bien disposé en sa faveur. Mais Basescu ne serait plus Basescu, s'il renonçait à magouiller. Il a organisé avec l'aide du gouvernement d'Emil Boc une campagne de calomnies de haute volée contre Geoana. Il a par exemple fait courir le bruit qu'Antonescu était un agent de Moscou et jetterait la Roumanie dans les bras de la Russie. L'un des slogans répandus par Basescu est que « si Mircea Geoana était élu Président, la Roumanie tomberait sous la férule de Moscou et reculerait de vingt ans.»
Un coup dur a déjà été porté à la démocratie par le référendum limitant encore les compétences du Parlement et abolissant le bicamérisme que Basescu a réussi à faire passer, ce qui lui permet d'accentuer encore son autoritarisme. Ce résultat a déjà été obtenu au moyen de fraudes électorales massives. Maintenant Basescu veut être réélu à tout prix le 6 décembre. Si la démocratie était respectée, c'est, on l'a dit, Geoana qui devrait être élu. Basescu est plus impopulaire que jamais, entre autres parce qu'il s'oppose de toutes ses forces à la nomination, approuvée par une importante majorité parlementaire, de Klaus Johannis au poste de Premier ministre. Un duel télévisé opposant Basescu à Geoana ne devrait pas être très efficace contre la campagne actuelle de calomnies dirigée contre Geoana et d'intimidation contre les forces qui le soutiennent.
Basescu jouit du soutien sans faille de l'administration Obama aux USA, des gouvernements français, britannique et allemand et des dirigeants de l'UE, puisqu'il s'est porté plusieurs fois garant du maintien de l'OTAN, d'une accentuation de l'engagement de la Roumanie dans les interventions extérieures de l'OTAN et par ricochet de la fourniture de chair à canon bon marché pour l'expansion à l'Est de l'OTAN et de l'UE. Il vise entre autres une « réintégration » de la Moldavie dans la Roumanie.
La crise économique qui s'aggrave dans le pays, dans le sillage de la crise mondiale, contribue elle aussi à créer un climat vraiment peu favorable aux élections. On prévoit pour 2009 une chute de 7,5% du produit intérieur brut. L'inflation - 4,3% environ- est la plus élevée de l'UE.
Mircea Geoanã
L'industrie roumaine, déjà fortement affaiblie après la chute de Ceaucescu (recul de 80% de la production industrielle), et qui n'a commencé à se relever péniblement qu'en 2000, a chuté à nouveau en 2009 de 15% par rapport à son niveau de 2008 selon les estimations. Le chômage bat des records ainsi que le nombre des SDF, ce qui entraîne un accroissement dramatique du nombre des jeunes et enfants à la rue. Beaucoup crèvent de faim, et on meurt de plus en plus faute de soins médicaux. Même le salaire minimum légal - l'équivalent en lei de 153 euros par mois - n'est perçu que par une minorité des citoyens et citoyennes. Les revenus de la majorité se situent encore au-dessous de ce plancher.
La misère sociale explique aussi en partie la faible participation aux dernières élections, ce que Basescu ne conteste d'ailleurs pas. C'est pourquoi il est absolument opposé à l'exigence d'une participation minimum pour que les élections au Parlement, à la présidentielle et aux référendums soient valides.
Le deuxième tour se déroulera le 6 décembre dans une atmosphère de tension politique croissante et de pression accrue sur les forces démocratiques. Le Traité de Lisbonne est déjà en vigueur en Roumanie ; Basescu a été l'un des premiers chefs d'État européens à le signer. Ce traité doit, selon les déclarations d'hommes politiques occidentaux de premier plan « assurer et promouvoir la démocratie en Europe occidentale et centrale.» La Roumanie offre d'ores et déjà l'exemple inverse : une claire absence de démocratie et le mépris du droit des peuples à l'autodétermination - pour ne rien dire de la dégradation du niveau de vie dont souffre la grande majorité de la population roumaine. On peut se demander avec angoisse si les dernières forces quelque peu démocratiques du pays pourront résister et impulser en Roumanie un peu plus de véritable démocratie.
Sources : www.romanialibera.ro du 2/10. au 26/11/2009
Source : tlaxcala.es
Article original publié le 30/11/2009
Hans-Jürgen Falkenhagen und Brigitte Queck sont des collaborateurs de Tlaxcala, le réseau international de traducteurs pour la diversité linguistique, dont Michèle Mialane et fausto Giudice sont membres. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l'intégrité et d'en mentionner les auteurs, la traductrice, le réviseur et la source.
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