18/01/2011 europalestine.com  5min #47919

 Profil bas pour le « clan des Tunisiens »

Tunisie : comment l'ump-sioniste Raoult a tenté de sauver Ben Ali

Au lendemain de ce fiasco, car contrairement aux voeux de l'Elysée, c'est bien le peuple tunisien qui a remporté la première manche du combat pour sa liberté, les membres du gouvernement de Sarkozy se font discrets.

On n'a pas beaucoup entendu, depuis le week-end, la mère Alliot-Marie, qui proposait quelques jours plus tôt à Ben Ali l'envoi de CRS pour l'aider à mater l'émeute, ni Frédéric Mitterrand, titulaire d'une nationalité tunisienne octroyée par Ben Ali en personne sans que personne sache le pourquoi d'une telle faveur, et qui chantait la semaine dernière encore les louanges du dictateur. Et encore moins le ministre dit « villepiniste » Bruno Le Maire, répétant en boucle, tout au long de la semaine sanglante, le bien qu'il pensait de la dictature tunisienne.

Mais les témoignages recueillis par l'envoyée spéciale du journal Le Monde à Tunis, Isabelle Mandraud, montrent que Paris n'a eu de cesse, avant la chute, de pousser un Ben Ali hésitant à « tenir bon », face à la rue, et à se présenter comme l'indispensable rempart contre Al Qaida et plus généralement la « menace islamiste ».

Le député UMP de la région parisienne Eric Raoult, qui est l'un des principaux relais de l'Etat israélien dans le monde politique français, a payé de sa personne, raconte Mandraud. Briefé ou pas par son ami du Likoud Silvan Shalom -préposé de longue date aux relations d'Israël avec le régime de Ben Ali-, Raoult a explosé sa facture téléphonique, pour sommer les dirigeants tunisiens de « ne pas ouvrir la brêche aux islamistes », rapporte ainsi la journaliste.

Voici maintenant l'article de l'envoyée spéciale du Monde


Titre : "Peut-être on partira, mais on brûlera Tunis"

Tunis, envoyée spéciale - Cet homme n'est ni grand ni petit. On ne peut pas le décrire. Il n'a pas de nom. Il faut lui en inventer un : Zyed. Il se terre dans une maison du quartier Bardo, à Tunis, qu'il fait surveiller depuis la rue par de jeunes parents, les nerfs à fleur de peau. "Je change d'endroit toutes les heures", dit-il en refoulant des larmes. Conseiller de Zine El-Abidine Ben Ali au palais de Carthage, il avait pris contact de sa propre initiative quelques jours avant la chute de l'ex-président parce que, disait-il, il ne voulait pas "être complice des massacres". Pour le rencontrer, ce dimanche 16 janvier, il faut suivre des émissaires à travers un dédale de rues. Zyed tente aujourd'hui de fuir la Tunisie, mais son passeport français, qu'il exhibe trop brièvement, est faux. Son récit, souvent interrompu par le bruit de tirs tout proches qui le font violemment sursauter, met en scène les intrigues d'un clan familial sclérosé et une fin de règne agonisante bien avant le début, le 17 décembre 2010, des émeutes en Tunisie. "Il régnait une atmosphère délétère au palais, souligne-t-il. En septembre, il y a eu un accrochage très sérieux entre le président et sa femme, et, à partir de là, la présence de son frère Belhassen et de son fils Imed est devenue de plus en plus forte." L'ancien conseiller avance aussi le nom de Slim Chiboub, marié à Dorsaf Ben Ali, la fille de l'ancien président, mais écarte celui d'un autre gendre, très en vue, Sakhr El-Materi, décrit comme "un requin qui n'a pas de dents". "QU'IL CRÈVE" En octobre, ce clan aurait mis au point, selon lui, un scénario "diabolique" consistant à laisser "le président en poste jusqu'en janvier 2013, puis sa démission aurait été annoncée pour raison médicale, suivie d'un appel pour des élections". Les partis "amis" auraient été instrumentalisés pour créer une polémique en présentant de faux candidats. Des manifestations organisées un peu partout par le RCD, le parti du pouvoir, se seraient conclues par une "manif monstre d'un million de personnes à Tunis pour réclamer la candidature de Leïla". Mais, le 17 décembre, le suicide de Mohamed Bouazizi, immolé par le feu, change tout. "Ben Ali était totalement indifférent, il a dit quelque chose comme : 'Qu'il crève'. A ce moment, Abdelwahab Abdallah est devenu le véritable régent, et Abdelaziz Ben Dhia le filtre sans qui rien ne passait." Ali Sériati, le chef de la garde présidentielle, fait partie du dispositif. L'ancien conseiller décrit des acteurs de plus en plus fébriles au fur et à mesure que le mouvement de révolte prend de l'ampleur dans le pays. Le 29 décembre, au lendemain du premier discours du président, il assiste à une réunion de crise. "Abdallah a dit : 'Il faut que tout ça soit manipulé par un groupe affilié à Al-Qaida au Maghreb islamique. Pour nos amis français, c'est la seule solution.' Ce à quoi a répondu Ben Ali, très cynique : 'AQMI en Tunisie, c'est la mort du tourisme, on va se suicider'."

DES APPELS D'ERIC RAOULT

Aux Américains, un même argument devait être présenté : Kasserine, la ville où les manifestations ont été les plus durement réprimées, était un "foyer islamiste". "Il y a eu un air de fête après les déclarations de Michèle Alliot-Marie lorsqu'elle a proposé d'aider à former des policiers tunisiens, poursuit Zyed. Et Eric Raoult appelait tout le temps pour dire qu'il ne fallait pas ouvrir la brèche aux islamistes ; Abdallah l'avait surnommé la 'passerelle'."

Contacté, M. Raoult reconnaît avoir "appelé souvent", mais, assure-t-il, "des amis comme Charfeddine Guellouz ou Habiba Massabi (députée RCD), pas la présidence, ce n'est pas de mon niveau". La situation, cependant, s'aggrave en Tunisie. Le conseiller, qui révèle que l'ancien chef de l'Etat s'était réfugié dans sa propriété d'Hammamet avant de quitter le pays et avait préenregistré son dernier discours, rapporte cette dernière réunion : "Sériati a prévenu que les militaires, ces 'fils de bâtards', a-t-il dit, fraternisaient avec la population. Il a ajouté : 'Peut-être on partira, mais on brûlera Tunis : j'ai 800 bonhommes prêts à se sacrifier. Dans deux semaines, les mêmes qui manifestent vont nous supplier de reprendre les choses en main.'" Zyed, alors, est parti de son côté.

Isabelle Mandraud (Le Monde)

CAPJPO-EuroPalestine

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